1709 - Pages choisies : de Karim KATTAN, le Palais des deux collines

Publié le par 1rΩm1

 

Karim KATTAN, le Palais des deux collines, Editions Elyzad, 2021, pp. 274, 276-277 :

1709 - Pages choisies : de Karim KATTAN, le Palais des deux collines

La place de la Nativité est pleine de monde. Ce n'est pas seulement la fête mais, lumière, le monde nous regarde, lumière, le monde ne peut pas faire semblant que nous n'existons pas, lumière, projecteurs, c'est un moment de souffle collectif, on nous voit, on nous voit et, bientôt, il est minuit : l'heure faite pour mon pays, l'instant solstice où il est rendu à lui-même ; l'heure interstice, faite pour moi. Le miracle, c'est que la lumière est en nous pour toujours.

[…] C'est Noël. Il est deux heures du matin. Je n'ai pas le droit d'être réveillé à cette heure normalement. D'habitude, je dois me coucher à vingt- deux heures. Alors je me sens comme dans un pays étranger, où le temps ne fonctionne plus de manière ordinaire. Je suis loin d'être couché. Je suis sur la place de la Nativité et il y a, partout, des guirlandes de lumière comme si le ciel, pour qu'on voie mieux les étoiles, s'était penché rien que pour nous. C'est comme un bal. On dort à l'hôtel avec Jeannette et les ombres ennemies. Je suis dans la chambre d'Ayoub, c'est la chambre des hommes, je suis un homme. Quand tout le monde s'est couché, il m'a dit, viens, on va se balader en ville. Il y a des gens partout et là-haut, les étoiles sont à portée de main. La nuit est grande. La foule est joyeuse. La nuit et la foule sont infinies. Les lumières m'aveuglent et Ayoub me fait boire une gorgée de vin. On salue des gens qu'il connaît. Il se transforme quand il parle à d'autres hommes. C'est comme s'il se mettait à leur parler une langue étrangère, dans ce temps étranger. Il roule des mécaniques. Même son accent change. Il se met, d'un coup, à prononcer les « q ». On dirait un paysan. Il utilise des mots que je ne connais pas. Il veut plaire.

Je traîne des pieds, il parle à trop de gens, je m'ennuie un peu. Puis, je vois Joséphine. Je saute dans ses bras. Je ne m'ennuie plus. Tu veux de la barbe à papa, elle me demande et je dis oui ! Un monsieur, sans doute un magicien, déroule la barbe à papa comme s'il créait des filaments roses de ses mains. Je veux être marchand de barbes à papa plus tard, je dis à Ayoub, qui manque de s'étouffer de rire. Il mange du maïs. Joséphine nous mène, loin de la foule, dans les ruelles de la vieille ville : ça s'appelle la route de l'étoile. Mon cœur sauvage bat la chamade.

 

[Quatrième de couverture :

Faysal, Palestinien trentenaire, reçoit un mystérieux faire-part de décès. Mais qui est donc cette tante Rita ? Intrigué, il abandonne son amant et sa vie en Europe pour retourner à Jabalayn, son village natal. Dans le palais déserté de son enfance, il erre. Le passé resurgit, fastueux et lourd de secrets. Alors que plane la menace d'une annexion imminente, qu'une famille et un pays sont au crépuscule, l'esprit de Faysal bascule.

Karim Kattan nous donne à lire un premier roman troublant, à la fois tendre et violent, qui explore les contradictions de l'engagement politique et de la mémoire.

À l'ombre des amandiers en fleurs, se dévoile une Palestine devenue lieu de l'imaginaire, intime et insoumise.]

 

1709 - Pages choisies : de Karim KATTAN, le Palais des deux collines

 

 

 

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