1650 - April in Paris (again), 5
April in Paris (again)
(31 mars - 8 avril 2024)
5
— Work in progress, journal extime —
3 avril 2024
Sur le parvis du Musée d’Orsay, je me tiens quinze minutes avant son ouverture dans la file d’attente. Celle-ci n’est pas si longue que redouté (car le simple terme d’« impressionnisme » suffit si ordinairement à drainer les foules que j’avais tenu bon pour me prémunir d’un probable engorgement lors de la visite de l’exposition Paris 1874, Inventer l’impressionnisme…).
A 9 heures 45, je franchis le portail électronique. A ce moment précis, Patrice tente de me joindre et je remets à plus tard le soin de lui répondre afin d’éviter le plus possible tout encombrement à l’entrée de l’exposition.
De fait, la presse est encore réduite. Et je fais bientôt face aux danseuses de la première salle sans se bousculent trop les regardeurs amateurs de fillettes à peine pubères, jadis « proies de riches “protecteurs”, [selon] une réalité sociale bien connue alors, [et] que résume ainsi un critique : “Petite fille encore ? Sans doute. Femme déjà ? Peut-être. Jeune fille ? Jamais.” ».
Auguste Renoir (1841-1919), la Danseuse, 1874, Huile sur toile, Whashington, National Gallery of Art, Première exposition impressionniste, 1874, n°141
Comme sur ce mur, le tableau de Renoir était le premier vu dans l’exposition originelle, apprend-on. Les commissaires d’exposition ont, en effet, la bonne idée de reconstituer le plus précisément qu’il leur était possible les salles et l’accrochage originels, et ce, jusqu’à la couleur brun-rouge dont les murs étaient peints. On est ainsi informé des tableaux acceptés par le jury officiel, des « refusés » de cette « première exposition impressionniste », mais aussi de celles qui l’ont suivie, ou encore des parentés, affinités et amitiés qui avaient cours entre tel ou tel de ces artistes.
(Parcourant les lieux, je suspends souvent le geste photographique devant certains tableaux sous vitre, ou tâche de jouer avec la position de l’appareil — tant pis pour les déformations trapézoïdales ! — afin d’éviter tout reflet importun. Partant, je me contente parfois de photographies pour mémoire des cartels des toiles concernées… Pour autant, je ne m’interdis pas des récidives concernant le fonds local, en escomptant que je devrais améliorer la qualité de clichés antérieurs, voire agrandir la collection attachée à tel ou telle peintre grâce à l’apport de musées étrangers, essentiellement des Etats-Unis.)
Edgar Degas (1834-1917), Classe de danse, Vers 1870, Huile sur bois, The Metropolitan Museum of Art, H. O. Havemeyer Collection, Première exposition impressionniste, 1874, n° 55
Camille Pissarro (1830-1903), les Châtaigniers à Osny, 1873, Huile sur toile, Collection particulière, Première exposition impressionniste, 1874, n° 138
Félix Bracquemond (1833-1914), Alphonse Legros, 1875, Eau-forte, Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie, Première exposition impressionniste, 1874, possible n° 24
La troisième salle (?) fait montre des œuvres acceptées par le jury, en raison souvent de « grands noms » — dont, selon Zola, cette « étrangeté archéologique » hiératique, attestant toutefois une grande maîtrise technique, un véritable savoir-faire,
Lawrence Alma Tadema (1836-1912), La Mort du premier-né de Pharaon, 1872, Huile sur toile, Amsterdam, Rijksmuseum, Salon, 1874, n° 18
ou cette (autre) toile biblique due à Jean-Jacques Henner.
Jean-Jacques Henner (1829-1905), le Bon Samaritain, 1874, Huile sur toile, Montpellier, Musée Fabre, Montpellier Méditerranée Métropole, Salon, 1874, n°910
Giuseppe De Nittis (1846-1884), Sur les pentes du Vésuve, 1872, Huile sur bois, Milan, Gaileria d'Arte Moderna, Première exposition impressionniste, 1874, possible n° 117
Giuseppe De Nittis (1846-1884), Route en Italie, 1870, Huile sur toile, Barletta, Pinacoteca Giuseppe De Nittis, Première exposition impressionniste, 1874, probable n° 118 bis
Sont aussi exposées les toiles refusées, tel ce tableau de Manet, qu’accompagne ce cartel : « La scène, qui montre sans ambiguïté les transactions entre prostituées et clients, est refusée au Salon. L'écrivain Mallarmé publie alors un article incendiaire à l'encontre du jury, qui s'autorise à décréter “ceci est un tableau” ou “voilà qui n'est pas un tableau” ».
