849 - Des jardins sous la pluie (13)
Des jardins sous la pluie
Paris - Séville - Grenade - Malaga - Paris
(Journal extime, 24 février - 9 mars 2018)
13
7 mars
Matin
A Malaga, ce matin, le ciel est d'un beau bleu, mais le temps est venteux. Pour la toute première fois de mon séjour, je chausse des lunettes de soleil.
Je suis, pour l’ouverture, au Centre Pompidou.
Je suis happé tout d’abord par un très beau Miró, avant qu’on me remette dans le bon sens : je dois circuler de gauche à droite, et non l’inverse. Morigéné — cela est fait tout de même avec beaucoup plus d’aménité que la harpie du Musée égyptien de Turin, qui me jettera littéralement dehors des salles où je suis entré —, je fais un cliché en hâte mais oublie de photographier le cartouche : je vois bien néanmoins que le tableau est de grande dimension, très beau, quoique sombre, fantastique, presque inquiétant.
Je fais donc alors et docilement le tour des salles selon le modus operandi qui m’a été indiqué.
Je retrouve le Déjeuner sur l’herbe d’Alain Jacquet vu — ce doit en être une variation — à Lisbonne l’an dernier.
Au chapitre des coïncidences — en l’occurrence, des rendez-vous ratés —, j’arrive trois jours après l’exposition Hors-pistes présentée auparavant à Pompidou Paris.
Je me reproche à nouveau de n’avoir toujours pas contacté Adrien.
Le vent, à la sortie, est un peu tombé. Ce ciel bleu sur une eau bleue, que borne une bite bleue, apaise et répare toutes ces journées sous la pluie.
Je refais, à l’envers, le chemin du matin avec contentement.
Après-midi
J’étais passé la veille au Museo del Vidrio y Cristal pour savoir quand une visite guidée en français pouvait avoir lieu. Je suis donc deux ou trois minutes avant 14 heures dans cette maison privée du XIXe où un collectionneur a amoureusement rassemblé toutes sortes d’objets en verre et cristal de toutes les époques, vaisselle, lustres, bibelots, vitraux…
Le guide, que j’attends un court instant mais qui survient bientôt pour me faire le tour du propriétaire, est français : il parle en tout cas sans aucun accent. Ce qu’il raconte est intéressant, et je lui en sais d’autant mieux grâce que, s’il y a un couple flanqué d’un guide hispanisant, je suis son seul interlocuteur : cela change des audioguides bavards et descriptifs dont j’interrompais souvent avant la fin des plages les commentaires.
La visite — d’un peu plus d’une heure, et ce, pour une somme absolument modique — effectuée, comme il me demande si, avant de nous quitter, j’ai une ultime question, je lui demande tout à trac s’il sait où je pourrais trouver dans Malaga même un verre semblable à celui que j’ai cassé la veille — et que je lui exhibe.
Après avoir réfléchi un instant, il m’indique un bâtiment en face de celui dont j’ai parcouru tous les étages sans trouver rien qui ait à voir avec de la vaisselle ou de l’électroménager — l'annexe en fait du grand magasin en question, que je n’avais pas remarquée.
Je m’y rends donc et trouve soldés à moitié prix quatre verres en cristal de Bohème d’une taille similaire pour moins de 8 euros.
Je vais ensuite jusqu’à la gare, dans l’idée de bien baliser l’itinéraire que j’aurai à accomplir (car j’avais dû demander mon chemin à l’aller et avais un peu erré, ce dont je m’étais rendu compte après coup) et achète un ticket pour l’aéroport le lendemain.
Comme j’en suis tout près, je visite le Centro de Arte Contemporãneo — et prends quelques photos de l’installation des œuvres de Stephan Balkenhol dont les effigies comme autant d’avatars autobiographiques amuse et fascine à la fois, en constatant que, comme sur cette photographie,
l’artiste s’est représenté, semble-t-il, à toutes époques toujours idéalement fringant, idéalement beau, idéalement jeune.
L’autodérision s’affirme encore dans la parodie d’un de ces vases grecs à caractère érotique, en l’occurrence décliné dans une version plutôt straight des amours platoniciennes à quoi l’on est confronté d’habitude !
Le reste me trouve plus indifférent.
Quand je ressors du CAC, le ciel s’est couvert partout de motifs gris presque uniformes.