1587 - Voyage à l’Est (6), 16 octobre, Budapest
[récidive]
Journal extime
(Mitteleuropa, 12 octobre - 25 octobre 2023)
6
16 octobre
Matin
Il est toujours des moments perdus au cours des voyages. La matinée que je viens de passer appartient à ceux-là.
J’avais décidé de profiter d’une visite guidée de la ville, incluse dans le forfait de la Budapest Card. Je longe d’abord une rue piétonne — la rue Váci — semée de façades intéressantes, sans parvenir à comprendre où se trouve le point de rendez-vous.
Persuadé, en effet, que le circuit s’effectue en bus et cherchant quel pourrait être son arrêt, je comprends tout à coup qu’il doit s’agir d’une visite à pied.
Au moment où j’avise un groupe stationné là, je reçois un appel d’Angelo, que j’ai beaucoup de peine à entendre. En fait, un employé du gaz est là, qui veut accéder aux compteurs, lesquels se trouvent à la cave. Or, il n’avait pas voulu de clé en raison — je l’ai déjà raconté — de la peur qu’il a des araignées. L’employé repartira sans avoir trop insisté, apprendrai-je par SMS ensuite.
J’ai eu tout de même le temps de me faire connaître entre-temps et l’on a patienté que ma conversation téléphonique s’achève. Débute alors une promenade menée par une guide hongroise qui parle un anglais que je ne comprends pas toujours — promenade qui s’interrompt (dès une ou deux centaines de mètres parcourus) par une longue station sur une place où est tracé au sol le cours du Danube : des lieux sont indiqués à propos desquels la guide dévide des informations plus ou moins utiles, plus ou moins intéressantes — ce qu’elle fera aussi in situ à propos de Buda, quand nous ferons face à l’autre rive de la ville en nous désignant les différents monuments, sur lesquels je n’apprendrai rien ni de substantiel ni de nouveau… Le comble de cette déambulation indigente est atteint, plus loin, devant des bâtiments figurés par des palissades devant une immeuble en travaux — tout cela alors que nous nous tenons en plein froid et plein vent.
Je fausserai aussi tôt que possible compagnie à cette visite plus virtuelle qu’effective devant un bâtiment dont on nous vante l’intérêt mais qui pour l’heure s’avère fermé au public et dans lequel l'on ne peut pénétrer !
L’église, toute proche, que je gagne ensuite affiche un tarif d’entrée dissuasif, et je renonce à pareille dépense, baroque autant que la décoration intérieure que j’aperçois à travers une vitre…
Sur le chemin, je prends un nouveau cliché d’une façade qui se signale à mon attention.
Dans le métro, nouveau désagrément, je dépasse d’une station celle où je comptais descendre et dois rebrousser chemin.
Après-midi
Comme il fait beau — davantage que les jours à venir ainsi que m’a instruit le site météorologique consulté —, je choisis, après déjeuner, de me rendre jusqu’à Memento Park, à l’extérieur de la ville.
Le trajet en est plutôt long, mais cette échappée à la lumière n’est pas malvenue avant la venue l’automne…
Cette exhibition en plein air de statues monumentales, si elle relève d’un art discutable (tant au plan esthétique qu’idéologique), n’est pas dénuée d’intérêt, surtout en un temps où l’on veut déboulonner, mettre au rebut toutes les statues que l’époque (à raison, la plupart du temps…) rejette : si l’Internationale du passé entend faire table rase, la conservation du passé, la mémoire peuvent importer, tandis que ce cimetière de dieux déboulonnées atteste une idolâtrie puissamment entretenue…
D’ailleurs, à mes pieds ou plutôt à portée du regard, l’hommage d’une rose, même flétrie, même à terre, interroge sur nos adhésions et rejets
— quand bien même on ne voudrait être à (pas plus que chausser) la botte de Staline.
Reste que l’on fait assez rapidement le tour de cette mise au rebut singulière et spectaculaire, même en s’attardant.
* * *
Au retour, je m’achemine en tramway jusque la colline de Buda afin de visiter l’Église Notre-Dame-de-l'Assomption de Budavár
— dont l’entrée est (à nouveau) d’autant plus chère que je l’avais crue gratuite en consultant la documentation attachée à la Budapest Card. Je fais valoir alors le tarif senior. Débarqué au bord du Danube, en outre, j’ai dû gravir une importante quantité de marches, tant et si bien que mon palpitant de senior a, précisément, subi une plutôt rude épreuve ¡
Je retrouve là l’inévitable Sissi, laquelle ne me console pas tout à fait de l’exercice.
L’ensemble, dans sa décoration, est dans le goût (soigné) finiséculaire (celui du XIXe). Je ne puis m’empêcher de penser que le trésor de l’endroit s’avère réduit dans le nombre et l'intérêt de ses pièces : ce n’est pas celui de la cathédrale de Milan… Et l’athée irréfragable que je demeure s’effare toujours de devoir payer pour visiter une église.
Fin d’après-midi
Ultime désagrément de la journée : je me fais, sans que j’aie le temps de réagir, sans doute estamper en payant presque 17 euros un grand verre de vin blanc, qui n’est certainement pas, du moins à mon palais, un Tokay hongrois. J’aurais été mieux inspiré de choisir sur la carte ma consommation auparavant, ce qui aurait pu m’éviter qu’on me considère comme un touriste ballot — impression des plus désagréables lorsqu’on se trouve à l’étranger…