Archive GA LXXXVI - April in Paris (10)
April in Paris
(nouveau journal extime)
10
bitume
22 avril
[soir]
Avais donc rendez-vous avec Nicolas à la sortie du métro Saint-Paul.
Première bouche de métro où attendre — et premier bitume à arpenter.
En fait, j’étais descendu à Châtelet, afin de faire de premiers repérages de la Place Sainte Opportune pour le lendemain. Surprise (demi-surprise, plutôt) de découvrir que je la connaissais bien sûr, l’ayant photographiée il y a quatre ans, avant de partir avec R. au Maroc.
Premier bitume à arpenter. De fait, je guetterai durant vingt minutes les arrivants de l’escalator, ce qui m’a rappelé le retard de N***, attendu en haut d’un autre escalier roulant, en octobre dernier… (Cette fois-ci, sprintant sur les dernières mètres, arrivant vers moi dans d’élégantes gambades, N*** n’avait que cinq minutes de retard — et je sais bien qu’il a tout fait pour arriver à l’heure…)
Rendez-vous étrange, dont je ne sais aujourd’hui (vendredi, tandis que je recopie et enrichis les premiers linéaments de la veille) que penser, d’autant qu’il n’aura duré qu’à peine plus d’une heure. Or, de cela, du fait qu’il partirait bientôt, Nicolas ne m’avait rien dit, auquel cas j’aurais — naturellement… — pris d’autres dispositions.
Je croyais donc que nous passions la soirée ensemble. Aussi lorsqu’il a annoncé devoir rentrer, ai-je été surpris — tout en tâchant de ne pas montrer ma déconvenue.
J’ose croire à un malentendu. Parce que Nicolas ne m’a guère semblé différent de la façon dont je l’avais envisagé au fil des messages que nous nous étions adressés.
Nous prenons un verre sur la petite place du Marché Sainte-Catherine, qu'il m'avait annoncée comme « charmante » — et qui, de fait, l’est.
Nicolas est bavard et enjoué. Son débit est précipité. Il pose une question, laisse un instant filer la réponse, pose une nouvelle question ou intercale un développement, si bien qu’avec ma propre propension à digresser notre conversation s’avère bientôt très décousue. Nous nous en rendons compte, me semble-t-il, et nous efforçons du moins de ne plus partir en dérive. Cependant, que se dire de vraiment substantiel en si peu de temps ? Ce faisant, nous ne faisons qu’effleurer cent sujets divers…
Devant Saint-Paul, le bus arrive aussi très rapidement… Nous nous quittons au milieu d’une phrase qui promet de reprendre bientôt le dialogue…
([ajout du 3 mai :] Ceci tout de même — après reconstitution : parmi les sujets abordés, nous parlons de nos vies professionnelles, de la façon dont elles ont pu nous ballotter — moi surtout ; nous parlons des villes où nous avons vécu, de celles où nous voulions vivre — et avons tout fait pour cela. Nous parlons de spectacles, d’expositions, de lectures. C’est par nos lectures d’ailleurs que tout a commencé — puisque, constatant un goût commun pour Louis-René des Forêts, spécialement pour Ostinato, j’ai pris l’initiative de lui écrire.
Il me conseille de lire Sébastien de Jean-Pierre Spilmont, m’écrit le titre du livre et le nom de l’auteur (en en précisant l’éditeur) sur mon carnet à griffonnages. Commente son « écriture de médecin », selon son mot. C'est une écriture expressive, énergique, en tout cas, qui creuse le papier, le troue presque, et recourt à de triples points d'exclamation et soulignés…
Tout était peut-être moins désordonné qu’il m’a paru tout d’abord — ma difficulté à ressaisir la matière n’étant peut-être due qu’à la frustration ressentie sur l’instant à la relative brièveté de notre échange…)
A mon retour chez Judith, je trouve un message de B***, qui devrait arriver la nuit prochaine… Il me dit qu’il me téléphonera aussitôt que possible : je lui avais écrit que je pensais à lui — et il a pu interpréter cela comme une façon de le presser : j’ai peur d’un autre malentendu…
Je songe à demain — et crains que C*** n’annule à nouveau, ou qu’il ne s’éclipse aussi vite que Nicolas (tandis que B*** m’a prévenu déjà qu’il n’aurait que peu de temps à me consacrer…) ; j’ai crainte aussi que cela n’empiète sur l’idée projetée avec N*** de nous rendre au jardin du Luxembourg. Bref, tous mes rendez-vous semblent prendre l’eau de toutes parts…