1015 - Scottish Gigue (16)
Scottish Gigue
(Paris – Edimbourg – Paris)
14-28 juillet 2019
(Journal extime)
16
25 juillet, après-midi [suite]
Nous avons rendez-vous Place Paul Verlaine, Aymeric et moi.
Aymeric est déjà là, qui vient d’arriver.
Nous faisons face à l’un des trois puits artésiens de Paris.
Nous y remplissons nos bouteilles. Il me désigne la file d’attente devant la piscine.
Nous nous installons dans un bar (celui où nous étions allés déjà la fois précédente puisque le restaurant indien où j’ai réservé est bien le même, lui aussi, ainsi qu’escompté, que celui où nous avions dîné si agréablement).
A ma demande, il me parle de son nouveau travail. Il était le seul employé aujourd’hui à s’agiter dans ce local en entresol qu’il me décrit sommairement, dans une chaleur qu’augmente celle des machines. Son chef de service l’a libéré à 15 heures, en lui proposant de venir plus tôt en matinée le lendemain.
Le bâtiment où il s’active a été construit par Vinci. Dans les étages ont été coulées des dalles fragiles qui ne supportent pas les surpoids.
Le travail qu’il effectue ne semble pas lui déplaire.
Il me parle de la fusion à venir de son université avec l’université avec Paris V.
Son nouvel appartement était prêt à temps. Mais deux planchers, une fois retirée une cloison, n’étant pas à niveau, ont nécessité un dépassement de budget (20% sur la somme initialement prévue).
Il n’a pas encore posé les clenches de porte (Aymeric dit « poignée de porte » et s’étonne que « clenche » soit le mot propre, et non pas un terme familier ou régional), ce genre de détail ne lui important guère. Il dit être encore mal déployé dans son installation. D’ailleurs, comment ranger les livres ? (je lui concède que c’est bien une question épineuse, que je n’ai tranchée que par l’arbitraire de l’ordre alphabétique — plutôt que ranger par genres, collections, formes, volumes et couleurs, ainsi que fait T. —, qui me paraît le seul véritablement efficient : il faut pouvoir retrouver ce que l’on cherche1 !)
Il me raconte avoir quitté prématurément l’appartement du VIe arrondissement qu’il occupait, lors de la canicule de juin : sous les toits, la chaleur était proprement invivable.
Il ne sera pas en Bretagne quand j’y serai au mois d’août.
Il a vu aussi l’exposition du Petit Palais, qu’il a, comme moi, beaucoup aimée. Notre attention a d’ailleurs souvent été arrêtée par de mêmes détails.
Je parle beaucoup à mon tour. De mon travail. De l’Ecosse. De Nathalie. (De mes projets de retraite anticipée — encore et toujours. Il me dira ensuite que ses amis — encore et toujours — s’inquiétaient de le savoir sans emploi. Il m’apprend que 20% des SDF sont des gens âgés, des seniors sans emploi, ou des retraités trop pauvres pour conserver leur domicile.)
Soir
Trois heures ont passé sans que nous en prenions conscience. Nous nous rendons au restaurant.
Une bonne surprise nous y attend : l’endroit est climatisé. Nous commandons deux plats végétariens.
Les préoccupations climatiques du moment nous conduisent, par désappointement, à nous accorder sur le bon débarras que pourrait au fond constituer la disparition de l’humanité.
En ce moment, Aymeric n’a plus trop le goût de lire. Il me parle d’un livre de Mathieu Riboulet sur une auteure italienne. J’ignore (sur le moment) de quoi il s’agit1.
Il part bientôt en Italie du Nord. Milan, Turin, Parme, Ravenne, Padoue. J’irai sans doute sur ses traces à l’automne.
En Bretagne, il devra liquider bientôt les meubles de la maison parentale, en rafraîchir les lieux, afin de la louer.
Comme il travaille tôt le lendemain, il se voit contraint d’écourter un peu la soirée.
L’addition est douce, et nous avons bien mangé.
[texte complété et rectifié par l’intéressé — j’avais commis quelques erreurs de détail, et Aymeric a également apporté quelques améliorations stylistiques… —, qui réalise ainsi mon désir que les relations de nos rencontres soient, au moins partiellement, écrites à quatre mains…]
* * *
J’ai reçu un message de Thierry, un ami de F. et Pascal, dont le compagnon doit dormir dans l’appartement. Quand je rentre, la porte entre la cuisine et le salon est fermée, et je suppose déjà installé cet invité d’une nuit. Un jeune garçon asiatique en caleçon surgit presque aussitôt après que je me suis installé à la table de la cuisine, pour fermer la lumière Il sursaute en me voyant, il ne m’avait manifestement pas entendu arriver. Nous échangeons deux mots, tandis que Thierry se montre à son tour.
Harry est joli garçon. J’ai déjà vu Thierry, six ans auparavant, me dit-il. Il logeait là, F. et Pascal lui ayant prêté l’appartement, mais m’avait laissé la place durant mon séjour. Je me souviens, en effet, l’avoir croisé, qui venait chercher quelques-unes des affaires dont il avait besoin.
Ils se calfeutrent dans la pièce à côté — pour fumer, alibi qui leur permet de fermer la porte pour que je sois pas dérangé par la fumée. La cigarette est longue, cependant, à se consumer.
Ils partent, l’un pour raccompagner l’autre. Je me couche entre-temps.
S’il est moins vieux peut-être de quatre ou cinq ans, Thierry est plus ventru que je ne le suis. Et, le ventre plat, et de trente ans au bas mot de moins que nous, Harry est décidément bien mignon. (Je ne crois pas cependant que me plairait beaucoup d’être son daddy sugar — ce que Thierry a toutes chances d’être pour lui —, pareille relation me paraissant toujours avoir un caractère au moins faussé, pour ne pas dire faux, dans l'immense majorité des cas…)
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1J'enverrai, le lendemain, à Aymeric ce message :
J'ai non seulement lu le livre [Deux larmes dans un peu d'eaui] mais j'en suis l'heureux propriétaire 😄