918 - Journal d'un conscrit (35) [in memoriam J.-M.]
22 juillet [1984]
C***. A la terrasse d’un café. Ceci me fait songer que, durant mon court séjour de trois jours à ****, je n’ai pas investi une seule fois la Place S*. Etrange, étrange, en vérité.
Etrange également d’être dans une ville à demi morte. S. est partie rejoindre P. dans le sud. Nous nous sommes vus pourtant, jeudi soir, avant qu’elle parte le lendemain matin. Tu n’étais pas là. Jean-Luc non plus. Ce risque d’être pire en août.
Cela a passé si vite que je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer après tous ces absents — en fait. J’ai vaqué à des tâches vaguement insipides, démarches administratives diverses, occupations matérielles — rien de spécial en fait. C’est vraiment peu dire que cela a passé vite.
Les points forts auront donc été ma première soirée chez S., ma seconde, chez Alain et M. J’ai également vu Hannah, cet après-midi. Et voilà, je rentre, « caserné » jusque vendredi prochain, quelque peu dépourvu de monde finalement.
En rentrant, j’ai épluché pas mal de courriers répondant à mes lettres de “candidature spontanée”. A****-P**** me convoque à un entretien le lundi 27 août… C’est toujours ça d’encourageant.
24 juillet 84
Quel mal pour voir Barbara chanter “Vienne” à la télé ! Dix écrans de télé, égoïstes, retransmettaient tous à l’unisson le western de la Première chaîne, vomissant les coups de revolver… Finalement, Lindsay et moi sommes allés chez une copine à lui, propriétaire d’un écran 66 cm en couleur. Barbara a donc chanté “Vienne”. J’ai noté cette variante :
Si je t’écris ce soir de Vienne
Chéri… je veux que tu viennes
— qui m’a bien amusé parce que le commandant d’ici commence toujours ainsi la formulation de ses désirs-qui-sont-des-ordres. Du coup, l’image de Barbara en commandant m’a fait sourire… mais c’est, bien sûr, resté une image accidentelle.
(J’apprécie beaucoup la compagnie de Lindsay. Il me tempère. Je le tempère aussi. Bref, nous nous tempérons. A***, de plus en plus stressé, devient insupportable. Avec Lindsay, l’équilibre se retrouve beaucoup plus facilement, spontanément. C’est un garçon dynamique, mais sédatif.)
(Autre parenthèse. Thierry est venu pour bavarder une petite demi-heure au bureau. Je mentionne le fait parce qu’il est rarissime et m’a fait plaisir.
Enfin Pascal a un boulot d’ingénieur assuré à sa sortie d’ici-n’d’dans. Encore une chose rassurante… dans ce monde à vau-l’eau…)