807 - Roman familial en raccourci
ROMAN(s) FAMILIAL (—aux)
en raccourci(x)
26 novembre 2017
Tel un automate, ma mère récite : « Je suis née le … 19.., à Paris, IVe… » Elle serait cependant incapable de calculer l’âge qu’elle a aujourd’hui. (Plus tard, elle soutiendra que ses interlocuteurs étaient tous plus âgés — ou jeunes [?] — qu’elle, et ce, contre l’évidence, ou leur âge réel…)
« Je suis née le … 19.., à Paris, IVe… »
Alexandre — spontanément — s’étonne : que faisait en 19.. un paysan à Paris ?
Mon père raconte : dans les villages… naguère… époque proche mais lointaine de par ses mœurs d’alors… autrefois… un enfant conçu hors mariage… pour éviter que l’on jase… l’éloignement... préférable… on ne revenait qu’ensuite… entre-temps... heureusement.... le mariage avait tout arrangé… tout réparé…
Précisément, mon grand-père maternel avait une cousine — « la Cousine Renée », présumé-je in petto — qui vivait à Paris.
Mon père cite Brel alors : « Et la guerre arriva… »
— Je m’amuse de plus en plus. —
Mon père raconte : le père de son père… le père de sa femme… la ligne Maginot prise à revers par les Allemands au tout début de la guerre… tous deux... prisonniers en Allemagne… l’un — le premier — rentre en 1943 (et retrouve sa femme — et son fils, qu'il n'a encore jamais vu)… le second, en 1945… (l'un et l'autre pourtant ont des enfants…)
Quand Paul, mon grand-père maternel, rentre dans son beau village, il n’y trouve plus personne : ni femme, ni fille… La femme et la fille se sont envolées.
Dans un autre nid.
Dans la belle ville de ****.
Cela, je l’ajoute :
Paul ne se remariera jamais.
(Il finira sa vie, partagée entre C*** et la banlieue de Paris, avec « la cousine Renée », lorsque cette dernière sera devenue veuve, lui-même sans attache, puisque la sœur avec laquelle il avait vécu sa vie de « cultivateur » — on disait alors ainsi, non pas agriculteur, précise mon père pour Alexandre, tandis que je rêve à tout cela — dans une ferme lorraine à la frontière belge ayant terminé sa vie de vieille fille qui a toujours vécu au même endroit…)
Cela, je l’ajoute encore :
Ma grand-mère avait dix-sept ans quand ma mère est née.
En 19.., D*** rencontre M*** chez des amis dans un appartement de la rue du *** à ****. Il fait froid, cette nuit-là. (Cela, mon père me l’a — je n’invente pas tout à fait — raconté tout à trac un jour.)
On se pelotonne. On se tient chaud. On est jeune, on se plaît.
Quelques temps plus tard, un enfant s’annonce — tout seul, « hors mariage ».
Quand je nais, mon père a dix-neuf ans.
Ma nièce, dont on fête l’anniversaire ce jour-là, a trente ans.
Elle attend son premier enfant.
Elle vit avec Alexandre, exploitant agricole.