845 - Des jardins sous la pluie (10)
Des jardins sous la pluie
Paris - Séville - Grenade - Malaga - Paris
(Journal extime, 24 février - 9 mars 2018)
10
4 mars
Je suis resté très inhabituellement dix heures au lit, me rendormant plusieurs fois sur le matin. Que faire, sinon dormir, quand il pleut.
Car il pleut, il me faut bien le constater lorsque, vers 9 h 30, je quitte le studio, entendant malgré tout profiter de la matinée.
Comme on est dimanche, les horaires des différents monuments sont souvent moins étendus que les jours précédents, de même que sont plus rares les bus, tant et si bien que, parti pour l’Abadía del Sacramonte, je renonce, de crainte de devoir errer sous la pluie en attendant l’heure de l’ouverture…
En chemin, puisque j'en suis proche, je me rends à nouveau Corrar del Carbón,
pénètre Iglesia de los Santos Justo y Pastor,
… et choisis donc plutôt de visiter le Monasterio San Jerónimo.
Mes photographies à l'intérieur sont mauvaises — pour la plupart —, effarées sans doute par la profusion toute baroque de l’endroit.
J’ai découvert en passant l’existence du Centro Federico García Lorca, qui propose l’entrée libre pour une exposition consacrée à l’illustrateur Eduardo Arroyo et ouvre à 11 heures. Je le parcours donc ensuite.
J’y achète une carte postale du poète fusillé par les franquistes, photographié à l’Alhambra (en el Patio de los Arrayanes) en 1927.
Après-midi
Voulant, dans un même élan, visiter la maison et musée Federico García Lorca, je pars dans une mauvaise direction. Celle-ci fermant à 14 heures et me rendant compte de mon erreur, je rebrousse chemin.
Je converse sur la toile avec deux Espagnols qui veulent me rencontrer. Je ne sais lequel me plaît davantage, mais un rendez-vous est en principe déjà fixé avec l’un, sans compter un troisième qui, la veille, m’a dit que je lui plaisais. Je ne sais non plus comment je me sortirai de cette situation.
Une éclipse de pluie.
Le soleil revient.
Je visite la cathédrale et ses abords.
Fort de ce temps sec, je me mets en route pour l’Abadía del Sacramonte, dont j'avais différé la visite le matin.
Un minibus qui y grimpe est en vue à hauteur de Casas del Chapiz.
Je fais bien de l’emprunter puisque non seulement c’est assez loin, mais la route, étroite, s’achève par un raidillon.
Une visite guidée commence quinze minutes plus tard. Nous sommes trois, le couple de jeunes gens espagnols débarqués du minibus et moi. Je comprends assez mal l’anglais de la guide espagnole.
Les photographies sont interdites. Rien de bien remarquable de toute façon, à l’exception d’un portrait de Goya, un de ces portraits de commande, ainsi qu’un assez beau Christ (dit le Christ des Gitans, vêtu d’un pagne en toile durcie, cloué sur la croix par quatre clous — et non trois —, ce qui est typique, c’est une des rares choses que je comprends et apprends, des crucifixions réalisées à l’époque baroque).
Je reviens à pied. En chemin, je le constate : le temps est à nouveau à l’orage.
Il est déjà 18 heures 30.
Soir
Le lover qui avait obtenu le premier un rendez-vous ferme — le deuxième, en instance d’un remplacement éventuel, m’insulte entre-temps copieusement, alors qu’on n'en était tout de même resté qu'au stade des promesses — ne bande pas.
Me voilà puni, dirait-on, d’avoir voulu ne me fermer à aucune opportunité. (Il est doté d’un ventre proéminent, bien plus protubérant que sur les photos ! Je l’avais pourtant abstrait, ce ventre naissant, mais il est là comme en tiers entre nos deux corps qui s'essaient vainement à plus d'excitation.)
Il s’excuse.
Et s’en va après à peine cinq minutes.
Mais je ne le retiens pas non plus.
(Le troisième, lui, sera retenu, et multipliera les messages d’excuse ensuite à ce sujet. Nous poursuivrons d’ailleurs une conversation quelques temps encore après mon retour, laissant tout de même un regret — ce regret toujours un peu bête… — de n’avoir pu nous rencontrer...)
Une bête m’a mangé. J’ai d’abord cru à un moustique, mais ce doit être une araignée qui m’a mordu (le jour de mon arrivée à Grenade). (Je songe aux punaises des Caves du Vatican.)
Je me gratte comme un furieux.