Edouard Manet (1832-1883), Le Bal de l'Opéra, 1873, Huile sur toile, Washington, National Gallery of Art, Refusé au Salon de 1874
Je n’ai jamais eu l’occasion de voir certaines toiles — l’autre intérêt majeur de cette rétrospective étant le prêt de nombre d’œuvres appartenant à des musées américains —, à l’instar de celle-ci, malheureusement sous vitre
Edouard Manet, Le Chemin de fer, 1873, Huile sur toile, 93,3 x 111,5 cm, Washington, National Gallery of Art, Salon, 1874, n° 1260
— au contraire de ces Coquelicots, dont je possédais jadis une reproduction que ma mère avait fait encadrer et que j’avais accrochée dans ma chambre.
Claude Monet (1840-1926), Coquelicots, 1873, Huile sur toile, Paris, musée d'Orsay, Première exposition impressionniste, 1874, n° 95
— coquelicots que l’on retrouve dans cette peinture d’un très grand format sous le pinceau de Daubigny. (un précurseur reconnu comme tel du mouvement impressionniste, figurant d'ailleurs dans une salle consacrée aux artistes liés par une sensibilité commune) parmi les tableaux acceptés par le Salon — tant "[l]a ligne de partage entre tradition et avant-garde est, en 1874, encore très poreuse ».
Charles François Daubigny (1917-1878), Les Champs au mois de juin, 1874, Huile sur toile, Ithaca, Herbert F. Johnson Museum of Art, Cornell University, Salon, 1874, n° 522
Henri Fantin-Latour (1836-1904), Fleurs et objets divers, 1874, Huile sur toile, Göteborg, Göteborgs konstmuseum, Salon, 1874, n° 702
Berthe Morisot (1841-1895), Vue du petit port de Lorient, 1869 Huile sur toile Washington, National Gallery of Art, Première exposition impressionniste, 1874, probable n° 107
Berthe Morisot (1841-1895), La Lecture, 1873, Huile sur toile, The Cleveland Museum of Art, Première exposition impressionniste, 1874, n° 105
Berthe Morisot (1841-1895), Cache-cache, 1873, Huile sur toile, Collection particulière, Première exposition impressionniste, 1874, n° 106
Camille Pissarro (1830-1903), Le Jardin de la ville, Pontoise, 1874, Huile sur toile, New York, The Metropolitan Museum of Art, Première exposition impressionniste, 1874, possible n° 139
Claude Monet (1840-1926), Le Havre, bateaux de pêche sortant du port, 1874, Huile sur toile, Collection Michael G. Herman, Première exposition impressionniste, 1874, n° 96
Paul Cézanne (1839-1906), La Maison du pendu, Auvers-sur-Oise, Vers 1873, Huile sur toile, Paris, musée d'Orsay, Première exposition impressionniste, 1874, n° 42
Eugène Boudin, Couchant sur la mer, Vers 1854-1859, Pastel sur papier bleu-gris, Honfleur, Musée Eugène Boudin, Première exposition impressionniste, 1874, possible n° 20
Mieux exposé qu’au Musée Marmottan, Impression soleil levant, par un dispositif idoine, tire la couverture à lui. Je prends quelques clichés, que je destine à T. qui s’interrogeait sur les différences criantes de coloris et de luminosité qui existent entre les reproductions qu’il avait vues sur la toile. Cependant, avec un même appareil, des différences subsistent, et je m’emploie à modifier les valeurs de l’« exposition » — en les diminuant dans l’échelle proposée du portable — en sorte d’être au plus près de l’œuvre originale.
Claude Monet (1840-1926), Impression, soleil levant, 1872 Huile sur toile Paris, Musée Marmottan Monet, Première exposition impressionniste, 1874, n° 98
Remarquables, enfin, sont certaines toiles de la troisième exposition impressionniste de 1877.
