986 - À la grecque (journal extime), 12

Publié le par 1rΩm1

 

 

À la grecque

 

(Paris - Athènes - Paris : 7 avril - 17 avril 2019)

 

Journal extime

 


12

 

16 avril [suite]

 

Paris, fin d’après-midi et soirée

 

En consultant mon téléphone, après avoir atterri, je trouve un message de François, qui me donne rendez-vous dans un restaurant au moment du déjeuner le lendemain.

Arrivé rue P***, j’appelle Patrice pour convenir de l’endroit et de l’heure pour nous retrouver. Il me dit n’être pas très bien : une de ses collègues vient de décéder, et cela l’affecte beaucoup.

J’écris quelques lignes à T., ainsi qu’à M.-C. pour leur dire mon proche retour.

 

Je vais à pied jusque Ménilmontant.

 

986 - À la grecque (journal extime), 12

La rue Oberkampf, aux abords de la place de Ménilmontant, change de physionomie et de peuplement. Je m’étonne que la rue J*** soit si proche de l’appartement de F et Pascal : c’est dans l’autre sens, il est vrai que je suis toujours allé, tard le soir, dans les vapeurs de l’alcool, Patrice incitant toujours à reprendre un dernier verre...

J’arrive donc en avance dans le café où il a ses habitudes. Je sens une certaine curiosité de la part de la serveuse, qui paraît se demander si elle m’a jamais vu…

Patrice arrive une dizaine de minutes après l’horaire fixé, et je m’amuse de ce délai qui m’est familier... Avant de s’asseoir, il fait le tour des habitués, c’est-à-dire des un(e)s et des autres. À la serveuse qui lui demande ce qu’il boit, il répond qu’il prendra le même verre de vin blanc que moi.

Je lui demande comment sa collègue est morte. Le décès s’est produit subitement : une grippe violente qui s’est portée sur le cœur, déclenchant une myocardite, laquelle a nécessité une transplantation cardiaque. Il n’en sait pas davantage, mais cette jeune femme de trente-six ans est décédée en l’espace de deux semaines. Il l’appréciait beaucoup et est donc très affecté, ainsi que la plupart des personnes de son service. Ce dernier s’en trouve, en outre, désorganisé, à un moment où c’est un coup de feu... Il a fallu gérer aussi l’émotivité de certains, chacun y allant de son petit roman personnel pour se faire valoir comme personnage dans sa relation à l’héroïne de cette tragédie, au-delà de l’émotion, bien compréhensible.

 

Tout en parlant, Patrice dit vouloir recommander un autre verre, et je propose de nous mettre en route plutôt pour le restaurant.

En sortant, nous croisons un couple d’amis de Patrice qui commente l’actualité. Certaines pièces du trésor de la cathédrale que j’avais vu à l’aller seraient parties pour le Louvre. Patrice s’étonne : comment ont-ils pu l’apprendre ? En vérité, explique le voisin, quand les œuvres ont été emportées, les journalistes de BFM « se sont mis au cul des camions ». La conversation se fait ensuite plus intéressante et technique, et je comprends que l’ami de Patrice doit être restaurateur puisqu’il dit être déjà intervenu à Notre-Dame. Patrice, cependant, élude un peu, et nous descendons la rue de Ménilmontant pour atteindre enfin le restaurant.

 

Sans nous le dire d’abord, l’endroit ne nous plaît guère. Patrice parle alors de « boboïsation » de son quartier. De fait, le type de carte proposée — « un peu comme les tapas », nous dit le serveur, à qui nous demandons comment comprendre le « grammage »… ainsi que les prix… — nous paraît relever d’une formule en vogue, et la clientèle, conforme au public ciblé...

Le petit commerce d’Anne connaît tout des hauts et des bas. Elle se demande même si elle ne devrait pas plutôt faire jouer son droit à la retraite et revendre sa clientèle. Je demande à Patrice quel est l’âge d’Anne.

Elle a, comme lui, soixante ans, mais pourrait faire valoir ses deux enfants. Ils ne s’en sortiraient pas plus mal ainsi...

Lucie revient sur Paris à la faveur d’une promotion de son compagnon.

Patrice me parle un peu des prochaines expositions qui auront lieu dans le musée où il travaille.

Les plats commandés sont assez bons, et le vin italien que Patrice a choisi, plaisant.

La quantité servie dans les assiettes reste néanmoins relative, et Patrice parle bientôt de commander un dessert — et, la bouteille étant terminée, un autre verre de vin. Je décline cette dernière proposition pour ce qui me concerne, tout en m’alignant sur un dessert.

Patrice, cependant, s’irrite des voisins et de leurs rapports continuels au téléphone portable.

(Je ne dis rien du projet que j’ai concernant ma propre retraite — pour une raison qui m’échappe absolument puisque je n’ai aucune raison de le lui cacher…)

 

Je reçois un message d’Aymeric, qui m’amuse beaucoup — et que je lis à Patrice :

 

Bonsoir Romain,

Impossible de ne pas penser à toi avec les événements d’hier soir. 

Avais-tu eu un pressentiment du gigantesque barbecue qui se préparait ?

Tes pas t’ont opportunément guidé vers ce lieu qui n’aura plus jamais le même aspect. 

Je ne trouve personne pour abonder dans mon sens quant à l’augure : un châtiment divin pour punir cette Église et ses crimes pédophiles. Une Sodome et Gomorrhe des temps modernes [!]

Je m’arrête là, je dois avoir mauvais esprit. 

Demain je signe l’appartement, c’est confirmé. Les travaux vont pouvoir commencer. 

Je ne sais si tu es rentré de Grèce. Quoi qu’il en soit, je te souhaite une bonne fin de congés. 

Amicales pensées. 

Aymeric

 

En sortant du restaurant, Patrice propose un dernier verre. Je décline, arguant de la fatigue.

Au moment de se quitter, après m’avoir embrassé, il me dit avoir oublié, mais que Anne m’embrasse — joignant le geste à la parole.

Je ne l’ai pas vue depuis longtemps. — J’y songe un instant, en espérant que l’occasion s’en présente bientôt.

 

 

 

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