1589 - Voyage à l'Est (8), 17 octobre [suite], Budapest
[récidive]
Journal extime
(Mitteleuropa, 12 octobre - 25 octobre 2023)
8
17 octobre
Après-midi [suite]
Je décide de me rendre au Centre de photographie contemporaine Robert Capa, dont j’apprends ainsi que celui-ci était né dans le quartier même où le bus m'a mené.
Le photographe a couvert le Front populaire en 1936, la deuxième guerre sino-japonaise (1937-1945), les élections à Mexico en 1940, le débarquement en Normandie, entre autres faits d’armes photographiques. Il se trouvait à Londres en 1941, en Tunisie puis en Sicile en 1943, en Israël aux côtés des immigrants juifs entre 1948 et 1950 — en Indochine, en toute fin, en 1954 : alors qu’il « est en reportage pour Life en Indochine aux côtés des troupes françaises, […] il marche sur une mine anti-personnelle et meurt sur le coup à Tai-Binh, à l’âge de 41 ans ».
J’apprends aussi qu’il a eu une liaison avec Ingrid Bergman, ce qu’atteste une photographie de plateau de les Enchaînés réalisé par Alfred Hitchcock. Il a illustré A Russian Journal de Steinbeck, accompagnant en 1947 l’écrivain en URSS,
Robert Capa [1913, Budapest (Magyarország), †1954, Thái Binh (Vietnam)] / John Steinbeck [1902, Salina, †1968, New York City], Kyjiv, Ukraine, USSR, 1947 pigment prints (modern)
a aussi été l’ami de Gary Cooper — ce qu’atteste cette fois une photographie de Capa prise par l’acteur.
Je rate d’emblée la photographie de Robert Capa, né le 22 octobre 1913 à Budapter (sic) sous le nom de Endre Ernö Friedmann, nourrisson déjà photogénique (!) — littéralement un « beau gosse » posé nu sur le ventre dont sont exhibés les fesses et le petit corps potelé.
Puis je parcours une exposition consacrée à André Kertész (Andor Kertész, 1894-1985), avant de découvrir celle (Lignes de croisement. Politique des images) de photographes et vidéastes ukrainiens contemporains, rendant compte de la guerre actuelle : les reflets dévastateurs ordinaires des vitres interdisent toutefois toute saisie des œuvres exposées…
Je note malgré tout le nom de Lisa Bukreyevan dont le Journal de guerre impressionne.
Un autre espace rend compte des guerres impérialistes du siècle passé, et je découvre des ouvrages dont j’ignorais l’existence, alors que j’en connaissais, en ai lu les auteurs (Marguerite Donnadieu n'étant alors pas encore Marguerite Duras).
Le bâtiment art nouveau du Centre, très beau, avait retenu mon attention dès l’extérieur ; il n’est pas en reste à l’intérieur ; j’en photographie le hall avant de repartir.
* * *
C’est dans un autre lieu dédié à la photographie que je me rends ensuite, la Maison de Mai Manó (Mai Manó Ház), monument historique construit en 1894 dans la même rue, laquelle ne me manque pas décidément d’attraits.
A Pest, l’on a d’ailleurs le plus souvent le nez en l’air, à l’affût des façades des immeubles, quelque décrépites qu’elles puissent être quelquefois.
Je visite donc l’exposition Ruth Orkin, The Illusion of Time,
en m’abstenant la plupart du temps de clichés, du fait à nouveau des reflets s’interposant entre mon œil, la vitre et l’objectif du téléphone portable…
Comment résister toutefois à cet instantané dérobé sur le plateau de I Confess de Monty Clift, absorbé, semble-t-il, par son rôle — et s’y collant avec tout le sérieux d’un acteur formé par Lee Strasberg, le gros Hitch, raconte-t-on, ne prisant guère cependant les méthodes les méthodes de l’Actor’s Studio — réticences que je ne partage, pour Clift comme pour Brando, aucunement, cela va sans dire ¡ — ?
Montgomery Clift sur le tournage de La Loi du silence [d’Alfred Hitchcock], Hollywood, Californie, 1950
Avant de quitter l’endroit, j’achète une carte postale, qui n’est autre que la photographie de l’affiche pour l’exposition, laquelle m’avait amusé en ce qu’elle illustre bien l’habitus du mâle italien du siècle précédent, qui se sentait autorisé à toutes les libertés d’importuner. Si la photo « amuse », l'on ne peut que se réjouir qu'une page de l'histoire du machisme soit tournée…