1697 - Voyage dans l'Yonne (2)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Voyage dans l'Yonne

 

(Work in progress)

 

(2)

 

Dimanche 15 septembre 2024

Je suis (donc) éveillé par W. à son retour.

Je me lève une heure plus tard, non sans l’avoir auparavant fugitivement croisée dans le couloir du gîte alors qu’elle sortait des toilettes.

*  *  *

Quand j’arrive peu après midi dans l’idée d’aider à installer les tables, le couvert est grandement dressé.

F. m’apprend que le frère de Pascal est décédé durant la nuit. Pascal est parti avec tous les membres de sa famille à l’hôpital avec pour consigne de ne pas interrompre la fête — « Jean-M. aurait voulu que… » se répètent à l’envi les invités, et je veux bien croire que tel était le souhait du moribond, comme dans la chanson éponyme de Brel. De là à danser comme des fous, le moment s’en trouve dépassé pour les convives de quelques heures…

Je songe que, pour ma part, j’ai dû croiser Jean-M. quatre ou ou cinq fois à l’occasion de fêtes similaires organisées par F. et Pascal. Il m’avait fait l’effet d’un être lisse, sans aspérité à laquelle j’aurais pu accrocher quelque atome, malgré une ressemblance physique avec Alain ainsi que (bien sûr) avec Pascal. Si jamais une ressemblance criante existe cependant au sein de sa famille, c’est entre son père et Pascal — son père disparu assez tôt pour que je n’aie pu le connaître et dont je n’aie jamais vu qu’une photographie troublante tant l’un semblait le sosie de l’autre. A ceci près toutefois (ou d’autant plus) que Pascal n’aimait pas ce père alcoolique qui s’était séparé de sa mère et avait terminé ses jours dans l’alcool et les dettes — père dont ce roman en raccourci m’avait toujours évoqué le père de R. tant existaient entre eux de points communs.

*  *  *

Quand Pascal arrive, il est le cœur de bras et de joues qui se tendent, étreintes qui paraissent sincères (même s’il me confiera quand je le reverrai avoir détesté pareils attendrissements).

Et, alors que je ne sais quoi dire, les mots lui viennent pour moi, qui lui caresse la main, lui-même ayant saisi la mienne.

*  *  *

Et c’est un nouveau repas. Le soleil est toutefois de la partie, et nous mangeons à l’extérieur. Deux tables ont été dressées pour un buffet froid auquel chacun se sert. Cette fois, le placement est libre, et l’assistance, réduite de presque moitié.

Je choisis l’ombre. Je suis parfois rejoint par W. ou Pascal, plus souvent par Shun.

W. me montre un triangle de jade qu’elle porte à l’oreille : c’est moi, dit-elle, qui lui aurais offert ce bijou au retour d’un de mes voyages en Asie — acheté peut-être à Singapour ou la Thaïlande, plutôt que la Birmanie ; elle ne le porte, ajoute-t-elle, qu’à certaines occasions.

Cindy et Shun partent vers 16 heures. W. et Xavier les suivent peu de temps après. D’autres restent. Je me demande pourquoi j’ai accepté de demeurer jusqu’au lendemain…

*  *  *

Je me livre ensuite à une sieste, dont je m’extrais malaisément ainsi que d’une vase profonde encore poisseuse.

(Il est plus de 19 heures alors que je retrace ces lignes, et je songe : je vais devoir y retourner !)

 

Soir

L’assistance s’est réduite d’une nouvelle moitié. Nous ne sommes plus qu’une vingtaine de convives tout au plus.

Il y a là la mère de Pascal, que j’embrasse, mais pour qui — le remords m’en poursuivra longtemps — aucune parole réconfortante ne me vient.

Je trouve à F. un air étrange, avant de comprendre, à sa diction ralentie et à ses yeux noyés, qu’il est fin soûl.

Pascal, qui vient vers moi, m’embrasse — très tendrement.

Je suis assis à côté de l’autre frère de Pascal, non loin par conséquent du reste de sa parentèle. Son apparent détachement me retient un instant : personne, que je sache, n’a entrepris de le consoler, alors qu’après tout la disparition de Jean-M. le concerne tout autant. Je songe aussi que la sœur de Pascal, au chapitre des ressemblances, n’offre que peu de points saillants.

Pascal me prend à témoin pour un fait de langue, et d’être ainsi le centre de regards croisés me met plutôt à l’aise. De me poser ainsi en puriste que je consulte ajoute à mon désarroi, d'autant que la question d'employer « en revanche » plutôt que « par contre » me paraît secondaire.…

 

Il n’est pas 22 heures quand chacun prend congé.

Rendu à une solitude bienheureuse, j’effectue une promenade nocturne dans ce gros village assoupi. Je photographie l’église aux apparences d’un donjon, très singulière.

 

16 septembre 2024

Matin

J’aide à nettoyer. Les reliefs des repas précédents sont impressionnants. Je repars avant la fin de matinée.

 

Après-midi

Je me sens sale et triste comme la fin de fête à j’ai assisté. Sale aussi parce que quelqu’un mourait en même temps que des « ripailles » (le mot en soi a sale allure aussi de par des sonorités et les rimes qu’il charrie…). Ce sont néanmoins des projections tout imaginaires, puisque la mort n’est sans doute pas à tout prendre plus « sale » que la vie.

Seul le verre que je prends en compagnie de T. à mon retour contribue à dissiper cette impression.

 

Soirée

J’ai rendez-vous au cinéma avec Claude pour voir les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof, dont j’avais beaucoup aimé le Diable n’existe pas, regardé quelques temps auparavant à la télévision.

1697 - Voyage dans l'Yonne (2)

Le film, qui oblique d’un peinture réaliste de la société iranienne à une allégorie, vers une attaque en règle (et quasi mot pour mot) contre le patriarcat des ayatollahs du régime, orchestre dans sa seconde partie une tension dramatique impeccable qui m’emporte plus encore que le précédent.

 

 

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