Voyage à Troyes (3)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Voyage à Troyes

 

(Work in progress)

 

(3)

 

14 septembre 2024 [suite]

Fin d’après-midi

Il n’est pas si tard. Je révise la géographie, souvent disparue, de mon enfance. M’y aide, emprunté au Musée d’art moderne avant d’en partir, un dépliant balisant un « circuit découverte » des bâtiments industriels de la ville.

 

J’ai passé des heures aux abords de la Fontaine d’Argence en attendant que le lycée, devenu médiathèque, ouvre ses portes.

Voyage à Troyes (3)
Voyage à Troyes (3)

En vérité, j’étais souvent en avance, de façon à être en compagnie d’Isabelle et, quelquefois, d’une autre fille plus âgée que nous, surnommée Tatane en raison de son patronyme, dont « tane » était la première syllabe.

(J’apprends par le dépliant que mon” lycée, devenu « Espace Argence », était, à l’origine, la première gare de Troyes, transformé en établissement scolaire en 1861, sous Napoléon III. Je me souviens bien, en revanche, de la locomotive à vapeur qui circulait à heure fixe chaque matin — 9 heures moins 20, peut-être — sous le vaste préau en fer qu’était la marquise de la gare actuelle, croisant ma route quand j’allais à l’école primaire, laquelle s’est volatilisée Place Casimir Périer, puisque square désormais à l’étendue rase.

 

© Internet [https://www.ajecta.fr/?page_id=421]

© Internet [https://www.ajecta.fr/?page_id=421]

La locomotive a cessé tout autant de circuler depuis l’électrification du réseau ferré, sans en faire disparaître le souvenir : chaque toile des impressionnistes représentant la gare Saint-Lazare fait irrésistiblement encore resurgir en moi ce nuage de vapeur que je traversais avec la fascination d’un enfant impressionné par le mouvement heurté de la machine noire et son fracas insigne.)

Si je n’avais qu’un souvenir très vague de cette villa Art nouveau située non loin de là,

Villa Viardot, Boulevard Gambetta, Troyes

Villa Viardot, Boulevard Gambetta, Troyes

je n’ai certes pas besoin du secours du dépliant touristique pour traverser le jardin du Rocher et me rendre jusqu’à l’Église de la Madeleine, dont ma mère vantait souvent le jubé de pierre.

Troyes, Eglise Sainte-Madeleine, Le jubé [maître-maçon : Jehan Gailde], 1508-1515 [?]
Troyes, Eglise Sainte-Madeleine, Le jubé [maître-maçon : Jehan Gailde], 1508-1515 [?]

Troyes, Eglise Sainte-Madeleine, Le jubé [maître-maçon : Jehan Gailde], 1508-1515 [?]

Le Calvaire, Haut-relief en bois peint [milieu du XVIe siècle ?]

Le Calvaire, Haut-relief en bois peint [milieu du XVIe siècle ?]

Je m’attarde devant les peintures dues au peintre troyen, Jean Nicot, retraçant la vie de la sainte des lieux. Malheureusement, les rayons d’un soleil rasant frappent cruellement certains des épisodes, altérant leur visibilité.

Voyage à Troyes (3)
Voyage à Troyes (3)
Voyage à Troyes (3)

Les vitraux de l’église, enfin, attirent mon attention, et je regrette que l’heure avancée ne me permette pas de visiter la Cité du vitrail, ceux que je regarde attestant bien le renouveau d’une « école troyenne du vitrail à l'aube de la Renaissance ».

Jugement dernier, Fin XVe siècle

Jugement dernier, Fin XVe siècle

Voyage à Troyes (3)
La Genèse, vers 1500 [sauf registre 4, XIXe siècle]
La Genèse, vers 1500 [sauf registre 4, XIXe siècle]
La Genèse, vers 1500 [sauf registre 4, XIXe siècle]
La Genèse, vers 1500 [sauf registre 4, XIXe siècle]

La Genèse, vers 1500 [sauf registre 4, XIXe siècle]

 

Reprenant la voiture et empruntant l’avenue Pasteur, je vais ensuite jusqu’à la Maison des Associations, un bâtiment Art déco, dont je n’avais gardé, cette fois, aucune mémoire.

Voyage à Troyes (3)

J’avais évité, lors de retours antérieurs, de revoir la maison où nous habitions ; mais, non sans détours pour en retrouver la rue à partir de cette partie de la ville où nous allions guère, l’envie m’y pousse cette fois, et j’y parviens sans nostalgie importune.

La façade en a été largement occultée par des plaques de tôle appliquées jusqu’à hauteur d’homme, lesquelles ne permettent plus de voir le jardinet. Ne sont visibles que le premier étage, les deux petites tours latérales, le pignon (si c’est le terme idoine) central et la fenêtre de la pièce qui était ma chambre.

[Ma mère s’en serait certainement affligée, elle que les passants interpellaient parfois pour la complimenter à propos de ce jardin qu’elle entretenait avec un soin jaloux — éloges dont elle se rengorgeait avec la satisfaction d’en être nouvellement propriétaire, détail dont je n’avais que confusément conscience, mais qui explique peut-être après tout que je ne nous revois pas, Isabelle et moi, dans cette maison, chez mes parents, certain que je suis d’être allé pourtant plusieurs fois dans son immeuble, d’y avoir fait une tarte aux pommes certaine après-midi, même si se sont estompés le souvenir des lieux, hormis une certaine exiguïté de la cuisine et de sa chambre à elle. Je ne revois pas non plus le visage de sa mère, mais je me rappelle avoir vu en quelque occasion son père, en convalescence chez lui après une trachéotomie (peut-être après une laryngectomie, en raison d’un cancer), et l’avoir entendu articuler avec peine des phrases rauques et sifflantes quoique compréhensibles, entrecoupées dans leur phonation par la difficulté qu’il avait à parler — ce qui m’avait paru horrible, alors qu’Isabelle, avec le plus grand naturel, donnait la réplique à son père. Je m’en étais voulu — et mortifié sans doute — d’avoir sans doute laissé transparaître sur le moment mes sentiments.]

 

L’heure me paraît alors venue de quitter la ville, dont je n’ai revu que des bribes pourtant, ayant négligé, faute de temps, le quartier pittoresque de la ruelle des chats en particulier, où j’allais souvent pourtant retrouver Yves D., un autre compagnon d’enfance que je cueillais sur le chemin du lycée, avant de connaître Isabelle, comme pour laisser ce chapitre de mon retour à Troyes sans apparente conclusion…

 

 

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