1577 - Paris, début d’automne (6)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Paris, début d’automne 

[récidive] 

Journal extime 

(27 septembre – 4 octobre 2023) 

6

 

1er octobre

Matin

Cette fois, Judith et N. sont en retard au rendez-vous que nous nous sommes fixés la veille.

Khadija propose de prendre d’abord un café.

L’exposition consacrée aux relations d’Amedeo Modigliani et de Paul Guillaume est plaisante — je sens Khadija d’emblée conquise.

 

 Amedeo Modigliani, (Livourne, Italie, 1884 - Paris, France, 1920), L'Enfant gras, Huile sur toile, 1915, Milan, Pinacoteca di Brera

Amedeo Modigliani, (Livourne, Italie, 1884 - Paris, France, 1920), L'Enfant gras, Huile sur toile, 1915, Milan, Pinacoteca di Brera

Fille rousse, Huile sur toile, 1915, Paris, Musée de l'Orangerie, Collection Walter-Guillaume

Fille rousse, Huile sur toile, 1915, Paris, Musée de l'Orangerie, Collection Walter-Guillaume

Artiste Fang, Gabon, Masque anthropomorphe Ngon Ntang, Bois, pigments dont kaolin, laiton, XIXe siècle, Paris, Musée du quai Branly-Jacques Chirac

Artiste Fang, Gabon, Masque anthropomorphe Ngon Ntang, Bois, pigments dont kaolin, laiton, XIXe siècle, Paris, Musée du quai Branly-Jacques Chirac

Amedeo Modigliani, Madam Pompadour, Huile sur toile, 1915, Chicago, The Art Institute of Chicago, Joseph Winterbotham Collection

Amedeo Modigliani, Madam Pompadour, Huile sur toile, 1915, Chicago, The Art Institute of Chicago, Joseph Winterbotham Collection

Antonia, Huile sur toile, Vers 1915, Paris, Musée de l'Orangerie, Collection Walter-Guillaume

Antonia, Huile sur toile, Vers 1915, Paris, Musée de l'Orangerie, Collection Walter-Guillaume

Portrait de Madame Hanka Zborowska, Huile sur toile, 1918-1919, Collection particulière

Portrait de Madame Hanka Zborowska, Huile sur toile, 1918-1919, Collection particulière

Nu couché, Huile sur toile, 1917, Turin, Pinacoteca Agnelli

Nu couché, Huile sur toile, 1917, Turin, Pinacoteca Agnelli

Elvire assise, accoudée à une table, Huile sur toile, 1919, Saint-Louis, Saint Louis Art Museum

Elvire assise, accoudée à une table, Huile sur toile, 1919, Saint-Louis, Saint Louis Art Museum

Le Jeune Apprenti, Huile sur toile,1917-1919, Paris, Musée de l'Orangerie, Collection Walter-Guillaume

Le Jeune Apprenti, Huile sur toile,1917-1919, Paris, Musée de l'Orangerie, Collection Walter-Guillaume

Je prends peu de clichés, la plupart des toiles sous vitre renvoyant les silhouettes des regardeurs, non sans éclabousser ou zébrer d’éclairages importuns les tableaux.

Nous parcourons la collection permanente,

Claude Monet, Argenteuil, 1875, Huile sur toile, Paris, Musée de l'Orangerie

Claude Monet, Argenteuil, 1875, Huile sur toile, Paris, Musée de l'Orangerie

Chaïm Soutine (1893-1943), Le Gros Arbre bleu, Vers 1920-1921, Huile sur toile, Paris, Musée de l'Orangerie

Chaïm Soutine (1893-1943), Le Gros Arbre bleu, Vers 1920-1921, Huile sur toile, Paris, Musée de l'Orangerie

puis la boutique. Khadija achète un “magnet ”du Bassin aux Nymphéas, harmonie verte pour Judith. Nous achevons notre visite précisément par Monet, par les salles des Nymphéas.

Nous convenons, Judith et moi, de nous retrouver au Musée du Luxembourg plutôt le matin le lendemain.

 

Après-midi

Nous déjeunons dans l’appartement.

Khadija me dit que seuls ses vrais amis ont vraiment conscience de ce qu’elle a mis sa vie entre parenthèses depuis sept ans. Le week-end aura passé pour elle trop rapidement. C’est ce que, précisément, j’ai désiré ces quarante-huit dernières heures : la divertir ; cependant, je lui rappelle que, sept ans auparavant, j’avais tenté de la dissuader daccomplir un tel sacerdoce. Je sais, sans qu’elle l’exprime, qu’elle n’avait pas imaginé que ses soins maintiendraient si longtemps sa mère en vie — et je me demande combien de temps encore cette dernière pourra encore durer sans que la machine flanche.

*  *  *

Nous nous rendons au Centre Pompidou pour l’exposition « Over the Rainbow », de l'autre côté des luttes, laquelle, chronologique, adopte un parcours historique obligé, sans surprises de ce fait, mais qui suscite des révisions et remontées mémorielles précieuses quelquefois, tout en n’interdisant pas sur place des découvertes, voire en autorisant des explorations ultérieures.

