1561 - Realize relief ! (Lettre à J.-.M et Pascal, 7-9 juillet 1986), 2
in memoriam J.-M.
Mardi 8 [juillet 1986]
Jeunes gens, vous m’aurez pardonné mes élucubrations de la veille, essentiellement dues à la fatigue, à l’énervement, et peut-être à ce sentiment particulier d’avoir si peu fait quand je pouvais plus. Simone l’a souvent dit : le perfectionnisme n’est souvent pas de mise… Je vois aussi que c’est à présent, désormais, que commencent les véritables problèmes, surtout si je suis reçu au CAPES, et que je doive, subséquemment, m’exiler…
A quoi je m’éveille dans un concert de marteaux-piqueurs ? Je n’ai, pour l’heure, aucune envie d’avaler du bitume parisien. On se promet toujours d’en faire trop, de toute façon. — Non ?
22 heures
Le passé, toujours le passé. Ample et diffus tout à la fois. Vaporisations lentes sur moi.
J’ai pris avec Yves (désormais : A. B.) un café dans une ambiance de complicité, agréable, dont l’explication n’est pas évidente, car, après tout, au lycée, nous n’étions pas véritablement amis : j’avais oublié même qu’il existait jusqu’à aujourd’hui. Regrettions-nous un peu l’adolescence ?
J’ai téléphoné à Martine. J’ai eu l’impression très forte d’être malvenu. Je n’ai pas insisté pour la voir.
Et puis le p’tit con. Thierry. Nous avons rendez-vous demain soir à Odéon. Il paiera le restaurant. Tout de même, j’étais content de lui parler ; nous sommes restés pendus au téléphone plus d’une heure ; la conversation glissait, facile, sur nous, un peu comme avec Lindsay, reprenant son cours là où nous l’avions laissée. Cela a levé de la mélancolie, malheureusement. Je pense à l’atroce Charlestown dont parle Rimbaud.
Et Barbara chante la Musique, pour parfaire cette tasse de mélancolie.
Il est vingt-deux heures et plus (ma montre s’est arrêtée). Je n’en peux plus de Paris. Tout à l’heure, je voulais repartir, faire face avec moi-même. Là-bas, dans un univers protégé.