1602 - Voyage à l'Est (18), 24 octobre [suite], Nuremberg
[récidive]
Journal extime
(Mitteleuropa, 12 octobre - 25 octobre 2023)
18
24 octobre
Après-midi [suite]
RÉSUMÉ : Journée dense en marche, musées… et en pluie.
Après l’Église protestante Saint-Sebald, la plus ancienne de la ville,
je visite un premier musée, le Stadtmuseum im Fembo-Haus dans une belle demeure Renaissance.
Puis je grimpe jusqu’au château, auquel je ne trouve qu’un intérêt limité.
Altarflügel mit den Hll. Martin und Wenzel (?), Werkstatt des Augustiner-AltarsNürnberg, Ende 15 Jh., Nürnberg, Bayerische Schlösserverwaltung
L’horizon se trouve de plus en plus noyé par les cordes immenses qui s’abattent sans répit…
Comme je m’y attendais, la maison d’Albrecht Dürer en contrebas du château impérial n’abrite que reconstitutions et contenus virtuels, copies de tableaux du maître très grossièrement exécutées — et meubles d’époque, certes, mais n’ayant jamais appartenu au graveur et peintre.
Heureusement, au dernier étage, sont exposés six portraits originaux.
Albrecht Dürer, Erasmus of Rotterdam, Engraving, monogrammed "AD", dated 1526 Grafische Sammlung der Stadt Nürnberg, Karl-Diehl-Sammlung
Philipp Melanchthon, 1526, Engraving, monogrammed "AD", dated 1526, Grafische Sammlung der Stadt Nürnberg, Karl-Diehl-Sammlung
(Je montre particulièrement sensible à cette gravure représentant Philippe Mélanchthon, col et front ouverts et dégagés, qui, du moins tel que représenté, respire intelligence, alacrité d’esprit, humanisme pour tout dire.)
Je n’écoute, cependant, les plages de l’audioguide que partiellement — il n’y en a que pour les époux Dürer bourgeoisement installés dans leur notoriété, et c’est par raccroc que j’apprendrai un peu plus tard que Dürer, à l’art duquel j’ai toujours été sensible, était selon toute vraisemblance gay —, tant et si bien que je suis bientôt ressorti de l’endroit.
Après avoir erré quelque peu ensuite dans la vieille ville, je parviens à trouver le Musée national germanique (Germanisches Nationalmuseum), à nouveau fort riche et varié. L’après-midi est malheureusement très avancé, et les presque deux heures que je lui consacre ne suffiront pas à le parcourir entièrement.
Je suis retenu d’abord par l’étage consacré à l’époque médiévale où sont exposés des sculptures et objets singuliers, rares ou exceptionnels, amusants ou remarquables — à mes yeux de béotien, ou, pour le moins, d’amateur peu éclairé.
Prunkeinband des Codex aureus, Trier, zwischen 983 und 991 ; vielleicht 985-987, Goldblech, Edelsteine, Perlen, Elfenbein und Email über Eichenholzkern ; Rücken und Rückseite : Seide Core
Ainsi de ce buste reliquaire, pourvu d’une calotte articulée qui s’ouvre et d’une fenêtre à l’avant destinée à l’exposition de quelque reste de saint ;
de cette Vierge sur sa couche avec l’Enfant-Jésus ;
de ce Christ chevauchant son âne le Dimanche des Rameaux lors de son entrée à Jérusalem ;
de cette sculpture représentant la visite de Marie à sa cousine Elizabeth (les deux femmes sont enceintes, et leurs bébés à naître visibles dans leurs « cavités abdominales »)
ou, enfin, de cet aquamanile médiéval, rhyton investi lui aussi de quelque office sacré…
Je virevolte ensuite de l’étage consacré à la Renaissance, fais un entrechat par-dessus les Lumières, puis visite le deuxième, dévolu à l’art du XXe siècle, puis, à l’étage suivant, du XIXe siècle, non sans un détour par les vêtements à partir de 1700 (encore effectué-je à leur sujet un grand glissé).
