847 - Des jardins sous la pluie (12)
Des jardins sous la pluie
Paris - Séville - Grenade - Malaga - Paris
(Journal extime, 24 février - 9 mars 2018)
12
6 mars
Matin, Museo Carmen Thyssen
La collection (décrite ainsi dans le dépliant en anglais fourni à l’entrée : 0 Ground floor : Romantic Landscape and Costumbrism - 1 First floor : Old Masters, Précieux style and naturalist Landscape - 2 Second floor : The fin-de-siècle) concerne essentiellement des peintres, nés ou morts en Andalousie, du XIXe siècle : seule une pièce est consacrée aux siècles antérieurs, dans laquelle se trouve un beau Zurbarán.
Francisco de Zurbarán, Santa Marina, c. 1640-1650
De fait, le rez-de-chaussée recèle beaucoup de scènes pittoresques (je m’amuse de voir représentée la feria de Séville, à laquelle je n’avais pas voulu aller), qui, comme telles, paraissent exotiques
— et même “exotocs” (ce que j’avais déjà constaté à différents endroits, en Espagne ou au Portugal, faute d’avoir les yeux rompus à l’ethnologie locale). Or — et curieusement [?] —, la représentation d’une bretonne par un peintre espagnol ne me produit aucunement cet effet (je me fais l’effet — habituel — d’être un cuistre) !
Enrique Martínez Cubells, Mujer bretona (c. 1899-1900), Óleo sobre l ienzo, 76,5 x 50,5 cm © Internet
Certains peintres ont bien sûr [?] vécu et peint à Paris. Ils ont parfois acclimaté l’impressionnisme du moment à leur naissance hispanique…
Enrique Martínez Cubells (1874-1947, la Puerta del Sol, Madrid, 1902
Mais, parfois, ainsi que l’atteste le second étage, ils ont aussi saisi l’esprit “fin-de-siècle”, celui, par exemple, des nouvelles de Jean Lorrain.
Raimundo de Madrazo y Garreta, Salida del baile de máscaras (c. 1885) Óleo sobre tabla, 49 x 80,5 cm
Je rate un certain nombre de prises — notamment cette huile sur carton d'un tout petit format.
* * *
Certains Espagnols que je croise dans les rues sont très petits — remarque que je m’étais faite déjà à Barcelone. Une immense majorité des hommes de vingt à quarante ans, comme partout ailleurs, sont barbus. Beaucoup arborent des piercings (notamment des anneaux de nez — j’ignore s’il existe un nom pour désigner cela). Beaucoup, également, sont en pantalon de jogging ou de survêtement. Tout cela n’est ni très original, ni non plus toujours très attrayant…
Je fais des courses dans un El Corte Inglès, bien plus grand que les supermarchés indiqués par mon interlocuteur la veille de l’Office du tourisme.
Après-midi
Dans ma maladresse insigne, je casse une assiette et un verre (précisément : le verre en tombant fend en deux l’assiette).
Il ne pleut pas davantage que durant la matinée. Voire : le soleil perce de temps à autre la croûte de nuages gris.
J’explore le centre de Malaga, plutôt petit.
Je remets à plus tard ma visite de la cathédrale, qui n’est pas très éloignée de l’endroit où je loge et auquel je parviens en ligne à peine déviée.
Je photographie l’amphithéâtre romain au pied de l’Alcazaba.
De rues en ruelles, je découvre que le Musée du verre et du cristal est tout proche de la ruelle où je loge. Je m’y renseigne pour une visite guidée en français.
Il fait plus chaud qu’à Grenade. J’ôte mon gilet en laine.
Revenant sur mes pas, le soleil se fronçant de plus en plus de gris, je me rends au Musée Picasso.
Il est interdit de prendre des photographies, sauf dans l’espace dédié à l’exposition Y Fellini sono con Picasso.
Hombre desnudo contemplando a su compañera dormida (Dinard, 1922, crayon et huile sur bois), Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte-Madrid
Autorretrato traspuesto y desdoblado soñando con el circo, con Jacqueline como acróbata de la bola (Mougins, 26 marzo 1968)
L’univers fellinien m’est assez étranger. Mais j’ai vu un certain nombre de ses films dans un passé où j’étais bien davantage cinéphile que je le suis aujourd’hui. Et je retrouve, non sans intérêt ni plaisir, son univers peuplé de femmes énormes, et ce, jusqu’au fantasme de la géante bien évoqué par Baudelaire dans un poème des Fleurs du Mal, ou, plus burlesque, dans un des films — dont j’ai oublié le titre — de Pedro Almodovar…
Le musée lui-même se trouve dans un beau palais du XVIe siècle rénové, avec ses plafonds mudéjars.
Le ciel est toujours menaçant, mais il ne pleut pas quand je ressors.
Soir
Première sortie nocturne, Plaza de la Merced. La nuit est bel et bien tombée (en même temps qu’une légère pluie — la première de la journée — tombe). Mais il n’est guère que 21 heures.
De jolis jeunes gens parmi les serveurs ou assis au comptoir, mais un match de foot gâche un peu la vue.
J’écris — je rédige un brouillon destiné — à Adrien.
Les quelques lignes que j’adresse ensuite à T., auxquelles j’adjoins quelques clichés parmi ceux publiés plus haut, me viennent (naturellement) avec beaucoup plus d’aisance.
T.,
Un miracle a eu lieu aujourd’hui : il n’a plu(à ma connaissance) à Malaga que ce soir. Le ciel, certes chargé, noirci à la mine plomb, s’est tenu sec entre-temps.
Ai-je conjuré le sort en prenant au Musée Carmen Thyssen ce cliché de la toile de Enrique Martínez Cubells, “La Puerta del Sol [si si !], Madrid” (1902) ?
Ai renoncé à toute photo de Amorino ici, ici ou là ou bien là, mais ai pensé à toi en parcourant le musée Picasso et en visitant cette exposition Y Fellini sono con Picasso (une Anna + un autoportrait).
Voilà. Première sortie nocturne (vers 21 heures ^^ !) dans un bar étiqueté « gay friendly », et ce, non sans raison.
Ici comme ailleurs, s’ils ont entre vingt et quarante ans, ils sont tous barbus.
Mais le serveur — qui n’a pas compris que je voulais une bière brune et m’a apporté une Judas (blonde, mais c’était tout même une bière belge !) — était bien agréable à voir évoluer.
C’est tout pour le moment.
J’espère que vous avez passé une bonne soirée.
Je serai à **** vendredi. Je propose 18 heures — pour changer un peu.
Amitiés,
Romain