1695 - De l'Inde au Népal, Lettre à J.-M., juillet-août 1989 (3)

Publié le par 1rΩm1

 

in  memoriam  J.-M.

8 juillet 1989, Agra


Les vaches en Inde ne sont plus sacrées ! Voir, en effet, comme on traite le touriste vache à lait. Les rickshaws (orthographe approximative, sans doute) ne vous mènent jamais à votre destination sans avoir fait le crochet par des magasins minables de tapis, pierres précieuses, incrustations dans le marbre, etc. C’est vraiment l’horreur ! J’en ai planté un hier, et me suis encore fait avoir aujourd’hui. De la même façon, j’ai été abordé par un jeune homme à moto, qui m’a emmené chez lui boire de la bière. Je tais les propositions diverses auxquelles j’ai eu droit, ensuite. Je croyais les Indiens pénétrés du sens du sacré ; ils sont — ceux que je côtoie — matérialistes, en fait, et n’ont que le sens du commerce ! La chose est fort peu agréable. Heureusement, il n’y a pas, à Agra, que des échoppes.
Si jusqu’alors je n’avais aucune idée de ce que peut être « un grand palais de marbre », c’est que je n’avais pas encore vu le Taj Mahal. Vous savez, c’est cet immense monument blanc que l’on voit partout, spécialement sur certaines boîtes de thé (du moins, je crois). Il s’agit, en fait, d’un mausolée édifié par un empereur, Shah Jahan, à la mémoire de son épouse décédée. L’on raconte qu’aucun architecte ne s’étant montré capable d’un projet à la hauteur des desiderata de l’empereur, celui-ci aurait convoqué un très célèbre architecte perse, et lui aurait tué sa fiancée : comprenant alors la douleur de l’empereur, l’architecte aurait enfin pu concevoir et faire bâtir le Taj Mahal…
Le bâtiment principal, de marbre blanc, est entouré d’une enceinte et d’autres bâtiments en grès rose. L’ensemble est réellement impressionnant. Et le mausolée parfait dans ses lignes. Les jeux de lumière au couchant sur la pierre, la vue soudaine du Taj quand on pénètre l’enceinte, les versets coraniques sur sa façade, conçus pour donner la même impression de grosseur en dépit des points de fuite, les plans et les jardins — tout confine à la réalisation parfaite.

1695 - De l'Inde au Népal, Lettre à J.-M., juillet-août 1989 (3)

S’il en avait eu le temps, l’empereur aurait fait édifier son propre mausolée, de marbre noir, sur l’autre rive de la rivière qui borde le Taj. Il reste donc une place pour le rêve dans cette merveilleuse existence d’un réel rêvé…


PS - Six pages, cela semble la mesure-limite pour faire une lettre, d’après-moi. Aussi vais-je arbitrairement en terminer. D’ailleurs, je crois que sont longs les délais entre le moment où l’on poste les lettres et celui où on les reçoit (sans compter qu’il est toujours possible de ne rien recevoir du tout), ici. A bientôt pour la suite de mes aventures indiennes !
 

Je pense à vous très affectueusement,
Romain

 

 

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