1592 - Voyage à l'Est (11), 19 octobre [suite], Budapest
[récidive]
Journal extime
(Mitteleuropa, 12 octobre - 25 octobre 2023)
11
19 octobre [suite]
Après-midi
J’oublie de prendre mon téléphone, précieux avant tout en tant qu’objectif photographique, ce dont je m’aperçois alors que je suis embarqué déjà par le métro en direction du Musée des Beaux-Arts. Est-ce le signe que je dois renoncer à Renoir ? j’hésite un instant entre l’exposition consacrée au peintre et un musée des arts asiatiques, plus proche, puisque je dois retourner à l’appartement, en songeant que je ne pourrais néanmoins me rendre aux deux…
Ce que je tente.
D’ailleurs, la rétrospective du peintre français ne me retient pas longtemps.
Après des premiers portraits guère affirmés par leur maîtrise ni leur originalité, de très beaux paysages retiennent toutefois mon attention, mais ceux-ci sont malheureusement sous verre.
Lorsque Renoir peint ses pairs — les portraits, à mon sens, les plus intéressants —, il semble emprunter à ses amis peintres leur manière, et c’est peut-être en toute conscience, en tout hommage ou amitié.
Pierre-Auguste Renoir, Frédéric Bazile, 1867, Huile sur toile, Paris, Musée d'Orsay (en dépôt au Musée Fabre de Montpellier)
Les valseurs, ca. 1883, Craie noire sur papier vélum fabriqué à la machine, Musée des Beaux-Arts, Budapest
Les salles que par la suite j’enfile presque comme on enfile la venelle n’offrent à mon œil, sélectif je l’avoue (¡), que des portraits féminins assez mignards (ce pour quoi d’ailleurs Renoir est surtout connu, sinon reconnu), la plupart, en outre, issus des musées de d’Orsay et de l’Orangerie — ce dernier ayant d’ailleurs le bon goût de ne pas tous les exposer (à moins que j’aie précédemment dédaigné les voir ?¡) —, ce qui me donne une excuse pour ne pas m’attarder…
L’exposition, comme en un bouquet final, s’achève dans une débauche de nus féminins… à une exception près (signalée en tant que telle)
— mais il me semble alors glisser de l’obsession pour les corps d’Aphrodite un peu trop grasses et de plus en plus jeunes à une pédophilie qui me contente à peine davantage ¡
Pierre-Auguste Renoir (1841-1919), Richard Guino (1890-1973), Water (or The Great Washerwoman), 1917 (?), Bronze, Paris, Musée d'Orsay
J’en conclus que, décidément, Renoir n’est pas mon peintre préféré…
Je profite de ce retour dans les lieux, pour visiter enfin le sous-sol des Antiquités égyptiennes, grecques et latines.
De gauche à droite : Ülö sziren [Sirène assise], Boiótia ; Gyászoló sziren [Sirène de deuil], Egyptiom, Kr. e. 200-150 ; Szakállas sziren [sirène barbue], Boiótia, Kr. e. 6. százas közepe
Statuette of Imhotep venerated as a patron of the scribes, Second half of the 1st millennium BC, Limestone
Portrait of a man (fragment of a private funerary statue), New Kingdom, 19th Dynasty (1295-1186 BC), Limestone
Stela of Noferhaut, overseer of the foreign lands, New Kingdom18th Dynasty, reign of Thutmose III (1479-1425 BC), Red sandstone
Sculptural group of the god Onuris(-Shu) and the goddess Mehit, Beginning of Late Period, turn of the 25th-26th Dynasties niddle of the 7th century BC), Bronze
Fragment of a statue representing a young lady with the standard of the goddess Hathor, New Kingdom, 19th Dynasty (13th century BC), Crystal sandstone
* * *
Le Musée des arts asiatiques Ferenc Hopp sur Andrássy út, surtout centré sur le Japon, est, en fait, le pavillon qu’habitait le collectionneur, et l’on en fait, pour cette raison, assez rapidement le tour — à moins que ce ne soit moi, injuste à nouveau comme je l’ai été sans doute pour Renoir, qui ne sais pas toujours en voir ni apprécier les pièces exposées. Le jardin, qu’on m’enjoint de visiter ensuite, n’est pas dépourvu d’attrait…
Le pavillon voisin est celui où a habité Zoltán Kodály, très lié à Bartok dans sa jeunesse, et je m’attarde un instant devant sa façade.
Il commence cependant à pleuvoir et je renonce à m’enfoncer dans une obscurité crépusculaire aggravée par la couverture nuageuse pour aller voir, ce qui était pourtant mon projet, les villas art nouveau ou sécessionnistes de Városliget. Je me dis que, décidément, il faudra que je revienne à Budapest, que je suis loin encore d’avoir épuisé…
* * *
Je reprends le métro ensuite en sens inverse jusque chez Gerbeaud, dont j’avais entendu entonner les louanges quand nous étions passés non loin en bus lors de notre visite guidée de la ville. Le taux de change annoncé sur place étant de 320 Ft/euro, et convertissant sur ma calculette ainsi à quoi s’élève le montant d’une pâtisserie (excellente, il est vrai) et d’un décilitre de vin hongrois et ayant obtenu la modique somme de presque 22 €, je préfère régler l’addition au moyen de ma carte bancaire en monnaie locale, remettant à la banque le soin d’opérer la transaction sans doute plus en ma faveur.
Soir
Plutôt qu’au restaurant indien tout proche, je choisis pour ma dernière soirée à Budapest d’aller dans un autre endroit, recommandé par mon hôtesse — si je puis dire, puisque je ne l’ai jamais vue ni ne la verrai — prénommée si joliment Szusanna (d’un prénom, en tout cas, qui confine au zézaiement et dont ma dysphasie s’accommoderait probablement).
Las, celui-ci s’avère, et celui du samedi précédent, plein.
Je dîne donc dans un restaurant chinois en face de la Grande synagogue — sans parvenir à finir mes plats, trop copieusement servis. Avec tout ce que j’ai bu (comme bouillon !), je me dis que je vais avoir la vessie bien encombrée. En outre, afin de dépenser mon dernier argent hongrois, je retourne dans le bar dans lequel je suis allé la veille. Le serveur, me voyant embarrassé dans mes comptes, me propose de commenter ma ferraille en billets. Je lui abandonne toute ma monnaie restante.
Je me couche plus tard que toutes les soirées précédentes…