Si au moins… ça pouvait ressembler… à l'Italie ! (5)
Si au moins…
ça pouvait ressembler…
à l’Italie !
(récidive)
5
27 septembre 2024
Matin
Je vais jusque la Balisica di Sant'Abbondio afin d’en voir les fresques de l'abside, d'inspiration byzantine.
Je prends ensuite un bus jusqu'au centre de Côme et visite d'abord la Chiesa di San Felede. Parmi quelques croûtes exposées pour lesquelles il aurait fallu payer un euro (comme je n’ai pas de monnaie et que le gardien du lieu n’en a pas non plus, il m’exempte de toute obole), je photographie ironiquement cette figuration des Âmes du purgatoire, tout aussi grotesque que ses homologues…
Puis je me rends au Duomo.
Je retrouve au fond de ma poche l'euro qui me manquait précédemment pour en visiter l'intérieur.
Je fais ensuite la queue en vue de prendre un bateau sur le lac. Il est dit toutefois que me sera interdite toute Stendhalie, puisque, si je peux partir trois heures plus tard, impossible pour autant est d'obtenir une place pour le retour. Je me résous à un trajet en bus.
Je déjeune d’un sandwich, bien confectionné et plutôt savoureux, acheté dans un magasin de produits du terroir.
Après-midi
Le bus, en retard, est tout à fait plein. Une trentaine de personnes voyagent debout. Sous les nuages le lac est d'un vert émeraude sombre. Les rives sont presque partout construites. Quelques falaises toutefois préservent le paysage. Puis les constructions s'espacent. Autre satisfaction : il ne pleut plus, et les vitres se désembuent, laissant passer le regard. Mes yeux en coulisse s’attardent en même temps sur un adolescent de quatorze ans, quinze tout au plus, très beau — très beau, très italien, déjà très conscient d’être beau et, partant, très charmeur, disert et démonstratif envers un compagnon, invisible, auquel il s’adresse par-dessus les épaules d’une jeune fille en tiers entre eux : il badine avec lui, tout en chahutant, enjôleur, de ses mains. Tout cela entre eux s’apparente — en toute inconscience ? — à des jeux énamourés.
A l'office du tourisme de Tremezzo, après m'avoir aimablement renseigné, comme je m’enquiers d’un café où je pourrais recharger mon téléphone, la préposée me propose de le brancher derrière son comptoir ; je bois un verre de vin à la terrasse d’un bar en attendant de capitaliser un peu de charge.
La Villa Carlotta, à laquelle je me rends ensuite, est plutôt chère et la collection qu’elle propose au public s'avère limitée et, partant, un peu décevante.
Je m'amuse de cette académie masculine reflétée pile et face selon la position à partir de laquelle on regarde le bellâtre, tout autant que je m'amuserai de ce dessin décoquillant les attributs du monsieur, exhibant alors les couilles tombantes (et dissymétriques dans leur tomber), qui sont celles, doit-on supposer, du modèle, lequel porte à gauche indéniablement — et me rappelle un instant (plaisir mémoriel) les génitoires de Frank, plus dévalants encore.
Je rate un cliché de la Mort d’Atala par Pierre-Jérôme Lordon — dont une variante existe au Musée de la Vie romantique à Paris (ce pourquoi elle exerce sur moi la fascination du déjà vu, le tableau, romantique à souhait, prêtant à sourire), variante pour laquelle on pourrait s’adonner au jeu des sept erreurs : il manque ainsi l’anneau à l’oreille de Chactas dans la version, il est vrai davantage obombrée du visage du héros, que je contemple, tandis que le chien est représenté ici assoupi ou indifférent, là réveillé sinon mis en alerte par la mort de l’héroïne…
Andrea Appiani (1754-1817), Apoteosi di Napoleone, 1808, 415 x 410 cm, tela/ affresco, Ente Villa Carlotta, Museo Villa Carlotta
Soir
Tous ces trajets en bus, assez longs, y compris celui du retour depuis la gare de Côme, ont largement occupé l'après-midi. Il est plus de 19 heures quand j'effectue quelques courses, avant de boire une bière dans le même bar que la veille. La jeune fille sympathique a disparu, remplacée par une autre, bien moins accorte, qui n'entend rien à mon anglais. Et la bière commandée est elle-même remplacée par une autre, sans rapport avec celle que j’escomptais.
Alors que je rentre à l’appartement que j’ai loué, je me dis avec une certaine satisfaction que je n'ai finalement pas essuyé de pluie de la journée. Et je m’amuse de ce que, sur mon chemin, je doive, en revanche, veiller à ne pas écraser de limaces, nombreuses, qui sillonnent l’asphalte du trottoir.
Dans les livres mis à disposition pour les locataires de l’appartement — ou abandonnés en toute inconscience ? —, je découvre un ouvrage à propos de la Pinacoteca di Brera qui, pour ne pas s’avérer tout à fait exhaustif, me fournit les dimensions des toiles vues la veille (il y manque notamment le tableau de Ribera, ce qui me confirme dans le fait qu’il ne devait pas être exposé lors de ma première visite), et j’en recopie scrupuleusement toutes les dimensions indiquées.