724 - Passacaille estropiée (10)
2 août
Matin
Je visite le Musée des Arts décoratifs (Kunstgewerbemuseum). Je suis sensible à beaucoup de belles choses, mais rate un certain nombre de prises photographiques.
Parmi les regrettées, celle d’une vitrine de Bernhard Pankok, toute frêle sur ses pattes grêles, que je n’ai pu trouver sur Internet.
Wilhelm Lucas von Cranach, Tête de Méduse, Berlin, 1902, Execution : Goldsmiths Friedländer and Graveur Max Haseroth. (Gold, Opal, Nephrit, Jaspis, Emerald, Pearl ; Or, Opale, [ Jade ?], Jaspe, Émeraude, Perle).
© Internet
Pendentif [?] “Anémone” ; Collier de chien “Sorbier”, René Lalique (Paris, 1900-1902), or, émail, saphir
Sous le pont, en face du jardin zoologique, un alignement de sans-abri, avec armes et bagages, tout un fourniment emporté avec eux par ces réfugiés, pour la plupart des hommes seuls, du moins à ce que j’en ai pu voir.
Après-midi
Je retourne à la Gemäldegalerie, dont on nous avait chassés trop tôt avant la fermeture, Khadija et moi, deux ans auparavant.
L’accumulation de chefs d’œuvre décourage les commentaires.
Fra Filippo Lippi, la Vierge [ou Adoration de la Vierge] dans la forêt, vers 1460 (Huile sur bois, 127 x 116 cm) © Internet
Bronzino, Portrait d'un jeune homme (v. 1560) ; Holbein, Portrait du marchand Georg Gisze (1532) ; Rembrandt, Autoportrait à la casquette et au manteau de fourrure (1634) ; Le Gréco, Saint-Martin donnant son manteau au pauvre © Internet
Agnolo Bronzino, Ugolino Martelli (1536/ 37) ; Lorenzo Lotto, Portrait de jeune homme (circa 1526) © Internet
Les photographies que je fais sur place sont plus mauvaises encore que celles du matin, tandis que mes recherches sur la toile accusent — comme d’ordinaire — le divorce entre le souvenir des toiles, la mémoire supplétive qu’est l’appareil photo et… les reproductions que j’en trouve !
Sandro Botticelli, Vierge à l'enfant avec un concert d'anges (v. 1477)
Raphaël, La Vierge à l'enfant avec saint Jean-Baptiste
Faute, parfois, de succès dans mes traques successives, je me résigne à la mauvaise qualité de mes clichés, aux traits intempestifs de lumière altérant la toile (il en va de même ci-après pour les dessins de Ribera).
Les lieux abritent en leur centre une exposition sur le siècle d’or espagnol (El siglo de oro) [c'est là que j'y ai vu le tableau du Gréco et quelques autres de ses variations].
A nouveau, ce sont les Jusepe de Ribera qui me plaisent avant tout (même si se trouvent là de très beaux Velasquez, mais non parmi les plus grands).
Je suis assez content, en revanche, de ma propre prise de ce détail du tableau
— cependant que cet autre détail de la Vision de Belshazzar (que je n'ai pas retrouvée en entier sur la toile) donne à voir une main magnifique, comme l'était déjà celle, au même index pointé, du saint Jérôme du Musée des Beaux-Arts de Budapest exposé au Luxembourg.
Je m’abîme assez longtemps dans un tableau très amusant de Brueghel l’Ancien — et, de fait, foisonnant —, les Proverbes flamands, qui peignent en acte des proverbes et dictons pris tout bonnement à la lettre.
A la librairie, je demeure médusé par la photographie en noir et blanc accrochée en hauteur d’un magnifique saint Sébastien de 1636 [de Ribera ? — à quelques mois de distance, je n'en suis désormais pas certain], disparu durant la seconde guerre mondiale, en même temps que quelques autres toiles à jamais perdues.
Soir
Le quartier gay berlinois — du moins donné comme tel dans le guide que je consulte — paraît singulièrement assoupi. Mais, sous l’absence de dehors rutilants, il est possible, après tout, que des habitudes de discrétion perdurent, et que je ne sois pas capable de décrypter en fait, sous des dehors mornes, une animation tout autre si je pénétrais dans tel ou tel établissement.
(Les Allemands, pourtant, parlent et rient fort, c’est sous cet extérieur du moins qu’ils m’apparaissent en général.
Quoi qu’il en soit, ce n’est vraisemblablement pas ce soir que j’approfondirai l’endroit car mon corps, je crois, a été vanné en tous sens… D’ailleurs, pour ne pas arranger ce corps souffrant, je me suis étalé de tout mon long en ratant une marche alors que je quittais la Gemäldegalerie.)
Dans ce restaurant où je choisis finalement d’entrer, comme souvent en Allemagne, on sert aussi le péquin qui ne veut que boire. J’y reste le temps, précisément, de prendre un verre — et d’inscrire quelques lignes sur mon carnet.