1648 - April in Paris (again), 3
April in Paris (again)
(31 mars - 8 avril 2024)
3
— Work in progress, journal extime —
1er avril 2024 [suite]
En sortant de la salle de cinéma, voyant que j’ai reçu, de fait, un appel je consulte ma messagerie téléphonique d’un aspirant à la location.
Pendant que nous rejoignons le ligne 10, nous parlons du film, les Carnets de Siegfried, qui, en fait, a beaucoup plu à Aymeric, et qu’il dit assez profus pour, un jour, le revoir une seconde fois.
Nous commentons un peu le parcours de ce poète, Siegfried Sassoon, dont nous ignorions tout. J’avais, en revanche, connaissance du personnage Robbie, le seul qui ne s’était pas détourné d’Oscar Wilde au moment de son procès, et qui avait continué à militer pour la réhabilitation du mémoire de son ami.
Dans le métro, Aymeric raconte — ce qu'il croyait proprement impossible — s’être fait voler la batterie de son vélo électrique deux jours [?] auparavant.
Sur ma demande, il évoque son nouveau téléphone, dont il n’a pas encore eu l’occasion d’éprouver la qualité de l’appareil photographique, une des raisons principales, outre l’essoufflement en charge et le système d’exploitation ancien, pour laquelle après un certain nombre d’années il s’est résolu en acheter un neuf. Il me parle aussi d’airtag, un accessoire électronique que l’on fixe sur un objet quelconque, ce qui permet de le localiser sur son portable.
Parvenus Place d’Italie, nous nous attablons dans un troisième bar, en attendant l’heure, assez proche, du restaurant indien accoutumé. Encouragé par la serveuse qui met en avant le happy hour, je commande une pinte de bière (que je ne finirai pas) tandis qu’Aymeric, plus raisonnable, se contente d’un porto.
Pêle-mêle, mais non sans logique dans mes associations, je parle des écouteurs que j’avais achetés après sa recommandation en décembre dernier, de la sempiternelle question des nuisances sonores occasionnées par mes voisins du dessous, des bouchons d’oreille à ma taille que je me suis fait faire auprès de l’audioprothésiste. Je retrace aussi le départ de mon locataire, des travaux approximatifs effectués par l’artisan et de la discussion animée à l’issue de laquelle il avait offert de peindre gracieusement la fenêtre.
La succession notariale après le décès de sa mère n’a pas abouti encore. Sa sœur souhaiterait vendre sa part pour accroître son propre patrimoine, alors qu'elle n'est pas encore à la retraite et dispose de moyens financiers suffisants. Elle argue qu'elle désire « profiter de la vie ». Aymeric se montre dubitatif : n’a-t-elle pas tout ce dont elle a besoin ? Il se montre plus épicurien qu’elle et son carpe diem mal compris : pourquoi contrevenir, en effet, à des habitudes de modération pour un train de vie supérieur peut-être, mais qui ne lui procurera un bien-être que largement imaginaire ? (Ce ne sont naturellement pas les termes qu’il emploie, que j’ai oubliés, mais dont je tente de rendre l’esprit.)
L’heure en étant venue, nous nous présentons à l’entrée du restaurant. Le serveur mirifique, qui nous accueille, a désormais les deux tiers de la figure mangée par une barbe opulente. Il porte des lunettes, en outre. Il a néanmoins conservé une silhouette mince et preste, un corps souple et gracieux en mouvement offert en consolation à nos yeux déçus par ces changements de sa figure. Et lui reste par-dessus tout son sourire éclatant.
