974 - À la grecque (journal extime), 3
À la grecque
(Paris - Athènes - Paris : 7 avril - 17 avril 2019)
Journal extime
3
8 avril
Matin
Je retranscris les lignes de la veille.
Je m’emploie à téléphoner ensuite à plusieurs entreprises pour le démoussage de la toiture de l’immeuble où j’habite : je m’inquiète, en effet, de ce qui, au vu de taches jaune-brun, pourrait être une infiltration d’eau autour du Velux de ma salle à manger.
J’appelle au moins une douzaine de numéros avant de réussir à contacter trois artisans et obtenir des rendez-vous à mon retour.
C’est l’occasion d’un acte manqué formidable : ces rendez-vous ont tous été pris après que j’aurai repris le travail, alors que je serai rentré six jours auparavant ; je ne m’apercevrai de cela que le lendemain…
Après-midi
Le musée Picasso est fermé le lundi.
Je poursuis à pied jusqu’au quartier latin et, comme la foule est clairsemée, entre pour la première fois dans Notre-Dame de Paris.
Transept nord : Guido Reni, le Triomphe de Job, 1636 (provient de l’église des Mendiants de Bologne)
Je m’acquitte des cinq euros requis pour visiter le trésor de la cathédrale, plutôt décevant.
Trésor de la cathédrale : Crucifix, ivoire, XV-XVIe s., Statuettes reliquaires de saint Sébastien et de sainte Agathe, bois argenté et doré, Suisse, XVIIIe s, Pot à bouquet, argent doré, argent, R. Laminit, 1599
Je fais quelques librairies, puis pars en direction du Musée du Luxembourg, auquel je renonce finalement.
Soir
J’ai rendez-vous avec Aymeric à 18 heures — c’est lui qui l’a proposé — dans le bar où nous avions déjeuné en février avec F. et Pascal. Il a préféré me voir à l’aller plutôt qu’à mon retour, puisqu’il se trouvera en plein déménagement. Il a délaissé les cartons pour me consacrer quelques heures, ce qui me fait plaisir.
Il s’installe et dit vouloir commander la même chose que moi — une pinte, ce qui me paraît inhabituel alors même que c’est la troisième fois que je lui vois boire une bière.
Il vient d’apprendre dans l’après-midi que la vente de l’appartement dont il s’est porté acquéreur se fera dans trois jours chez le notaire, juste avant qu’il emménage rue de Sèvres dans un appartement mis gracieusement à sa disposition par l’une des connaissances d’un de ses amis. Il a pu faire ainsi son changement d’adresse auprès de la poste avant même de venir.
Débordé par tous ces préparatifs en vue d’un premier déménagement, il a bien fait, dit-il, de ne pas m’accompagner la veille ; je lui raconte comment j’ai dérivé de lieu en lieu durant l’après-midi, improvisant plutôt mal le loisir qui s’offrait à moi.
Nous parlons de nos douleurs (lui a très mal au genou).
Il me dit le regret qu’il aura toujours de n’avoir pas pu mieux soulager sa mère en étant près d’elle au moment où elle dévissait Elle se croit désormais chez elle, mais se montre cyclothymique, oubliant également d’une heure à l’autre ce qu’elle a pu faire auparavant. Je parle de Khadija et de sa mère, lui, de mon père s’occupant de son épouse.
Aymeric achète deux desserts pour compléter notre repas.
Comme je ne parviens pas à mettre correctement en œuvre au four traditionnel les plats, je dois recourir au four à micro-ondes, et, même si je suis les instructions données sur l’emballage en les aspergeant d’eau, les nans sont plus mous et plus insipides que jamais.
Dans l’ensemble, pourtant, ce repas indien tout préparé constitue une agréable surprise, le reste de notre repas étant très comestible.
Aymeric m’offre le livre qu’il emportait avec lui, Venise à double tour de Jean-Paul Kauffmann.
Il a rendez-vous le lendemain pour un emploi intérimaire.
Il me raconte avoir eu un entretien d’embauche peu de temps auparavant pour un autre emploi pour lequel il serait parfaitement qualifié. L’employeur, cependant, voudrait faire en sa compagnie une journée d’essai.
Il travaillerait alors dans le même quartier que l’endroit où il va emménager et travaillait naguère. Aymeric me dit y avoir croisé quelques anciens clients, qu’il n’avait pas vus depuis trois ou quatre ans. Étrange « bal de têtes » — auquel la sienne n’a pu, dit-il, échapper.
J’expose assez longuement — et à nouveau — mes projets de retraite anticipée.
Lorsque j’évoque la violence symbolique face au public, Aymeric me fait remarquer qu’elle sévit des deux côtés. Mais c’est la mienne qu’au fond je n’ai jamais aimée (il ne me vient pas à l’esprit de le lui dire alors...).
Nous cherchons où se trouve Edimbourg, tout proche de la Mer du nord.
Lui partira – c’est décidé — en Italie du Nord.
Le repas achevé, je le raccompagne jusqu’à la station Oberkampf. Il est à peine plus de vingt-deux heures, mais une rude journée l’attend le lendemain.