1491 - Du Côté de chez Erwan/ Le bel Erwan (2)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Du Côté de chez Erwan

 

[Le bel Erwan]

 

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1491 - Du Côté de chez Erwan/ Le bel Erwan (2)

 

20 mai

Matin

J’aperçois par la fenêtre les jambes nues d’Erwan, qui s’active avec son beau-père par la portière de la fourgonnette à charger des cartons : je me moque de moi-même de profiter ainsi du spectacle ¡

 

Après-midi

Nous faisons l’état des lieux de sortie, la mère du jeune Erwan et moi. Elle discute un court instant la date du préavis, mais rend assez vite les armes lorsque je lui dis que l’avis de réception m’en est parvenu le 15 mars (la date du 9 inscrite sur sa lettre étant sans effet) et qu’un demi-mois, par conséquent, me reste dû — sauf relocation entre-temps, naturellement.

L’appartement est propre et son descriptif tout à fait conforme à celui que nous avions établi à la date d’entrée en jouissance des lieux deux ans auparavant. Aussi allons-nous vite, nous attardant bien peu sur les détails — contrairement à la fois, tatillonne à l’extrême de sa part, où nous avions fait l’état des lieux précédent

 

Je les invite à prendre un café chez moi pendant que nous consignerons sur la table de la salle à manger les rares changements intervenus depuis l’emménagement d’Erwan — la porte d’entrée a été changée (et Sébastien a disparu), une fenêtre remplacée au profit d’un double vitrage avec une partie fixe à hauteur d’évier et une autre partie à ouverture oscillo-battante — et reporterons le reste à l’identique.

 

Avec sa mère et son beau-père, Erwan fait quelque peu l’enfant. Telle est, je le sais bien, la loi des familles ; mais j’aurais aimé emporter une autre image du jeune Erwan au moment de le quitter.

Le petit frère — presque sept ans dorénavant — a été confié à sa « mamie », et l’on se montre les photos faites dans la matinée par ladite grand-mère de la merveille turbulente dont je garde un souvenir tel que je préfère qu’il ait été absent…

L’on débat du futur emménagement de son aîné à Milan. Le jeune Erwan envisage toutes les options, une studette, un appartement en colocation, une cohabitation chez l’habitant, voire chez « un vieux ». Comme je relève l’épithète — sans songer d’ailleurs sur le moment au masculin de l’article ! —, il se reprend, protestant qu’un vieux c’est quelqu’un d’au moins de soixante-dix ans, en me dédouanant ainsi d’appartenir à pareil aréopage. Et lui de rougir beaucoup (ce qui fait que je lui pardonne incontinent ¡).

Comme la mère évoque leur séparation, le jeune Erwan joue les fanfarons en revendiquant une indépendance acquise durant les deux dernières années. « Peut-être que je ne reviendrai pas ! Je tomberai peut-être amoureux… de la culture italienne (il me semble qu’il glisse une équivoque à ce sujet, en direction plus de sa mère que de moi, assortie d’un bref suspens, pendant lequel j’attends, je ne sais pas bien pourquoi, “… d’un bel Italien !”) — Et que je resterai là-bas ! »

Quoi qu’il en soit et quoi qu’il exprime, Erwan fait l’enfant — puisque son discours trahit tout autant de l’agacement envers la mère, qui refuse l’éloignement dont il paraît avoir besoin.

 

L’on n’entend pas s’attarder. On n’a pas encore déjeuné, il est vrai, et la route est longue avant qu’on ne gagne « la Marne profonde », avais-je dit par plaisanterie à Erwan lors de nos échanges quelques temps auparavant.

Et quand je serre les mains des uns et autres au moment de leur départ, le pincement au cœur se fait attendre. Le coup d’œil sur ses jambes émergeant de son bermuda quand il descend l’escalier, le léger duvet blond, diaphane, pourraient y contribuer ; mais rien ne vient pourtant alors que je viens de refermer la porte sur le bel Erwan

*  *  *

Il n’empêche que le cœur me pèse un peu ensuite alors que je vais, après quitté et fermé l’appartement qu’il occupait, par les rues — je le croisais de temps à autre en ville, presque toujours en sens inverse du mien — qui me mènent jusqu’à “ma” terrasse accoutumée où boire une bière ¡

Comme pour me confirmer un abandon (¡) , une manifestation bruyante et nombreuse a lieu sur le parvis de l’église, m’obligeant à fuir, à me replier ailleurs. Je ne verrai pas donc le bel Ethan aujourd’hui. — Et je vais dans le café où sert Sacha pour m’en consoler.

(suite et fin ¡)

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Du Côté de chez Erwan - chronologie restituée à grands traits :

6 juin 2021 Où le narrateur rencontre le jeune Erwan

24-25 juin 2021 Où le narrateur rêve du sémillant Erwan

31 juillet 2021  Où le jeune Erwan emménage et où le narrateur connaît de premiers désenchantements

29 août 2021 Où le bel Erwan se montre secourable

[9-19 septembre 2021] Où le narrateur fait part d’un peu de répit lors de son voisinage avec Erwan la pie

[18 octobre 2021] Où le narrateur se montre à son tour secourable avec le bel Erwan

18 mai 2023 Où le narrateur a son premier (et dernier) tête-à-tête avec le jeune Erwan (âgé de presque deux ans de plus qu’à sa première rencontre)

 

 

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