Claude Monet (1840-1926), La Gare Saint-Lazare, 1877, Huile sur toile Paris, Musée d'Orsay, legs Gustave Caillebotte, 1894, Troisième exposition impressionniste, 1877, n° 102
Camille Pissarro (1830-1903), Les Toits rouges, coin de village, effet d'hiver, 1877, Huile sur toile, Paris, musée d'Orsay, legs Gustave Caillebotte, 1894, Troisième exposition impressionniste, 1877, n° 163
Claude Monet (1840-1926), Les Tuileries, Vers 1876, Huile sur bois, Paris, musée d'Orsay, legs Gustave Caillebotte, 1894, Troisième exposition impressionniste, 1877, n° 105
Gustave Caillebotte (1848-1894), Peintres en bâtiment, 1877, Huile sur toile, Collection particulière, , Troisième exposition impressionniste, 1877, n° 6
Auguste Renoir (1841-1919), La Seine à Champrosay, 1876, Huile sur toile, Paris, musée d'Orsay, legs Gustave Caillebotte, 1894, Troisième exposition impressionniste, 1877, n° 195
* * *
J’erre ensuite à l’aventure, à la recherche toutefois de l’exposition Être ici est une splendeur — un joli titre, assurément, digne d’un « établissement » — consacrée à une artiste qui m’est totalement inconnue, Nathanaëlle Herbelin (née en 1989), dont les œuvres sont accrochées en regard de toiles de Bonnard, de Vuillard et de Wallotton. Ma réception aux œuvres de l’artiste demeure variable, ce qu’attestent mes stations, plus ou moins prolongées.
Nathanaëlle Herbelin (Née en 1989), Layla, 2019, Huile sur toile, 33 x 41 cm, Collection particulière
Ainsi, la représentation de la pilosité masculine dans ce portrait confine à un rendu somme toute grossier, qui m’évoque la bande dessinée, même si la toile me plaît
N. Herbelin, Jérémie au bain, 2023, Huile sur toile, Brussels, 90 x 131 cm, Comma Foundation, Belgium Courtesy de l'artiste, de la Comma Foundation, Belgium et Xavier Hufkens
Nathanaëlle Herbelin, Câlin, 2021, Huile sur toile, 100 x 74 cm, Collection Jeremy Achkar, London Courtesy de l'artiste, de la Galerie Jousse Entreprise et de ADZ Gallery, Lisbon
Pierre Bonnard (Fontenay-aux-Roses 1867 - Le Cannet 1947), Les Frères Bernheim-Jeune, 1920, Huile sur toile
Edouard Vuillard (Cuiseaux 1868 - La Baule-Escoublac 1940), Le Sommeil de Madame Vuillard, Vers 1891-1892, Huile sur toile
Au hasard des salles (donc), je sacrifie encore et toujours à de nouveaux clichés en vue d’une amélioration de l’album photographique.
Winslow Homer (Boston, États-Unis 1836-Prout's Neck, États-Unis 1910), Nuit d'été, 1890, Huile sur toile
Ferdinand Hodler (Berne, Suisse 1853-Genève, Suisse 1918), La pointe d'Andey. vallée de l'Arve (Haute-Savoie) dit anciennement La Schynige Platte (Suisse, Alpes bernoises), 1909, Huile sur toile
Cuno Amiet (Soleure, Suisse 1868-Oschwand, Suisse 1961), Schneelandschaft (Paysage de neige), dit aussi, Grosser Winter (Grand Hiver), 1904, Huile sur toile
Le portrait de Renoir par Frédéric Bazille — ce peintre décidément trop tôt disparu durant la guerre franco-prussienne de 1870 —, enfin, se signale à mon attention.
Frédéric Bazille (Montpellier 1841-Beaune-la-Rolande 1870, Pierre Auguste Renoir, 1867, Huile sur toile
D’une disparition cruelle l’autre, j’apprendrai qu’a été détruit au cours d’une autre guerre cet autre portrait, peint par Sisley.
Alfred Sisley, Frédéric Bazille, (1867-1868), ancienne Collection Wildenstein, détruit durant la Seconde Guerre Mondiale © Internet