1086 - Carnets d'un confiné (22)
CARNETS d’un CONFINÉ
22
[Journal pas toujours extime]
(14 mars, […] 1er MAI 2020 … …)
Dimanche 5 avril
Matin
Travail (je peaufine mes documents, non que je n’aie que cela à faire, mais j’ai décidé de m’en remettre à l’écrit et à lui seul). Ménage (salle de bain et entrée).
Après-midi
Sieste. Ménage. Travail. Promenade.
Une routine certaine s’installe.
La femme de ménage, au moment où j’entreprends de nettoyer une partie de la cuisine, appelle pour me remercier de lui avoir envoyé un chèque.
Durant mon tour de quartier, je croise Isabelle, flanquée de son mari et d’un adolescent souriant. Je ne l’avais d’abord pas reconnue. Nous chaussons tous, il faut dire, des lunettes de soleil. Car la journée est printanière : j’ai attendu 17 h 15 mais il fait encore 20°.
Je rencontre aussi ma voisine — j’ai oublié son prénom, mais nous nous connaissons depuis plus de vingt-cinq ans —, que j’aborde avec une plaisanterie désormais consacrée (nous nous croisons toujours en sens contraire), et nous discutons d’un trottoir à l’autre. Elle se plaint de la longueur du confinement — cela va devenir une antienne —, des trajets répétitifs. Ces événements minuscules que sont ces conversations de rue ne sont pas désagréables, mais, curieusement, je ne suis pas mécontent de rentrer.
J’écris alors ces lignes-ci. Et j’envoie un courriel à Pierrick.
Les giroflées sur la terrasse sont en fleurs. Elles persistent, jaune, ou orange et flamme, sans même que je m’occupe jamais d’elles.
Soir
J’avais appelé B. et laissé un message sur son répondeur. Elle me rappelle et nous conversons une demi-heure. Elle ne sera pas en vacances du tout avant la levée du confinement, étant sur une « liste blanche » (si j’ai bien retenu l’expression, c’est-à-dire à disposition des autorités sanitaires en cas d’urgence pour des raisons psychiatriques, tenant à l’autisme en particulier). Nous nous accordons sur un certain nombre de points, je le constate à nouveau — j’en avais été étonné quand nous nous étions vus en février —, sinon qu’elle accuse le « système », ce qui ne veut évidemment rien dire.
Je regarde la Veuve Couderc, dont la forme a bien vieilli, trouvant — j’en suis surpris — Delon tout de même assez bon (et pas trop écrasé par Signoret, laquelle pouvait sans doute assez bien se mettre au diapason de ses partenaires),
puis enchaîne avec le documentaire sur l’actrice, en deçà de celui que lui avait consacré Chris Marker. Mais le plaisir d’entendre cette voix et de plonger dans ses yeux verts, toujours expressifs, reste immense.