1655 - April in Paris (again), 9
April in Paris (again)
(31 mars - 8 avril 2024)
9
— Work in progress, journal extime —
5 avril 2024 [suite]
Après-midi [suite]
Comme j’en suis assez proche, je vais dans un grand magasin du Boulevard Haussmann. Au septième étage se trouve une librairie avec quelques livres d’occasion, sans que je trouve mon bonheur de lecture.
Je parcours les autres étages sans vraie conviction. J’ai quelques instants dans les mains des boxers d’une marque connue, hésite quelques instants avant de me persuader que je ne manque pas vraiment de sous-vêtements.
Je reprends le métro jusque Parmentier, puis me rends dans une librairie de la rue Saint-Ambroise où j’achète le roman d’Eric Chacour, Ce que je sais de toi, pour Pascal — dont je suis à peu près sûr qu’il lui plaira —, en même temps que le Rôdeur de Pierre Herbart, dont je viens d’achever un volume de textes inédits, parmi lesquels un texte de témoignage sur André Gide, qui m’a beaucoup plu et amusé.
J’avais déjà croisé — forcément — le nom de cet écrivain peu connu, puisque j’ai lu, il y a peu, les écrits de Gide sur l’U.R.S.S. — et qu’y est racontée la mort d’Eugène Dabit des suites de la scarlatine, et qu’y était mentionnée, autant qu’il m’en souvienne, sa présence parmi les compagnons de l’auteur de Corydon, et, rapporté, son décès.
Je consigne ces notes dans le pub où nous sommes plusieurs fois allés, Khadija et moi. Tenir le stylo, ce qui nécessite de plier le pouce, est de plus en plus douloureux, même si une fois son office de “préhenseur” accompli — et conservé —, la douleur passe. Chienne de vieillesse.
Soir
Des travaux sont en cours Boulevard Bourdon, l’itinéraire du bus est dévié et je continue à pied, traverse le pont Sully qui enjambe les deux bras de la Seine et l’Île Saint-Louis.
Quand j’arrive dans le restaurant népalais où j’ai réservé pour dîner avec B., je suis persuadé n’être jamais venu. Je m’installe à une table de deux un peu à l’écart, près de la porte d’entrée toutefois. Après une dizaine de minutes, la gérante me demande si je désire un apéritif. Je commande un verre de vin rosé.
B. survient sur ces entrefaites. Naturellement, la place près de la porte lui déplaît et elle commence à récriminer ; je lui propose de faire l’échange avec la place où je suis attablé, que j’avais occupée à seule fin de la voir quand elle arriverait. Elle se radoucit et accepte.
Comme la fois dernière, elle sort de la chorale où elle chante tous les vendredis.
Elle développe toutes sortes de questions politiques : la loi (non encore votée) qui limite la liberté d’expression sur les réseaux sociaux, une autre qui donnerait les pleins pouvoirs à l’OMS en cas de pandémie. Et nous parlons de la liberté de circulation qui sera réduite durant les jeux olympiques.
Puis elle aborde les films qu’elle a vus récemment, notamment un film iranien dont elle fait l’éloge (je n’en ai pas retenu le titre), et je repars sur un autre film iranien que j’avais regardé à la télévision, qui dénonce la peine de mort et m’avait fortement impressionné : le Diable n’existe pas (de Mohammad Rasoulofde).
Nous évoquons — partiellement, avant que la conversation dérive vers un autre sujet — les expositions que j’ai visitées cette semaine. Elle, avait vu une rétrospective Brancusi il y a bien longtemps, au début de son installation à Paris. A présent, ce n’est qu’exceptionnellement qu’elle se rend dans un musée pour y voir une exposition : en vérité, elle a, qui la restreignent, ses activités régulières, la danse, la chorale et, naturellement, ses deux emplois ; elle fatigue, ajoute-t-elle.
Aussi — comme je le lui demande — parle-t-elle de sa retraite, tout en exposant une situation compliquée (dont je n’ai pas non plus retenu tous les détails) où elle a dû déclarer un employeur principal pour faire valoir son droit à travailler du fait de la prolongation au-delà de l’âge légal, à temps partiel toutefois. Car B. prolongera autant qu’elle peut ses deux emplois : elle a toujours vécu de manière tendue en dépensant tout l’argent qu’elle pouvait gagner, et ce, sans jamais avoir eu de salaire mirobolant, ayant toujours repoussé l'idée de s’installer à son compte au lieu de travailler dans des institutions, ce à quoi Simone l'encourageait pourtant.
Tout en conversant, je me rends compte que mon élocution vire parfois au bredouillis, ce que j’attribue à la fin de la journée, d’autant que j’ai pas mal devisé le matin même avec Judith…
B. me dit aussi avoir vu Les Goguettes en spectacle. Elle me demande si je connais le groupe, ce qui me fait un instant sourire puisque je lui avais adressé une de leurs vidéos durant le confinement.
Elle parle à ce propos d’un public populaire, comme pour s’excuser d’avoir assisté au spectacle. L’assertion me semble d’ailleurs inexacte (un peuple de gauche me semble exister, reconnaissable, populaire peut-être selon cette acception, et il est d’ailleurs probable que le public des Goguettes se sente majoritairement appartenir à la gauche ; mais l’adjectif populaire en contexte me paraît impropre ; en outre, il paraît appartenir à un terme piégé en ces temps troublés où le Rassemblement National s’efforce de récupérer les électeurs des classes populaires en (se) jouant tant de leur colère que de la paupérisation croissante dont le peuple souffre) ; sur le moment, faute d’une parole plus fluide, je glisse pourtant.
Les plats que l’on nous sert sont corrects, sans davantage entraîner mon enthousiasme ; je me rappelle avoir mieux mangé dans d’autres restaurants népalais du quartier. Nous sommes les deux derniers clients, en outre, et les gérants semblent impatients de nous présenter l’addition.
C’est dans la direction opposée que nous prenons la rue en sortant du restaurant vers Jussieu, et je reconnais alors cette portion de rue — et comprends soudain que j’étais auparavant avec B. venu au même endroit.
Nous nous quittons dans la station de métro, la rame de métro que j’emprunte vers la Place d’Italie n’allant pas jusque Villejuif.
Comme je consulte mon téléphone, je constate que nous sommes restés ensemble une heure et demie. B. n’a pas proposé de prolonger la soirée. Pressentant que si j’avais posé la question, elle m’aurait dit être crevée, je ne l’ai pas proposé non plus…