990 - Scottish Gigue (1)
Scottish Gigue
(Paris – Edimbourg – Paris)
14-28 juillet 2019
(Journal extime)
1
Paris, 14 juillet
J’arrive en fin de matinée chez Patrice.
Nous parlons essentiellement de notre travail, duquel, de plus en plus, nous éprouvons les contraintes, qui, si elles ne sont pas les mêmes, se ressemblent pourtant. Lui et moi aspirons à la retraite. Il compte travailler encore une année et demie. Je ne l’avais pas fait en avril, mais je lui livre mon projet d’anticiper l’échéance de mes soixante-deux ans.
Et c’est longuement que j’évoque les événements de juillet, dont je l’avais tenu informé, lui et quelques autres.
La chatte est morte — au bout de son âge.
Je réserve un restaurant pour le soir.
Nous déjeunons.
Après-midi
Je reçois un appel téléphonique de Judith alors que je suis dans le métro. Nous nous fixons un rendez-vous pour le lendemain.
Non seulement certaines stations de métro ne sont pas accessibles — c’est du moins ce que je suppose — en raison du défilé du matin, mais le Petit Palais est fermé.
Je me rabats sur Orsay, mais la foule est encore dense. Je renonce à entrer.
Soir
Le restaurant où nous dînons est très correct. Il fait néanmoins un peu frais sur cette terrasse.
Patrice me parle surtout des difficultés matérielles qu’Anne et lui éprouvent ces temps derniers.
Nous rentrons sans que Patrice propose de dernier verre. J’en suis surpris, mais m’en porte bien.
15 juillet
Matin
Il n’y a pas de pain pour le petit-déjeuner. Je me mets donc en quête d’une boulangerie — non sans mal un lundi.
Un vent vif et froid m’agresse alors que je vais trop peu vêtu… Je maudis Patrice.
Je trouve enfin, que signale la vitrine éclairée telle la cabine d’un bateau dans le brouillard, ce que je cherche.
Deux heures plus tard, alors que je parviens presque au même endroit, un bus me passe sous le nez. Pour ne pas attendre le suivant sans rien faire, je vais jusque la Place Ménilmontant. Or, le bus suivant ne marque pas l’arrêt, au grand dam de toutes les personnes postées là.
Renonçant aux agréments d’un voyage dans les rues de Paris, je m’engouffre alors dans la station de métro — pour constater que les tickets achetés la veille sont tous démagnétisés.
Les agacements s’empilent. Ce sont presque deux heures perdues à des riens alors que j’entendais être en avance pour voir l’exposition Champs d’amours à l’Hôtel de ville…
Il s’y trouve peu de monde cependant, et l’on entre sans faire de queue… Moins amusante que l’exposition Paris vu par Hollywood, vue en novembre 2012, elle s’avère néanmoins assez riche. Je m’aperçois que la plupart des œuvres et leurs entours me sont connus, pour ne pas dire familiers...
Je reconnais, également, hors tout exotisme apparent, ce même (un)heimlich… en me rappelant d’ailleurs combien Mort à Venise m’avait dérangé — agacé ? importuné ? bousculé ? — lorsqu’adolescent je l’avais vu la première fois… Je ne pouvais simplement pas me transporter alors dans le personnage de Tadzio…
Ce n’est donc qu’en revoyant beaucoup plus tardivement le film que j’ai pu me retrouver en Aschenbach, ma propre histoire me revenant comme un pied de nez à ce que l’on croit ou croirait être au fil d’identités incertaines…
J’avais d’ailleurs été surpris — et ému en quelque façon — d’apprendre tout l’investissement autobiographique dont Thomas Mann avait fait preuve en écrivant la nouvelle, lui qui, vieux monsieur, en pinçait absolument pour le serveur d’un grand hôtel suisse…
J’étais évidemment plus affirmé qu’au moment où j’avais découvert le film de Luchino Visconti en voyant pour la première fois Querelle (dont je ne connaissais pas cette affiche).
Et, Aschenbach ou Tadzio, et pour des raisons à géométrie et âge variables, l’on peut bien sûr rêver d’être ou d’avoir… d’avoir été ou d’avoir eu… — cela n'étant guère qu'une affaire d'auxiliaires plus ou moins opérants — le jeune homme incarné par Pascal Cervo dans le film de Catherine Corsini, que je n’ai jamais vu, les Amoureux.
D’autres vitrines attirent également mon regard, convoquant d'autres souvenirs.
Ce faisant, je rattrape un peu le temps perdu de la veille, l’après-midi s’en étant montré spécialement inutile…