1019 - Happy new year (2 janvier 1982)

Publié le par 1rΩm1

 

[in  memoriam  J.-M.]

     

2 janvier 1982

 

2 h 30 – 3 h

 

J.-M., Pascal,

 

Une lettre de la nuit, avec des rimes dans la date — et un papier ivrogne pour étoiler l’encre (cette encre abominable, de couleur « bleu des mers du sud » soi-disant, dont je vous prie de pardonner le faux romantisme) — une lettre-chiffon sur du papier de drugstore belge avec son encre toc et rutilante, écrite du bout des doigts sur la pente inconfortable (du moins pour écrire) de ce lit-bateau ivre qui tangue au cœur de la nuit — bref, une lettre sans raison, avec du bleu de mer dans le bleu de la nuit : voilà… je vous écris.

 

1019 - Happy new year (2 janvier 1982)

Il y a certains jours — et certaines nuits —, en effet, où tout, inévitablement, vous rappelle l’absence, et répète l’absence, malgré toutes tentatives pour fixer ailleurs sa pensée ! J’ai beaucoup pensé, aujourd’hui, malgré toutes activités, à l’absence qui est la vôtre. Un petit écho de votre absence sous la forme d’un presque rien minime — oui, mais voilà, un presque rien cruel, irrévocable, qui disait que vous n’était pas là, pas ici, et que je ne devrais pas penser à vous… Je revois un quai de gare où je vous ai laissés à cette même heure de la nuit, et puis aussi, je me souviens d’allées et venues entre chez moi et le « C**** », l’an dernier, pour m’enquérir si, d’aventure, J.-M. n’était pas rentré de Thaïlande (cela s’écrit-il ainsi ? zut ! je ne sais plus rien !) — et des airs étonnés de M*** à me voir si souvent…

Il y a un an ou presque, J.-M., [même si] je te connaissais à peine, j’attendais avec impatience ton retour… Je voulais te voir vite revenir, pour te remercier d’une très agréable soirée en ta compagnie un mois auparavant, et te dire, pour la première fois, l’amitié, l’estime que j’avais pour toi… Je suis dans un état somme toute à peu près semblable aujourd’hui — peut-être un peu plus confiant, mais à peine… — pour renouveler cette amitié-là dont je parle et qui m’importe beaucoup. Et, qui plus est, je suis plus riche encore d’amitié cette année, puisque c’est à Pascal aussi, pour vous deux finalement que j’écris ici. Alors, oui, vous me manquez, simplement, et il me tarde de vous dire — mais je sais bien moins dire, maladroit, maladroit — de vive voix cela, et je vous écris par-delà votre lointaine existence ailleurs…

 

Toutes ces fêtes qui se sont passées sans vous… J’en souris un peu, mais c’est vrai, aussi idiot que ce soit — car ces fêtes restent bien conventionnelles —, j’aurais voulu vous en donner la juste partie. Car cette année 81 qui vient de s’achever marque avec elle l’« anniversaire » d’une rencontre : votre rencontre l’aura, en partie, éclairée, et c’en est peut-être la meilleure part.

Voilà de « grands mots », mais qui ne sont peut-être pas tout à fait faux — quelle que soit la manière dont ils résonnent… Et ce ne sont, tous comptes faits, que des mots rompant avec mon ordinaire pudeur (et la maladresse dont j’ai parlé déjà) — avec la pudeur plus générale qui tait nos sentiments, souvent. J’avais l’envie de les écrire et je devrais ici m’arrêter et vous souhaiter une bonne année 82, à la mesure de ces grands mots-là. Et vous embrasser par Pé-zé-Té interposés, avant de vous bientôt, présents, en chair et en os.

 

Happy new year — et mes amitiés,

 

Romain

 

P.-S. – Blabla blabla… je suis aussi bavard que peut l’être parfois, oralement, J.-M. ! Blabla blabla… je pourrais ainsi continuer longtemps… So long.

 

 

 

 

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