Lucas Cranach d. Ä. (1472-1553), Wittenberg, 1533, Martin Luther (1483-1546) im 50. Lebensjahr, Malerei auf Buchenholz
Lucas Cranach d. Ä. und Werkstatt Wittenberg, nach 1529, Allegorie auf Gesetz und Gnade, Malerei auf Buchenholz, später in zwei Tafeln zersägt
Christoph Weiditz (um 1500-1559), Kleopatra mit der Schlange/ Cleopatra with the Asp, Augsburg, um 1540/50, Ivory
Albrecht Dürer (1471-1528), Portrait of the Nuremberg Painter Michael Wolgemut, Nürnberg, 1516, Painting on limewood
Albrecht Dürer, Portrait of Dürer's Mother Barbara, née Holper, Nürnberg, um 1490, [Peinture sur bois (sapin)]
Albrecht Dürer, The Lamentation of Christ, Epitaph-Painting of the Nuremberg Holzschuher Family, Nürnberg, um 1499/1500, Painting on pine
Albert Kriemler, Akris, Tunic and Jacket, Look 36, 2022, Doubleface-Kaschmir Cupro, Akris, St Gallen
Sergius Pauser (Wien 1896-1970 Klosterneuburg), Lady in White (Dr. Beck, née Sokal), 1927, Oil on plywood
Emil Nolde (Nolde/ Nord Schleswig 1867-1956 Seebüll/ Holstein), Landscape with Farmhouse, 1922, Oil on canvas
(Je songe à Khadija devant ce portrait de Kokoschka
puis à Judith devant ce “piano-lyre”
Johann Christian Schleip (nachzuweisen 1820-1840 in Berlin), Lyra-Klavier/ Lyre Piano, Berlin um 1840, Mahogany veneer, gilded bronze mounts
Joseph Hauber [attribué à] (Geratsried 1766-1834 München) Johann Baptist Strobl In the Art Gallery of the Teacher and Bookseller Johann Baptist Strobl, um 1795/1800, Oil on canvas
— et il fallait assurément cet autoportrait de Franz Stuck pour parachever, de Munich à Nuremberg, le circuit effectué ces deux dernières semaines.)
Dans le dédale des salles, des étages et des ailes dans lesquels je peine parfois à me retrouver ou progresser, une femme désireuse de me guider m’escorte jusqu’au lieu d’exposition auquel je lui ai demandé d’accéder, puis un autre gardien, qui, lui, me précède jusqu’à un ascenseur faisant office de monte-charge — si aimables ces accompagnateurs que j’en oublie les vexations des jours précédents et trouve une fluidité nouvelle dans ma diction, tout en me souvenant tout à trac de vocables allemands ressurgis d’un passé que j’avais pu croire perdu dans le bric-à-brac de souvenirs scolaires.
Cela tombe à pic puisque, ironie du sort qui me rappelle ma visite du Palais Sternberg à Prague, j’ai perdu la sorte de breloque indiquant le numéro du casier dans lequel j’ai enfermé mes affaires et que, alors que, à cette heure où le musée s’apprête à fermer ses portes, la plupart des clés sont en place et les casiers de la rangée que je croyais avoir choisie en sont munies !
La femme à laquelle je m’adresse à la réception, qui — je me la rappelle pour son aménité — m’avait délivré mon billet, se porte à mon secours, et me mène jusqu’à une salle de consignes, symétrique de celle où j’ai cherché en vain mes affaires : un serrure n’a pas trouvé sa clé, et je retrouve alors mes impedimenta !
* * *
Je bois un bière brune dans le pub où je suis allé la veille. Un Français s’exprime dans un anglais qui le signale comme un compatriote, et je lui adresse — en toute automaticité — un sourire complice.
Nuit du 24 au 25 octobre
Ai pensé absurdement en me réveillant une première fois au mitan de la nuit qu’aujourd’hui Angelo aurait vingt ans ! En vérité, j’espère vivement qu’il ne fera pas la fête…