1520 - Si bien que… ? (64)
Si bien que… ?
(Journal extime)
Work in progress
64
14 avril 2023
Encore une manifestation fantôme — parce que peut-être (à nouveau) interdite et, pour cela, délocalisée. Hier, nous défilions, Paul et moi, lui, pour la douzième fois, moi, presque autant, voire autant que lui si la Journée des femmes du 8 mars n’était pas comptabilisée dans les journées consacrées à la (contre)réforme des retraites, et nous avions entendu qu’un rassemblement était prévu dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel — pour laquelle, contrairement à Paul, je ne nourrissais aucune espèce d’espoir en l’occurrence… Aussi étais-je sorti dans l’idée d’y participer — sans jamais la retrouver.
La semaine a, par ailleurs, été occupée par les travaux, ceux de la terrasse (celle-ci, entièrement démontée) autant que par les finitions de la fenêtre donnant sur celle-là…
FG a conçu une machine destinée à transporter les matériaux depuis le jardin — machine, dans mon imagination, moi, qui n’ai aucune sorte d’intelligence technique, analogue à celles conçues par Léonard (dont T., plus tard, en la voyant, dira qu’elle ressemble à une balançoire et que je devrais la conserver pour mes petits-neveux et nièces — à moins qu’il ne s’agît de Denis et Valérie ?).
Cependant, la forme moulée qui doit assurer l’étanchéité de la terrasse n’est pas encore prête, ni d’ailleurs usinée, les cotes précises n’en ayant été relevées qu’aujourd’hui.
Le chantier est donc suspendu. Il ne reprendra — au mieux — que durant la semaine du 24 avril.
Il est un peu plus de 18 heures, et je m’informe de l’issue du Conseil constitutionnel, qui vient d’avaliser la réforme dans son désormais fameux article 7 fixant l’âge légal de la retraite à soixante-quatre ans, rejetant — évidemment ! — le référendum d’initiative partagée, tout en censurant quelques « cavaliers sociaux » tout à fait secondaires pour ne pas tout à fait passer pour l’instance avalisante pour laquelle elle a été saisie…
En sortant du café où je viens de boire une bière, j’aperçois un cortège qui vient de se mettre en branle, et, alors que, en arrêt un instant sur le trottoir, je m’apprête à rejoindre ses rangs, je me fais héler par Jacques, que je ne reconnais pas tout de suite mais que je suis content de voir. Sylvie l’accompagne. Deux cents personnes peut-être ont fait scission avec le rassemblement syndical organisé pour la circonstance — demeuré sur les lieux, sur une Place de la République dont l’appellation se fait, à mesure que l’on en bat si régulièrement le pavé, de plus en plus ironique…
Nous allons jusqu’à la Place S. Je discute avec Jacques, apparemment désireux de me parler. J’apprécie de plus en plus Jacques, d’ailleurs, ayant découvert derrière son image trompeuse d’ours (ne serait-ce que par la stature) quelqu’un d’attentionné, attentif et discret. Il sort à peine — et difficilement — d’un épisode de coronavirus et semble davantage encore affecté par l’acceptation par Sylvie de davantage de responsabilités politiques au plan local au sein de la France insoumise. Je comprends naturellement son point de vue car je sais bien combien cet engagement sera prenant (et dévorera de temps pour eux, alors que Jacques lui-même s’est mis partiellement en retrait du mouvement, ne supportant les combats de coqs internes au mouvement) — cependant que, admiratif de cette décision, je me garde d’un commentaire, craignant de repartir de façon pataude, mon engagement demeurant dans tous les cas circonstanciel et limité.
Entre autres visages connus, j’avise Isabelle, qui brandit une pancarte « le conseil des neufs sages » réversible en « l’armée des douze singes » — et que je viens embrasser. « Tu as vu ma pancarte ? », me demande-t-elle, et je manque totalement d’à-propos en l’interrogeant sur la façon dont, la paronomase aidant, elle est passée de neuf à douze — ce qui pourrait passer comme une critique indirecte et que je me reproche aussitôt, son engagement à elle étant aussi impeccable — alors que le mien, etc. etc.
Après avoir stationné une vingtaine de minutes au moins sur la place, un cortège s’improvise et nous défilons à nouveau dans les rues du centre ville. Quelques feux de poubelles (des sacs destinés aux détritus, non pas des containers) rythment notre avancée. Des automobilistes sont empêchés de circuler. Le cortège s’avère néanmoins « bon enfant », selon les termes consacrés, cependant que le temps est advenu d’un temps où les commissaires et leurs préfets ne le sont pas, ce que nous ne tarderons pas à le vérifier.
Car des CRS suivent, casqués et armes au poing, et ferment et serrent de près le défilé des manifestants.
Ils interviendront quelque quinze minutes plus tard, tandis que, en pleine conversation, nous nous sommes arrêtés de marcher au croisement de deux artères commerçantes, eux, chargeant sans sommation aucune et tirant des gaz lacrymogènes — cette stase à la marge nous valant d’échapper à cette nouvelle échauffourée policière.
Nous dînons ensuite dans un restaurant libanais où eux comme moi sont accoutumés et cordialement accueillis en un contrepoint qui, pour bien venu qu’il soit, ne nous console pas tout à fait de la tension vécue auparavant.