1075 - Carnets d'un confiné (12)
CARNETS d’un CONFINÉ
12
[Journal pas toujours extime]
(14 mars, […] 1er MAI 2020 … …)
26 mars
Matin
Parti pour un approvisionnement, je renonce à l’hypermarché où une quarantaine de caddies sont à la queue leu leu. Je ne renonce pas à la pharmacie pour autant.
Je fais mes courses dans un endroit de plus petite surface, de fait moins encombré. Contre tous mes principes (ou devrais-je dire : mes habitudes ?), je donne deux euros à un SDF.
J’isole les achats pour mon père. Contrairement à ce que je pensais, il ne se tient pas devant le garage comme la fois précédente. En fait, après coup de téléphone, il apparaît qu’il m’avait donné — ou pensé donner ? — d’autres instructions.
Autre agacement (bien plus fort encore) : celui de lire les messages en nombre des collègues, chacun faisant miroiter à l’autre ce qu’il fait pour « télétravailler ». Ce n’est pas comme pour certains messages que je reçois du fait de l’inscription, toute volontaire, sur un site : je ne peux me désabonner des collègues (ce que je ferais sans aucun déplaisir !).
Heureusement, parmi eux, Evelyne envoie un message avec lequel je suis entièrement d’accord. Je renchéris donc.
Merci Evelyne pour ta saine réaction en cette période de confinement sanitaire où nous avons tous besoin de nous protéger et de protéger les autres, […] y compris des interrogations, plus ou moins délétères, sur ce que nous devons ou devrions faire ^^ !
Chacun fera ce qu’il croit bon, avec le minimum de discernement dont je parlais hier :)
Le soleil brille brille brille (comme dans la chanson). Au moins n’avons-nous pas de giboulées en continu.
Belle journée — et vale, pour parler latin à mon tour ;-)
Romain
(Evidemment, je me trompe sur l’impératif latin de valere — et rectifie quelques minutes plus tard.)
Toujours des débats contradictoires à propos du plaquenil. M.-C. nous tient au courant ! Je peine parfois à suivre, et ne sais si je le dois.
Après-midi
Alors que je m’apprête à faire une sieste après déjeuner, Claudie m’appelle. Comme toujours, la conversation s’attarde et rebondit : Claudie est très bavarde. Elle se fait l’écho d’une rumeur (les examens de fin d’année auraient lieu à leur date habituelle — à moins que ce soit l’inverse), et je m’emploie à la calmer (elle est très remontée, en effet). Je m’ouvre de ce que mes propres collègues m’agacent. Elle abonde dans mon sens, pour presque aussitôt se mettre en avant dans ses propres pratiques !
Je peux enfin me livrer à la sieste initialement prévue.
Je dors presque une heure et demie.
Valérie et Denis ont déposé des yaourts sur mon palier. Je me réjouis de voir qu’un pack de quatre yaourts nature fait partie du lot, puisque, précisément, j’avais oublié d’en acheter le matin même, moi qui m’en sers très habituellement pour allonger mes vinaigrettes avec le jus d’un demi-citron !
Je ne les ai pas entendus monter l’escalier, absorbé par mon travail. Sans doute est-ce Valérie seule qui s’est chargée de l’opération.
Soir
Courriel à T., à Valérie et Denis.
Message sur la boîte vocale de Pascal.
Courriel de Farès.
Toujours ce pis-aller des communications à distance.
Je regarde entre-temps la Chambre bleue de et avec Mathieu Amalric, qui me paraît une bonne adaptation de Simenon (auteur que je n’ai pas lu depuis bien longtemps1). Le film est d’un format très court.
Nuit du 26 au 27 mars 2020
LEXICOLOGIE - Con/finement : ce doit être un oxymore. Au même titre que « continuité pédagogique » relève d’une imposture langagière, d’une contrevérité.
De l’âge. Ai-je basculé dans un nouvel âge, ou est-ce un effet du confinement ? Je suis de plus en plus attentif à des rappels d’enfance (ou de jeunesse).
Il me revient ainsi que le paquet de coton hydrophile achevé aujourd’hui2 m’avait été acheté par ma mère avec d’autres produits de première nécessité il y a quelque quarante-deux ans lors de mon premier emménagement.
J’ai dû m’en procurer un nouveau (ainsi qu’un assortiment de sparadraps et un produit antiseptique).
Je fais donc ce vœu particulier : que ce ne soit pas pour moi un gage de longévité jusqu’à cent deux ans !
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1Je ne sais pas encore que je tenterai de lire bientôt à l’hôpital l’un de ses romans — j’ai oublié le titre du livre alors entamé — avec un mal de chien qui serait victime d’un soudain illettrisme : la mise en place énigmatique de l’intrigue (à dessein, pour piquer la curiosité du lecteur), ma lecture difficultueuse, insupportable de lenteur, ôtant tout plaisir au texte, vite délaissé [ajout du 16/08/2020].
2A l’arrière-plan de la photographie dans cet étalage du reste de ma pharmacie.