Archive GA CXIX - Appendice à mon séjour à Paris (26 juillet-2 août 2010), journal extime • A l'Est d'Eden
Archive CXIX - Appendice à mon séjour à Paris (26 juillet-2 août 2010), journal extime et parisien, troisième édition 19 – A l’est d’Eden
Au terme de ces pages, je ne suis pas sans m’adresser de reproches. Car ce journal “extime”, au fil des lignes, l’est devenu... de moins en moins !
— non tant pour moi peut-être d’ailleurs que pour mes correspondants parisiens. Lorsque j’avais apposé une photo de N*** sur l’une des entrées de mon journal, je lui en avais demandé l’autorisation — n’en étant, précisément, pas l’auteur, ni non plus le sujet photographique — ; il me l’avait accordée, et, la chose faite, je lui avais dit, par plaisanterie, avoir prostitué ses pieds sur le site.
De même pour nos marinières à Charles et à moi, j’en avais averti le porteur du vêtement.
Je sais que N*** et Charles se moquent qu’on perce leur identité ou non... La preuve en étant la photo de N*** apparue depuis ailleurs (par deux fois)... Aymeric, lui, n’est pas gêné de ce que je peux écrire sur lui, mais ne tient pas à ce qu’on le reconnaisse. J’ai toujours tâché de tenir compte de cela.
Quoi qu’il en soit, des personnes sont devenues des personnages. Autant dire : des ectoplasmes littéraires, qui ne ressemblent pas toujours à leurs entrailles ni même à leur ombre. Je crois en avoir prévenu mes lecteurs ; mais qui sait si ceux-ci ne confondent pas la réalité et la fiction, le réel et sa représentation ? qui sait si moi-même je ne me suis pas pris au jeu d’une étreinte fantasmatique rêvant d’animer la créature recréée, tel Mahoudeau sa baigneuse ? (J’ai déjà parlé de cela.) Ce qui primitivement était hommage, complicité, clins d’œil amusés, duos chantés par la re-création/ récréation des mots (j’ai ainsi trouvé plaisir à voir sur un de mes billets N*** intervenir pour préciser mon texte et apostropher un de mes commentateurs, voire : j’aimerais idéalement écrire à quatre mains la relation d’une rencontre afin de faire apparaître les décalages dans les perceptions qu’ont l’un de l’autre et l’autre de l’un — et dans tous les cas approfondir le sens et les enjeux de ce qui se trame alors entre les êtres)
— ce qui, primitivement, était partage s’est parfois enlisé dans le solipsisme, l’intransitivité de l’écriture, la re-présentation accusant aussi la non-présence, tandis que mes interlocuteurs s’absentaient. Se taisait Charles, se taisait N***. Je leur avais envoyé — naturellement — ce que j’avais écrit les concernant, et je m’inquiétais de ces silences. Tenant plus aux personnes qu’aux monuments — je m’en suis expliqué déjà —, plus aussi aux personnes qu’aux personnages, j’aurais sarclé sans barguigner les passages les concernant, me contentant de comptes rendus des expositions vues, même si par principe je préfère de beaucoup les gens, meilleurs interlocuteurs en théorie, et suis — surtout — un mauvais critique de toute façon... Parallèlement, je poursuivais une conversation avec un certain Fabien, qui m’expliquait faire de l’autofiction à partir de ses rencontres érotiques — posant autrement que moi le rapport à la réalité, ainsi d’ailleurs que la relation à la relation des relations sexuelles ! Tout cela me troublait infiniment...
Dans l’attente de l’imprimatur de mes interlocuteurs, je retravaillais inlassablement mes phrases, le texte concernant Charles ayant été l’objet de réécritures incessantes — si bien qu’il se trouve peut-être inutilement orfévré… autre reproche que je m’adresse !
Et, pourtant, le bonheur d’écrire était immense — comme l’avait été le plaisir de concrétiser par des rencontres qui ne faisaient pas mentir les échanges qui s’étaient noués préalablement, le plaisir de mettre des voix, des regards, des prénoms sur des pseudonymes, des photographies, des phrases. J’avais ainsi des émois de collégien en allant à mes rendez-vous ; après tout, il n’est pas si facile de se faire des amis « dans la vie réelle » — selon l’expression consacrée —, surtout après quarante ans (mettons… cet âge n’est jamais qu’indicatif !) alors que la plupart des gens ont une existence bien rassise et qu'on vous imagine pareillement doté d’une vie réglée, femme, enfants, télé, voiture, foyer, télécommande pour la télé, télécommande pour le parkinge, télécommande pour la femme et les enfants (ou baguette magique pour les faire disparaître ?) ?… Et où, sinon dans le milieu professionnel — c’est dire le terrible enfermement… —, rencontrer des gens ? De ce point de vue, la toile offre des vraies possibilités, à condition de sonder les cœurs et les reins en s’écrivant — car, en ce qui me concerne, je fais confiance aux mots (je dois être un peu naïf…), aux façons d’écrire des gens, qui les trahissent et les expriment — les expriment et les trahissent tout uniment. Des phrases correctement pensées, sincèrement écrites peuvent laisser percer quelque accent qui se reconnaît à la lecture — sinon : à quoi bon se dire et se raconter ?
C’est pourquoi cette phrase toute simple :
« en fait, je crois que je suis gêné qu'on parle de moi »
émanant de Charles dans un MSN a tout à coup fait basculer mon bonheur d’écrire en mon désespoir (un peu honteux, qui plus est) d’avoir si mal réussi à décrire ! C’est d’ailleurs une phrase que je trouve absolument légitime : je l’aurais signée, en éprouvant peut-être plus de gêne encore que lui si l’occasion m’avait été donnée de passer de l’état de personne à celui de personnage — et si j’avais lu la description et le récit nécessairement tronqués de ma rencontre avec un autre me caricaturant ou me déformant par son regard !
Certes, j’ai pris les devants : ce n’était que ma vision de C***, je n’avais aucune prétention d’avoir saisi autre chose qu’un reflet de ce qu’il est, encore était-ce à travers son pseudonyme, ses photos, son état de danseur (en apesanteur). Un vrai phantasma grec, un persona latin, un ectoplasme — assurément !
Mais, si, comme je crois qu’il faut que j’y renonce, je n’écris plus sur les « transports » qui m’amènent vers les autres, alors, sur quoi écrirai-je ?… car je n’ai aucune espèce d'imagination !! Et — qui plus est — comment, dans ces conditions, sortirai-je de moi (ex-isterais-je) !?!
Quoi qu’il en soit, en mal déjà des amis et interlocuteurs parisiens, désireux d’une nouvelle échappée, j’ai réservé un studio du 26 au 31 octobre prochain. Je me passerai donc la camisole pour n’écrire que très peu, sinon par exemple sur les feuilles qui tombent… — Mais peut-être, comme l’an dernier, l’automne rousse sera-t-elle chaude et belle…
J’irai ainsi pas à pas, jusqu’au dernier…
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de : kolokani [Nicolas]
Louis-René des Forets...
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de : 1rom1
On ne peut rien te cacher ! 😉
(Publié sur GayAttitude le 25/09/2010 à 22:07)