1016 - Scottish Gigue (17)
Scottish Gigue
(Paris – Edimbourg – Paris)
14-28 juillet 2019
(Journal extime)
17
26 juillet
Matin
Tandis que je parcours l’exposition Berthe Morisot au Musée d’Orsay,
je ne puis m’empêcher de penser que beaucoup de jeunes femmes et d’enfants et de femmes peuplent l’univers de l’artiste. Cependant, si les sujets la relèguent un peu trop hors de ma sphère, j’y découvre de vraies belles choses, et j’entends bien qu’elle soit partie de son propre univers féminin, pour s’affirmer de plus en plus dans un univers d’hommes — et devenir, à l’évidence, une artiste qui se hisse à hauteur de la modernité de ses pairs, une peintre qui n’a rien à envier à ses confrères, sans pour autant jamais renier de sa sensibilité ni de sa vision propre.
Berthe Morisot, le Berceau, 1872, Huile sur toile, Paris, Musée d'Orsay
Intérieur, 1872, Huile sur toile, Collection particulière
Femme à sa toilette, 1875-1880, Huile sur toile, Chicago, The Art Institute of Chicago, Stickney Fund
Dans la salle à manger, 1880, Huile sur toile, Collection particulière
Blanchisseuse (dit aussi : Paysanne étendant du linge), 1881, Huile sur toile, Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek
J’ignorais également son œuvre si copieux, n’ayant vu déjà que les tableaux de Marmottan ou d’Orsay. Conquis, je fais pas mal de clichés.
Marine [dit aussi : le Port de Cherbourg], 1871, Huile sur toile, New Haven Yale University Art Gallery
L’évolution d’une peinture pleine de hardiesse qui s’émancipe — malgré les thèmes peints — éclate à mesure que l’on progresse dans les salles.
En Angleterre (dit aussi : Eugène Manet à l’île de Wight), 1875, Huile sur toile, Musée Marmottan-Monet
M.[onsieur] M.[anet] et sa fille, 1883, Huile sur toile, Collection particulière
La leçon au jardin, 1886, Huile sur toile, Denver, Denver Art Museum, collection Frederic C. Mamilton
Je photographie les panneaux qui concernent les dernières années de cette vie créatrice, couronnant cette évolution.
Je profite de ma venue pour hasarder mes pas et m'attarder ici ou là,
découvre un, autre lieu où, parmi ses consœurs ou émules,
Morisot s’expose encore,
Berthe Morisot, Edma et sa fille sur la falaise, vers 1870, Aquarelle et rehauts de gouache sur traits de crayon sur papier, Musée du Louvre
recoupant d’autres vies comme autant de lignes de force,
mon parcours se bouclant dans l’évidence d’un tableau mainte fois vu, mais offrant plus de résistance encore qu’auparavant.
Après-midi
Je m’allonge en vue d’une sieste. Je m’endors sans vraie conscience d’avoir dormi. Seule l’heure me renseigne.
Je me mets en quête d’un opus improbable de Mathieu Riboulet selon les dires d’Aymeric la veille. J’ai déjà acheté deux livres le matin. Je vais dans une librairie toute proche du lieu où Aymeric travaille : j’en découvre une entrée. Il est 16 heures, je pourrais le contacter, je ne le fais pas, par crainte de le déranger.
Précisément, il m’écrit pour me donner les références du livre. Que j’ai déjà. (Je me désole intérieurement de ma mémoire, devenue une passoire.) — L’ironie est complète, et je n’ai plus qu’à rentrer.
Soir
Je clavarde longuement avec un jeune homme ou plutôt homme jeune (trente-quatre ans) intéressant et spirituel. La conversation tourne court après que je lui ai envoyé ma photo.
Voilà qui pourrait ajouter à ma détestation de moi-même du moment !