1591 - Voyage à l'Est (10), 19 octobre, Budapest
[récidive]
Journal extime
(Mitteleuropa, 12 octobre - 25 octobre 2023)
10
19 octobre
Matin
J’ai réservé deux jours auparavant une visite au Parlement. Au guichet où je me rends, on m’explique que le billet a été acheté auprès d’une autre compagnie et qu'on ne peut me délivrer de ticket d'entrée. En fait, à l’extérieur du hall d’entrée, un “guide” — qui ne guidera rien ni personne ensuite — regroupe les gens. Il demande ensuite à chacun une pièce d’identité, et nous attendons dehors que soit l’heure d’entrer — puis nous attendons encore un dénommé [j’ai oublié, depuis, le patronyme espagnol de ce touriste inscrit pour le tour], qui tarde à venir.
Nous sommes enfin admis à entrer après qu'est arrivé le retardataire. Cependant, les visiteurs entrent par vagues successives : des groupes entiers (d’une quarantaine de personnes ?) passent à travers des portillons de sécurité leurs sacs et leur personne.
L’on charge, dans un hall d’accueil, la langue de nos audioguides en appliquant leur écran sur un drapeau correspondant à son pays, ce que je mets un certain temps à comprendre.
Puis, le moment venu, nous montons en troupeau quatre étages interminables — en raison de la hauteur de leur plafond évidemment.
Mais c’est la Salle de la couronne qui se réserve les traits les plus habituels du sacré. Celle-ci (dont j’ai vu la veille la réplique au Musée historique de Buda) est gardée par deux soldats en faction qui doivent demeurer impassibles et qu’on ne peut approcher à moins de deux mètres.
La relève, à laquelle nous assistons, se fait au pas de l’oie sous un commandement des plus raides, des paroles solennelles — relevant de je ne sais quelle soumission à j’ignore quelle autorité — étant interjetée, sinon aboyée, sur un ton rogue. Pareil cérémonial, pareille allégeance à la couronne heurtent le républicain que je puis être.
Un même sens du « sacré droit » joue évidemment à plein dans la Salle où siègent les députés — dont j’ai appris par raccroc le protocole d’entrée, empreint de componction, de ses membres, mœurs sans rapport avec le « bruit et la fureur » prônée par la France insoumise, ni non plus avec les habitus de la Chambre des communes britannique, habituée au charivari, autrement remuante en vérité que lors des débats de l’Assemblée nationale en France…
Dans l’exercice irrépressible des rapprochements entre pays, je m’amuserai d’apprendre que, par comparaison, la longueur totale du bâtiment excède — l’on dirait un concours de jets de noyaux de cerise crachés par des gamins enfiévrés par la montée des nationalismes propre à l’époque… — de 2 mètres en longueur le Parlement de Londres (auquel son style néogothique doit beaucoup), de 18, celui de Washington, et écrasant de près du double de par son envergure celui de Berlin.
King St. Stephen's page, Limestone statue from the time of the construction of the Parliament dismantled of its facade ; Sculptor : Miklós Köllő
Libéré au bout de quarante-cinq minutes (je calcule sournoisement que le coût du prix d’entrée s’élève environ, après conversion mentale, à cinquante centimes d’euros de la minute ¡), rendu à moi-même, civil lambda que protègent sa grisaille et son anonymat (quoique télésurveillé), je quitte les lieux, passe devant le monument dédié à la mémoire de Lajos Kossuth,
puis, arpentant le quartier, tâche d’apercevoir quelques façades intéressantes, nonobstant des grilles parfois, telles celles encageant cet immeuble qui jouxte l’Ambassade des Etats-Unis, celle-ci sise Place de la Liberté — dans un à rebours nominatif tout approprié !…
Je commence par la maison Bedö, construite par Emile Vidor, Kossuth Lajos ter.
Malheureusement le musée en est fermé. Mais la porte de l'immeuble s’ouvre à ma poussée.
Le bâtiment du 2 rue Hold, comme bien des fois, m’oppose, lui, un emballage ironique.
Et je suis bientôt refoulé par un gardien quand je tente d'entrer dans l’immeuble de l’ancienne Caisse d’Epargne de la poste, réduit par conséquent à en admirer l’extérieur,
de même que cet immeuble de la rue Aulich.
Je rentre ensuite déjeuner, remettant à l’après-midi l’opportunité de voir les villas de Városliget, le vaste espace boisé de Budapest attenant à la Place des héros, et de compléter cette quête d’architectures dues à la Sécession hongroise.
(à suivre)