932 - Prolégomènes à quelque Bretagne future ? (1)
[Dans le lot des lettres écrites à J.-M., celles que je n’ai ni lues ni triées, je tire celle-ci, comme la carte de quelque tarot divinatoire, ou, plus simplement, une missive qui aurait quelque chose à m’apprendre — de moi, du passé ou d’un avenir à organiser, pour qu’entre elles les choses ne jurent pas trop, ou très peu, ou pas vraiment...]
Brest, 12 août 1999
J.-M.,
J’entame une lettre, les cartes postales, beaucoup trop pittoresques en général, attestant trop la Bretagne.
— Car la Bretagne… décidément…
Notre périple a commencé dès samedi dernier. Je veux dire que nous avons quitté Nantes alors. C’est dire que R. s’y est trouvé un appartement. Le parc immobilier nantais répond à sa réputation : les appartements y sont rares et chers. Définition qui pourrait s’étendre aux villes environnantes de moyenne et grande importance. Bref, après avoir visité bien des laideurs dans de l’ancien défraîchi et dépourvu de vraies commodités, dont les prix se tenaient remarquablement, R. s’est rabattu sur un T2 (comprendre F2, dont c’est l’appellation locale ou branchée) dans une résidence des années 70 à peine excentrée. L’appartement au moins est propre et un peu plus vaste (40-45 m2) que ce que nous avons pu voir auparavant. Entre-temps nous sommes allés voir à quoi ressemble La Roche-sur-Yon — dont le parc immobilier a paru ressembler à celui de Nantes […].
La Roche-sur-Yon : son IUT, sa Place Bonaparte, son orage imprévisible, impressionnant, son Leclerc et son parking où les autochtones viennent remplir des bouteilles d’eau de source (la Providence pour des camping-caristes dont le réservoir était à sec…), son Café des Artistes (où l’on nous a donné le tuyau) — et même : son bar gay, banalement nommé “L’Insolite”. 60 000 âmes. Au demeurant, ce n’est pas très joli. Repartons.
Depuis, nous voyageons donc. Sans guide de la Bretagne, avec seulement une carte, un peu au hasard, en nous fiant à des souvenirs de noms, entendus ou lus, y compris, parfois, chez des auteurs un peu anciens, si bien que Prévert a raison : « …de Brest dont il ne reste rien. » La rue de Siam ne ressemble certainement en rien à celle dans laquelle courait Barbara[,] et celui qui la serrait dans ses bras — amoureusement — a disparu au moins autant que Querelle… A moins, bien entendu, ce n’est jamais exclu, que nous n’ayons pas bien visité l’endroit.
Les noms bretons, d’ailleurs, c’est tout un problème : tous ces Ploubordelnec engendrent dans nos têtes de joyeuses confusions, et la mémoire n’en fixe rien.
(à suivre)