Ainsi savais-je ou avais-je oublié que le film de Victor Fleming le Magicien d’Oz dans lequel Judy Jarland « entonne le thème “Over the Rainbow” » — d’où les guillemets de citation (que je n’avais pas remarqués) dans l’intitulé de l’exposition —, était à l’origine du drapeau LGBTQIA+ aux couleurs de l’arc-en-ciel ? ou que « longtemps, dans la communauté gay, c'est grâce à ce nom de code (“un ami de Dorothée”, du nom du personnage de Judy Garland dans [ledit film]) que les homosexuels pouvaient discuter entre eux librement de leur orientation sexuelle » ?

Copieuse, puisque « [r]éunissant plus de cinq cents œuvres et documents (films, photographies, magazines etc.) », l’exposition évite malgré tout, du fait de la variété de ses supports, l’effet de saturation (contrairement à la rétrospective photographique Corps à corps) et permet également quelques coupes claires — Un Chant d’amour de Jean Genet, vu au moins deux fois, une première, au cinéma, une deuxième je ne sais à quelle occasion —, le temps nous étant compté avant le train que doit prendre Khadija en fin d’après-midi.

Marie Laurencin, L'Hermaphrodite, [1955], Eau-forte sur papier, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris

Marie Laurencin, L'Hermaphrodite, [1955], Eau-forte sur papier, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris

Je pense à ma lecture des ouvrages de René Crevel, découverts par l’intermédiaire de François, en découvrant ce portrait, somme toute médiocre, de cet autre suicidé (puisque Nicolas de Staël, Amadeo Mogliani, Vincent Van Gogh, ont accompagné ou accompagneront mes déambulations parisiennes du moment).

Christian Bérard, René Crevel, 1925, Huile sur papier marouflé sur toile, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris

Christian Bérard, René Crevel, 1925, Huile sur papier marouflé sur toile, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris

Les dessins de nus du photographe Raymond Voinquel aiguillonnent dans ma mémoire des souvenirs anciens

1577 - Paris, début d’automne (6)
1577 - Paris, début d’automne (6)

suscitant cette anamnèse : dans un numéro de Masques consacré à Jean Cocteau, publié pour le vingtième anniversaire de sa mort, Jean Marais à demi dénudé, (la “Photo X” paraît appartenir à une série bel et bien due au talent de Voinquel) —,

1577 - Paris, début d’automne (6)
Raymond Voinquel, Jean Marais, 1938 © Internet

Raymond Voinquel, Jean Marais, 1938 © Internet

tandis que, approfondissant cette signature, je croiserai par la suite d’autres portraits magnifiques, tel cet adolescent diaphane et luminescent, irradiant son incandescente jeunesse dans un Hommage (ô combien approprié) au Bronzino,

Hommage au Bronzino, 1940 © Internet

Hommage au Bronzino, 1940 © Internet

ou cet autre hommage aux corps sculptés par Michel-Ange,

Le Repos pour Michel Ange, 1942 © Internet

Le Repos pour Michel Ange, 1942 © Internet

ou ce portrait d’un Louis Jourdan abandonné et perdu dans des cordes suggestives, très beau de toutes les façons — la bouche et la narine, outre la toison fine, le sein parfait.

Louis Jourdan, 1939 © Internet

Louis Jourdan, 1939 © Internet

Au cours de ces brèves recherches, je découvrirai aussi ce cliché de Barbara, sans date, mais remontant sans doute aux années 1964-1965.

Barbara (s. d.) © Internet

Barbara (s. d.) © Internet

Précisément, je m’intéresse à la galerie de chanteurs et chanteuses déclinés dans une pièce qui leur est dédiée sous le chapitre de « Chansons interlopes ».

1577 - Paris, début d’automne (6)

Le film de Kenneth Anger, Scorpio Rising, que j’avais dû voir dans un festival du film underground quand j’avais vingt ans, m’apparaît assez daté dans son esthétique et même plutôt ennuyeux à regarder — ce que je fais distraitement, mais peut-être cette esthétique cuir et les motards ne font-il pas partie de mon imaginaire personnel, même si ce buste de Jean Boullet magnifie la lippe autant que le regard et le cou droits du cinéaste.

Jean Boullet, Portrait de Kenneth Anger, 1949-1950, Huile sur toile

Jean Boullet, Portrait de Kenneth Anger, 1949-1950, Huile sur toile

Je pense, enfin, à Mathieu Riboulet à propos des photographies, réalisées par Jean-Baptiste Carhaix, des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence — et à ma lecture de Avec Bastien.

1577 - Paris, début d’automne (6)
Edi Dubien, Jeune vampire, 2020

Edi Dubien, Jeune vampire, 2020

1577 - Paris, début d’automne (6)

Khadija prend en note des références, pour Coco dit-elle.

J’achète à la librairie du Centre l’Opoponax de Monique Wittig, absent des catalogues des médiathèques que j’ai pu consulter.

*  *  *

Nous rentrons à l’appartement afin que Khadija boucle sa valise.

Nous disposons de trois quarts d’heure ensuite pour nous poser dans le bar à bières dans lequel, elle et moi, avons pris nos habitudes depuis le mois de mars précédent.

 

Début de soirée

Pour moi aussi, ces deux derniers jours ont passé trop vite. Je quitte Khadija tout comme elle me quitte, précipitamment, et le rendez-vous pris en cours de journée avec Patrice et Anne nous donne l’avantage d’éviter un au revoir au bout d’un quai de gare…

 

 

 

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