1676 - De l'Inde au Népal, Lettre à J.-M., juillet-août 1989 (1)
in memoriam J.-M.
5 juillet 1989
Chers l’un et l’autre,
Quelques lignes jetées dans un train corail (bondé) — une ou deux phrases dans une pizzeria de la rue [de ?] Rochechouart… n’auraient pas suffi à faire une lettre ! Huit heures d’inactivité contrainte — dont cinq ont déjà passé — dans un avion de la Thaï semblent une occasion meilleure pour ce faire.
C’est une gestation lente du voyage — ici. J’ai dormi après le déjeuner, très correctement arrosé. Les prestations de la Thaï sont décidément agréables. Je viens seulement de jeter un œil sur mes (trois !) guides, afin de savoir comment aller de l’aéroport à la ville et déterminer un ou deux hôtels. Je redoute l’heure un peu tardive à la laquelle “je” vais atterrir.
Malgré soi, au seuil d’une absence de six semaines, on se surprend à faire certaines sommes — d’autant qu’en l’occurrence une époque s’arrête après mon retour, après quoi il faudra bien en finir avec Reims…
Aussi est-ce surtout l’inachevé que je vois — question de tournure d’esprit, sans doute —, ce dans quoi il faudra tailler (comme on taille dans le vif, quand ce n’est pas dans le vif du sujet). Aussi ai-je peu goûté ma soirée de lundi auprès d’Anne-Marie, W. et Éric. J’ai mis du retenu dans nos adieux. Je regrette toujours ensuite de ne m’être pas montré plus expansif… C’est Éric qui m’avait proposé de passer ensemble la soirée… Il m’a surpris, également, quand il a dit qu’il aurait bien aimé m’accompagner à Paris… J’ai fait le fier, l’indépendant, pour ne pas dire que cela me touchait, que j’appréciais sa compagnie — surtout depuis quelques temps — et que je regrettais qu’on ne se soit pas vu plus souvent durant l’année… Déçu, par ailleurs, par Patrick, Philip — qui n’ont que peu rendu ce que j’avais donné. Contrarié de ne pas réussir à joindre Judith à Paris, qui, pourtant, m’avait dit que l’on passerait l’après-midi ensemble. Finalement, la belle était à l’autre bout de Paris chez une amie, et j’ai réussi à la voir en soirée. C’est une relation sans doute condamnée par la distance, et j’ignore si nous nous reverrons souvent… A F***, sur le tard, certains collègues se sont montrés sous un très bon jour, et je songe que je recontacterai Daniel (et Pascale) avant la rentrée. Quant à W., c’est elle qui manquera le plus, très certainement. Nous avions pris l’habitude de nous voir très souvent, dans des circonstances, agréables je pense, pour l’un et pour l’autre. Mais je crois que cela, nous nous le sommes dit.
Bref, tout ceci n’est rien, en regard de l’Inde. Les voyages, s’ils mettent de la distance avec autrui (ce qui n’est pas toujours agréable), permettent aussi de tenir à plus de distance encore son égo. Ce besoin de s’oublier, je vais le retrouver, tout neuf, tout entier. C’est l’essentiel, désormais, avant les temps terribles de la prochaine rentrée !
(à suivre)