842 - Des jardins sous la pluie (8)
Des jardins sous la pluie
Paris - Séville - Grenade - Malaga - Paris
(Journal extime, 24 février - 9 mars 2018)
8
Vendredi 2 mars
Matin
Antonio m’avait certifié, la veille, que je n’aurais pas à peiner pour monter la côte qui mène jusqu’à l’Alhambra. De fait, j’en suis plus près que je ne m’imaginais — et le raidillon qui y conduit n’est ni si long ni si dur à grimper que le disait le guide touristique, tant et si bien que j’y parviens avec près d’une demi-heure d’avance, l’ouverture des lieux ne se faisant qu’à 8 h 30. Seul un couple de jeunes gens français — identifiable à leur Guide du routard — m’a précédé.
Nous patientons en déambulant entre jardins et bâtiments. (Il ne pleut pas encore.)
Moins de gens se pressent parmi les premiers arrivants que je ne me le figurais, ayant retenu de longue date mon entrée. Parfois même, après que les groupes sont passés, il n’y a pas si grand monde sur la photo !
(Evidemment, on rêve de l’époque où « l’Alhambra était si peu visité que certains visiteurs avaient le droit de dormir dans les salles du palais », à l’instar de Théophile Gautier qui y passa quatre nuits en 1840 !)
On se console du déluge dehors qui commence grâce à la vue qu’on a de Grenade.
Sorti des palais nasrides, il pleut (donc).
Et il pleuvra de plus en plus décidément, surtout après que j’aurai visité les deux musées du Palais de Charles-Quint. Et les touristes, de plus en plus nombreux, tout parapluies ouverts, d’affluer vers le Generalife, que l’on rêverait de voir relui par le soleil.
J’enrage qu’il n’en soit rien.
Et que, tout au contraire, une descente d’eau (bien nommée) nargue !
Aucune raison, dans ces conditions, de s’attarder à visiter les jardins...
J’écourte même mon passage pour le dernier monument, l’Alcazaba, forteresse plutôt massive et sans agrément, emportant une dernière vue sur la ville.
Après-midi
Je retourne au même endroit que la veille pour déjeuner. (Je sais au moins que je pourrai m’y attarder au sec.) De fait, je me pose, poursuis en pointillés une conversation agréable avec Natacha — j’apprends son prénom parce que deux jeunes hommes sont eux aussi revenus pour elle, quoique évidemment pour une raison différente de la mienne —, fais la causette avec Hassan, le patron. De fil en aiguille, j’apprends que le lieu est vaste de ses 400m2, qu’il s’y trouve un patio, une salle où trône un piano Bechstein, que Hassan m'enjoint à aller voir — ce que je fais volontiers.
Alors que je m’apprête à m’en aller, Hassan me propose un cognac espagnol (pas si mauvais) dont les effluves sont si forts que je crois d’abord que le breuvage a été chauffé.
Ce temps me condamnant à écrire, plutôt que des vacances, suggèrerait-il le temps étiré (mais contracté tout de même par ou avec la mort) de la retraite ?
Après-midi (la même)
Il pleut encore…
Fin d’après-midi et soirée
J’emménage dans l’appartement que j’ai loué pour les quelques jours à venir.
Le lieu est tout petit, mais sera mon arche minuscule dans les jours à venir contre les eaux.