Je parle de mes lectures. Comment de proche en proche, à partir de ma lecture du volume de William Marx, Un savoir gai — que j’ai jugé décevant, hormis quelques passages, moins convenus, à propos de la condition gay —, notant quelques références d’ouvrages au passage, j’en suis venu à lire Correspondance indiscrète, fruit d’un échange épistolaire autrement original entre Arthur Dreyfus et Dominique Fernandez — ainsi que le roman du premier, Belle Famille (sans trait d’union, titre largement antiphrastique), que j’ai trouvé bien réjouissant. Aymeric mentionne les gloussements de vieilles dames durant le film au moment de la première scène de sexe entre Siegfried Sassoon et mon amant, survenue assez tard puisque auparavant le protagoniste s’était contenté de relations platoniques — si l’on en croit la biographie retracée par — , au nom d’une « pureté » de mœurs, elle contre nature, qu’une idéologie de l’époque — celle même qui a condamné Wilde à deux années de travaux forcés au bagne —, dans une Angleterre encore marquée par l’ère victorienne, prônait contre l’évidence de ses pulsions…Aymeric, lui, me dit avoir lu la Synthèse du camphre lors de sa parution. Il a fini les Bienveillantes dorénavant, mais déserté les neuf cents pages de Pétrole de Pier Paolo Pasolini au moment du décès de sa mère. Je lui raconte comment mon père s'est lancé dans la lecture d'Annie Ernaux, en délaissant les titres les plus intimes de l’auteure.
Aymeric expose ses projets pour les vacances d'été à venir. Lui et P*** se rendront dans la région du Lac de Constance côté allemand, puis en Bavière. Pour ma part, je devrais me confectionner un itinéraire prochain dans le nord de l’Italie au volant de ma voiture mais n’arrive pas à m’y projeter. Je dis aussi — étourdiment — que je devrais revenir à Paris Jeux Olympiques du mois de juillet ; Aymeric souligne, cependant, la pauvreté de l’offre muséale, y compris pour les expositions à venir.
Je reçois un message de Judith confirmant le rendez-vous du lendemain. Alors que j’entends lui répondre, je m'aperçois que l’enregistreur inscrit les phrases que je suis en train d'énoncer, tant et si bien que je saisis l'occasion et parviens à dicter un message en réponse à la machine.
Nous parlons alors de mon élocution, de la lenteur des progrès réalisés en presque quatre ans, indéniables peut-être, mais qui me condamnent à poursuivre les séances d’orthographie probablement longtemps encore.
Aymeric, toutefois, a relu le texte que lui avais soumis pour imprimatur et commente des progrès à l’écrit en raison d’erreurs que je ne commets plus (pronoms personnels, oublis de mots). Il a lu également quelques autres de mes billets. Il s’est bien amusé de celui qui rapporte la « petite fête » qu’Angelo a donnée pour ses vingt ans.
Le plat que nous mangeons (le même pour l’un et l’autre, que nous n'avons jamais testé) est très bon. Nous commandons un dessert.
Aymeric m’avait prévenu que, du fait des journées chargées qui l’attendaient, il ne s'attarderait pas après le dîner. Or, il est déjà vingt-deux heures et, parvenus à la station de métro, nous avons la désagréable surprise d’apprendre par les panneaux d’affichage qu’aucune rame n’est désormais plus en circulation sur les lignes 5 et 7. Aymeric se cherche alors une solution de secours : il devra rentrer par la ligne 7 et prendre encore une correspondance entre deux tramways et un autre métro, ce qui allonge passablement en temps son retour…
De mon côté, je trouve un bus presque sur le départ Place d’Italie, qui chauffe déjà en attendant l'heure de démarrer.
Le bus est bientôt bondé, qui met un temps infini pour courir sur l’échine de la capitale et à traverser la Seine — ainsi que me révèle le trajet consulté sur l’écran de mon portable (puisqu'aucun affichage à l’intérieur n’indique le nom des stations auxquelles montre
Je poursuis jusqu’à la Place Léon Blum et prends le métro jusque Saint-Ambroise.
Dès que rentré, j’envoie un message à Aymeric, qui arrive également chez lui.
* * *
Une demi page de lecture suffit pour avoir raison de mon attention aux phrases des lignes que mes yeux parcourent.
Cependant, mon endormissement est bientôt contrarié par les bruits du voisinage. Je dors d'un sommeil haché, contrarié par une digestion plutôt difficile.