1301 - Si bien que… ? (6)
Si bien que… ?
(Journal extime)
Work in progress
6
13 mai 2021
Serais-je en train de ré-entamer un journal — sans autre ambition que celui-ci ramasse avec lui les miettes éparses du temps, tout en organisant une (trompeuse) chronologie, en quête d’une (apparente) permanence… ?
A l’origine de cette récidive, au cours d’un récent téléphonage [5 mai] avec Aymeric, la mention du Journal de Jean-Luc Lagarce, auquel avait suivi un courriel [le 8 mai], lui m’accordant, après échange de courriels, un imprimatur.
Bonjour Aymeric,
Merci beaucoup pour ton imprimatur — et plus encore pour tes corrections précieuses. J’étais atterré que subsistaient des confusions (et de constater que ce sont de mêmes erreurs concernant les pronoms personnels et les formes verbales qui se produisent : celles-ci ne figuraient pourtant pas à l’origine sur mon petit carnet !).
Pour la barbe [je reviens ci-après sur ce détail], je suis désormais au-delà des trois semaines… Elle est presque entièrement blanche ^^, plus blanche encore que les cheveux — sauf la moustache, où dominent des poils noirs. Et de maigrir — si j’y parviens — ne réparera pas vraiment toutes les avanies que l’âge fait subir au corps :( Je suis d’ailleurs bien content qu’ait repris la gym, la seule cliente de Simone s’étant cassé l’épaule — et revenue seulement mardi dernier.
Notre conversation m’a donné envie de lire le Journal de Jean-Luc Lagarce…
Je l’ai emprunté hier à la Médiathèque et l’ai commencé dans l’après-midi. Il est heureux que les “listes” du début s’étoffent à mesure, ces notations sèches prenant enfin chair biographique. Ces dernières constituent — donc — une liste d’œuvres (littéraires et cinématographiques) dans laquelle je retrouve beaucoup de celles que j’ai lues ou vues à peu près au même moment (même si je dois constater que JLL dévorait beaucoup plus que moi — et de façon plus systématique —, mais c’est bien d’une culture commune qu’il s’agit…). — Je reprendrai donc plus tard la lecture de Malraux !
J’ai emprunté aussi des disques, de Patti Smith et Lou Reed — ainsi qu’une autre version du Concerto pour violon de Berg, que j’avais réservée quelques temps auparavant et dont on m’avait appris que le précédent emprunteur l’avait rendue : cette version est d’ailleurs meilleure que celle que j’écoutais quand je t’avais écrit. Pour l’heure, c’est Lou Reed qui accompagnent ces lignes-ci.
Sur ce même chapitre, j’ai réussi à dénicher une autre platine de la marque Rega, un modèle légèrement différent et un peu plus coûteux (encore la différence n’est-elle que d’une trentaine euros…) que celui que je convoitais, mais qui présente les mêmes performances, et a l’avantage de comporter un couvercle, ce qui protègera l’appareil de la poussière…
Que les musées rouvrent est une excellente nouvelle, oui, et j’envisage de faire quelque dimanche matin des courses au Luxembourg — je ne m’y ai pas les pieds depuis le premier confinement… —, ce qui serait l’occasion d’aller, au retour, à Pompidou-Metz, non sans me rendre à Luxembourg-villle auparavant afin de revoir son musée :))
J’ai hâte aussi de revoir Paris !
Je t’adresse, en attendant, toutes mes amitiés,
Romain
(J’ajouterais : dans le journal de Jean-Luc Lagarce, ce qui constituait d’abord en listes, à mesure du temps, est assorti de développement de courtes lignes critiques — et il se trouve que, le plus souvent, mon opinion a été la même au moment où j’ai vu le film ou le livre. Le commentaire est parfois féroce et drôle, en outre.)
* * *
Mes nuits, depuis une semaine environ, sont plutôt agitées — depuis, en fait, que j’ai fait part de mon étonnement à mon père de ce qu’on avait proposé un yaourt à ma mère. Un instant désarçonné, mon père avait répondu que l’aide-soignante, qu’il n’avait pas vue dans les jours qui précédaient, pouvait rentrer de congés, auquel cas elle ignorait le protocole défini avec le médecin dix jours auparavant. Je m’étais jugé sévèrement entre-temps, m’estimant un monstre peut-être. Lorsque, lundi, j’étais retourné voir ma mère, elle n’était qu’à demi consciente de notre présence, quoique réveillée. Mon père, à nouveau, lui avait donné à boire — elle avait d’ailleurs peu bu —, arguant qu’il s’agissait uniquement de ne pas la forcer à boire ni manger, non pas de cesser complètement de l’alimenter. Par la suite, elle avait refusé toute récidive de boisson. De ne pas savoir exactement en quoi consistent les consignes données au personnel soignant, de devoir s’en remettre à une interprétation libre de notre côté m’a paru vraiment inconfortable — et continue de me perturber.
* * *
Mardi [11 mai], au cours de gymnastique, Simone a commenté la barbe, datant désormais d’au moins trois semaines, que j’ai laissée pousser. « Beurk. Heureusement » (faisant référence à la situation sanitaire du moment) « qu’on ne s’embrasse pas ! » Et, perfide, d’ajouter : « cela te vieillit de dix ans ! »
Puis, quoique plus malicieusement, elle a rappelé la barbe que j’arborais quarante ans auparavant, en spécifiant que déjà alors cela n’était guère de son goût…
En vérité, c’est par commodité, et parce que l’on doit porter le masque à l’extérieur, que j’ai donné libre cours à cette pilosité. C’est aussi par curiosité, sans être vraiment convaincu par avance du résultat.
Jadis, ma barbe était comme parcourue de frisotis. Elle est beaucoup plus raide, sinon rêche, à présent. Elle me démange et dérange quand j’y passe la main. Aussi — sans me laisser aucunement influencer par Simone — songé-je fortement depuis quelques temps à mettre un terme à cette pilosité rocailleuse et par trop hasardeuse.