1667 - Etablissement (8)
[Le titre de ce billet concerne tout aussi bien un « établissement » autre que le mien, ainsi que l’on verra à la lecture.]
13 mai 2024
Je reçois un message d’un candidat à la location qui fait sa publicité et m’amuse en ce qu’il argue surtout d’une bonne santé pécuniaire et met en avant un garant a priori solide.
Comme il a donné ses coordonnées, je l’appelle.
Au téléphone, la voix est celle d’un jeune homme, sympathique — si tant est qu’une voix puisse portraiturer quelqu’un. Pourtant, au cours de la conversation, un je ne sais quoi, que d’ordinaire je nomme mes « antennes », m’avertit d’une possible orientation gay de mon interlocuteur. Il parle de l’ami(e) avec qui il compte emménager, et je note l’équivoque sur le sexe.
Le jeune homme — si tant est qu’il est bien un « jeune homme » — habite à une heure et demie de route, il travaille et ne peut visiter avant le 31 mai.
Comme j’expose le risque qu’entre-temps l’appartement soit loué, il se propose de faire venir un ami qui habite *** pour le visiter à sa place.
Mardi 14
L’ami visite. Mes antennes fonctionnent toujours.
(J’ai dit cela dans l’après-midi à T., qui m’a plaisanté à propos de mes choix orientés en matière de locataires.)
Mon visiteur a vingt-quatre ou vingt-cinq ans. Un peu replet. Elocution soignée (comme le « jeune homme » à qui j’ai eu affaire la veille), aisée, habillé comme un étudiant en droit ou un élève de classe préparatoire en science économique.
Il téléphone tout en “filmant” les lieux. Je me tiens à distance, n’entends pas le détail de la conversation, mais je comprends au ton employé que l’appartement lui plaît.
Je pose quelques questions sur le « candidat locataire ». J’apprends alors son âge : vingt-six ans.
Je donne mon adresse électronique par SMS à mon interlocuteur ; celui-ci la transmet alors à son ami.
Le jeune homme me contacte très rapidement, ce qui me permet d’avoir mes coordonnées à mon tour et je lui communique une liste de pièces nécessaires afin de constituer un dossier de candidature à la location.
Mercredi 15
Comme je me suis trompé sur le nombre d'exemplaires de ladite « fiches de renseignements » à m’adresser, je l’appelle pour lui faire part de mon erreur.
Son ami (« il » vient assez naturellement comme un sujet d’un verbe conjugué) a dix-neuf ans. A son propos, comme je lui demande si celui-ci a autant envie d’emménager à **** que lui — j’ai été surpris de l’entendre employer plusieurs fois la seule première personne du singulier, il déclare — la phrase ne laisse pas de m’étonner — avoir l’habitude de prendre les décisions [sic].
A propos de son père, Alex (tel est son nom) dit encore que c’est un « petit papy maintenant ».
Je reçois bientôt trois dossiers, celui du père, du fils et de l’ami.
Je calcule alors l’âge du capitaine : Alex est un enfant « tard venu » (qui n’a que vingt-cinq ans, en vérité).
J’ai préalablement reçu un SMS : « En espérant que nous retiendrons votre attention pour démarrer une nouvelle vie en ville dans un super appartement. »
L’après-midi, j’examine avec mon père les dossiers des uns et des autres.
Je reçois un énième message. Me heurte quelque peu ce passage : « si [l]a présence [de mon ami] n’est pas obligatoire je peux faire le déplacement seul ce week-end c’est vous qui choisissez, je dis ça car j’ai peur que l’appartement nous passe sous le nez si on attend sur ses disponibilités. »
16 mai
Assez long téléphonage avec Alex, dont j’entends sonder tout à la fois les motivations et la solidité financière. Ce couple de jeunes gays m’intéresse de toutes façons (¡).
Ce qu’il me dit me convient — et convainc (ce que je lui dis d’ailleurs).
Ils habitent un appartement dans un village posé en pleins champs.
Il travaille en Moselle, son compagnon, dans le Bas-Rhin. L’un et l’autre sont à distance de leur lieu de travail. La ville de **** les rapprocherait, d’autant que Moïse ne possède pas le permis de conduire et que lui est obligé de l’amener.
Auto-entrepreneur (en tant qu’auxiliaire de vie à domicile), Alex se fera embaucher par la suite dans un EPAHD, ce qui lui sera facile ajoute-t-il. Il a déjà candidaté et obtenu un entretien dans un établissement et travaillerait alors sur place dès juillet.
Comme je le lui demande, il dit ma mère tout aussi informée de ses projets d’existence. Plus jeune que son père, elle travaille encore. Son frère, lui, travaille comme informaticien aux Luxembourg et, comme tel, touche un salaire élevé. Je dis plaisamment qu’il aurait dû se porter garant plutôt que ses parents, et Alex paraît entendre comme tel mon propos.
Ses réponses à mes questions, toutes spontanées, s’accompagnent d’un développement qui me font conclure à la sincérité du propos.
Je propose une visite samedi à 11 heures. Il interpelle son ami (qui discute l’horaire proposé en raison d’une invitation chez des amis), dont j’entends ainsi lointainement la voix : Alex argue qu’ils seront rentrés le soir, tant et si bien que le rendez-vous est bientôt arrêté.