1367 - Bilan en forme de poire et anniversaire hareng
Bilan en forme de poire 🍐
et anniversaire hareng
(work in progress)
To the Happy Few — and among Them, Julien W.
18 juillet 2022
Treize ans jour pour jour que je publie ce journal.
Le premier article a paru sur GayAttitude, un site entre-temps disparu — et regretté pour les échanges qu’il suscitait, voire les rencontres survenues dès octobre 2009 lors d’un premier séjour à Paris dont je garde un souvenir encore incandescent.
Sachant la disparition de GA programmée, j’ai élu domicile ici en octobre 2014, presque cinq années après.
Mais ce n’est pas le cœur léger, loin s’en faut, que j’ai fermé doucement la porte du site où j’avais antérieurement enclos ma mémoire en 499 fragments… Et, ce n’est depuis que par exception que j’ai ressaisi la matière de certains billets anciens (certes, tous conservés, mais ç’aurait été — même si je m’y emploie sporadiquement — un travail herculéen, sinon sisyphéen par sa vanité, de les excaver de la demeure d’Hadès où la plupart sont restés plongés, quand bien même je me considère tel un nouvel Orphée médusé au rabais depuis ma maladie — si tant est que ce soit une maladie… — depuis le chant é-gorgé [ô nightingale d’une chanson crevée à minuit trente !, sachant d’ailleurs que je ne chante désormais plus très bien…], mon Eurydice ayant tourné les talons depuis longtemps, me dépossédant de toute capacité de rétrovision, mais m’épargnant par là même les Ménades et la décapitation ¡
Mais trêve de tout rapprochement mythographique, même en forme d’hommage oblique à Moreau-Leiris-Ferré, ce journal, les pieds bien plantés parfois dans le réel, a changé plusieurs fois d’objet, voire de destination.
Il m’a servi, au premier chef, après une année et demie de deuil d’une relation sentimentale, à larguer les amarres (usage maritime) autant que le bagage (image aérienne), dont j’entendais ne plus m’encombrer, de ma douleur. M’ouvrant ainsi de nouveau aux autres, d’abord épistolairement — mes billets sur GA n’avait d’autre prétention que d’être l’équivalent d’une correspondance, telle celle que j’avais avec J.-M. quand une distance me séparait, même minime, de lui et de Pascal, et j’écrivais d’ailleurs privément à JM, Aymeric, Charles, Etienne, Nathan… — ; puis, du fait de rencontres toutes neuves, je puis dire que je cinglais, que je volais en toute ivresse, renouant avec l’écriture, mais ce, d’une façon qui m’était auparavant inconnue en ce qu’elle se produisait dans la joie, et non dans la peine !
Centré d’abord sur un destinataire pluriel, j’y retraçais mes voyages et rencontres, comme autant d’échappées hors de mon quotidien, routinier, sinon ennuyeux, du fait d’une activité professionnelle que je n’aimais pas toujours — et que j’ai tue aussi longtemps que je l’ai exercée.
Conçu à l’origine pour ramasser au fil du temps des faits “extimes”, si j’y ai parfois égrené le sable de ma vie sexuelle, ce n’était guère pour y exhiber des détails précis, malgré quelques incartades crues — et, comme telles, vibrantes, voulues et bienvenues.
Car ce journal est demeuré accueillant à toutes formes et occasions, celles qui du moins ont su se présenter… L’idée n’a jamais été de se publier au sens de devenir un personnage public, ce que j’aurais proprement détesté, tant et si bien que j’ai pris toutes les précautions possibles pour n’être pas exposé.
J’y ai quelquefois trop bien réussi…
* * *
Et ce journal n’a changé de destination que récemment, du fait de circonstances tout extérieures.
L’épidémie de coronavirus en a été la première. Il a bien fallu, sous la pression du premier confinement, tromper, non pas l’ennui, mais, hors le téléphonage avec des amis, l’absence contrainte de relations sociales, tout un chacun devant s’en tenir à la stricte cellule familiale. Jamais peut-être la phrase d’un Gide en haine des familles n’a été autant d’actualité que durant la période. Néanmoins, pareil anathème ne me concernait en rien, vivant depuis une éternité seul — dès l’âge de dix-huit ans, après que j’ai signifié à mes parents ma fin de bail.
L’aphasie dont je souffre à la suite de l’attaque cérébrale survenue en mai 2020 est la seconde étape — aux aspects bien plus thérapeutiques que la précédente, selon toute vraisemblance —, qui m’a amené à rédiger ce qui ressemble bien plus désormais à un “journal”, non plus jour par jour, mais selon tout de même une certaine continuité — et ce, à des fins de réparation.
L’écriture diariste est à ce titre d’une aide précieuse. Elle contribue à ce que je recouvre peu à peu — bien lentement, bien difficultueusement — la maîtrise du langage. A ceux qu’indisposerait cette fonction ultime que je lui assigne, j’en demande naturellement pardon ; mais cette ultime fonction n’est pas seulement égotiste. Car le langage n’est-il pas très sûrement ce qui relie les hommes aux autres humains ? — bien plus que ce l’on nomme « re-ligion », n’en déplaise aux zélateurs du “fait religieux” !
Et… je suis tombé, à coup sûr, en religion d’écriture il y a treize ans. Tant et si bien que ce serait déchoir tout aussi assurément que de ne pas s’abandonner au Verbe, avant que le souffle même ne m’abandonne !
— Ainsi me livré-je pneumatiquement à ce qui pouvait s’apparenter à ma danse du coucou ¡