1657 - April in Paris (again), 11
April in Paris (again)
(31 mars - 8 avril 2024)
11
— Work in progress, journal extime —
7 avril
Nuit
Une assemblée bruyante en face et contrebas de l’immeuble me réveille à plusieurs reprises.
Ce sommeil par intermittences est favorable aux rêves que nourrissent toutes sortes d’anxiétés. C’est pourquoi sans doute je rêve de R. (à qui j’adresse des reproches pour son arrivisme) et de Wilfried (que je dois voir le lendemain — qui avait été l’élève de R., lequel d’ailleurs ne l’aimait pas beaucoup).
Matin
Je me rends au Musée d’art moderne afin de visiter l’exposition Jean Hélion. Au guichet, je me vois proposer de parcourir l’autre exposition, proposition que je décline, puisque ne disposant pas suffisamment de temps.
La rétrospective consacrée à Jean Hélion s’avère une plutôt bonne surprise, ma réserve a priori s'estompant à mesure.
Jean Hélion, Figure bleue, 1935-1936, Huile sur toile H. 145 x L. 99 cm, Musée d'Art moderne de Paris
En arpentant les salles et en lisant la littérature rupestre qui les rythme, je retiens — à rebours du parcours de František Kupka, trente ans plus tôt et pour d’autres raisons — que le peintre a renoncé à la peinture abstraite à la veille de la Seconde guerre mondiale — et comme sous son impulsion. Je photographie cette dernière toile attestant cet abandon, prédiqué comme tel par Hélion lui-même : « J'ai atteint, en quelques secousses et en deux années, la Figure tombée, ce tableau de 1939 qui fait un monument à la chute en moi de l'abstraction. » :
Jean Hélion, Figure tombée, Avril-septembre 1939, Huile sur toile, 126,2 x 164,3 cm, Centre Pompidou, Paris, Musée national d'Art moderne
Des habitudes ont été prises cependant, et le pli de l’abstraction et de la géométrie ne manquent pas de se faire remarquer dans toutes les compositions ultérieures.
Jean Hélion, Etude 214 - Etude pour “Edouard”, 1939, Huile sur toile, Collection particulière ; Édouard, 1939, Huile sur panneau, Collection particulière ; Édouard, 1939, Huile sur panneau, Collection particulière
Jean Hélion, Figure gothique, New York, 1945, Encre de Chine, crayon, gouache et aquarelle sur papier, Courtesy Galerie Alain Margaron
Déjà sensible à mainte reprise dans le motif de la vitrine où se reflète la rue, sinon la ville, l’attention à la vie urbaine rencontre aussi un écho chez moi.
Jean Hélion, À rebours, Janvier-février 1947, Huile sur toile, 113,5 x 146 cm, Centre Pompidou, Paris Musée national d'Art moderne / Centre de création industrielle
Jean Hélion, La Belle Étrusque (le porteur de citrouille), 1948, Huile sur toile, Collection particulière
Jean Hélion, Triptyque du Dragon, Acrylique sur toile, panneau central : 275 x 425 cm, panneaux latéraux : 275 x 225 cm, Fonds régional d’art contemporain de Bretagne
Des thèmes ou motifs traditionnels — comme choses ou thèmes à peindre — entretiennent par ailleurs de puissantes correspondances avec l’histoire de la peinture.
Jean Hélion, les Anénomes d'hier et d'aujourd'hui, 1952, , Huile sur toile, Collection Patrice Trigano
D’un tableau l’autre, un bric à broc d’objets se retrouve sous la forme de motifs récurrents : chaussures, parapluie, brocs, cruches et pichets. L’artiste manifeste un solide sens de l’humour quelquefois, nonobstant des troubles oculaires grandissants et les accidents de la vieillesse.
Jean Hélion, Festival d'automne à l'atelier, 1980, Acrylique sur toile, Courtesy Galerie Alain Margaron
Ainsi Parodie grave porte bien son nom, marqué du sceau de l’autodérision (et des représentations du calvaire). On doit peut-être le « chromatisme exacerbé » des toiles de la fin à ses problèmes de vue.
Jean Hélion, Parodie grave, 1979, Acrylique sur toile, Centre Pompidou, Paris Musée national d'Art moderne / Centre de création industrielle
Je suis sensible, enfin, au compagnonnage d’écrivains au cours de sa carrière, de René Char à Michel Tournier, qui, en 1977, accompagne l’exposition de dessins récents de l’artiste au Musée de l’Abbaye Sainte Croix.
René Char et Jean Hélion, Dix poèmes de la sieste blanche de René, quatorze illustrations de Jean Hélion, 14 feuilles non nuérotés de papier d'Arches fin, Bibliothèque nationale de France
Au sortir de l’exposition est affichée une toile immense intitulée Choses vues en mai
Jean Hélion, Choses vues en mai, 1969, Acrylique sur toile, Centre Pompidou, Paris Musée national d'Art moderne / Centre de création industrielle, En dépôt au musée des Beaux-Arts d'Orléans
— la boucle s’avère en quelque sorte bouclée dans mon arpentage puisque le titre du premier tableau « Défense de » m’avait fait penser au fameux Défense d’interdire.