1139 - À la napolitaine (15)
À LA NAPOLITAINE
RÉCIVIDE
ET (NOUVELLE) TRANCHE (DE VIE)
(Journal extime)
PARIS - NAPLES - PARIS - ****
(16 février - 1er mars 2020)
15
26 février
Matin
C'est mon dernier jour à Naples.
Je me rends à Santa Maria Donnaregina Nuova. Je suis absolument seul à visiter. Je prends beaucoup de clichés, jusqu’au moment où arrive un gardien qui me signifie une interdiction de photographier. Je lui assure que je ne servirai pas du flash devant les fresques et les tableaux. Il finira par me laisser faire, délaissant même toute surveillance.
Fabrizio Santafede, Madonna e Santi, olio su tela, cm 350 x 245. Prov. : Napoli, Chiesa di Santa Patrizia
Andrea Vaccaro (Napoli, 1604-1670), Maria Vergine intercede per le anime del Purgatorio, Olio su tela, cm 407 x 310. Prov : Napoli, chiesa di Santa Maria del Pianto
Dirk Hendricksz Centen, detto Teodoro d'Errico (Amsterdam 1542-44 ca. - 1618) Annunciazione, Olio su tavola, cm 243 x 164. Prov : Napoli, chiesa di Santa Maria della Sapienza
Nicolas Poussin, le Martyre de saint Erasme, 1628-1629, Huile sur toile, 320 x 186 cm (Pinacothèque vaticane)
Andrea Vaccaro, Madonna del Rosario e Santi Domenico e Caterina, Olio su tela, cm 194 x 143. Prov : Napoli, chiesa dell'Incoronata Madre del Buon Consiglio a Capodimonte
Luca Giordano, La Predica dell Battista, Olio su tela, cm 257 x 369. Prov : Napoli, chiesa di San Giovanni Battista delle Monache
Les lieux sont multiples dans leur architecture, leurs étages, leurs galeries, cour et cloître, divers, presque labyrinthiques dans leurs déplis et détours. En fait, l’on va de Santa Maria Donnaregina Nuova à Santa Maria Donnaregina Vecchia, d’une église baroque en façade à une église gothique surmontée d’un toit en bois à caissons.
Saint John the Evangelist tortured with boiling oil ; Saint John the Evangelist id baptizing Aristodemo
Coro parete sinistra : scene della Passione di Cristo ; scene della Morte diCristo ; scene della Rezurrezione di Cristo ; Storie di Sant'Elisabetta d'Ungheria. Affreschi, Anni Venti-Quaranta del XIV secolo, autori ignoti.
Diana di Rosa, detta Anella di Massimo, attr. (1602-1643), Sposalizio della Vergine [Wedding of the Virgin], Olio su tela 135,5 x 250, Prov : Napoli, chiesa di San Giovanni Maggiore
(Quelque intercesseur, quelque iconoclaste, aurait-il voulu punir mes larcins ? l’ensemble, ou presque, de mes clichés est décevant, sans mesure commune avec l’émotion qui m’a saisi à la vue des lieux et des œuvres… Le ruissellement baroque parfois décourage, il est vrai, la prise photographique, effarant les ors.…)
Midi
Je déjeune ensuite dans une pizzeria indiquée comme une institution du Vieux-Naples dans le guide touristique. La pizza est roborative et bonne ; pourtant, même labellisée comme authentique, ce n’est décidément pas mon plat préféré. Les différentes salles de l’endroit sont combles et les tablées s’enchaînent. Le service est aimable, mais tient tout de même un peu trop de cadences d’usine. Il n’était néanmoins pas question que je mange dans l’appartement après que j’y ai fait un ménage sommaire et déjà bouclé mes valises.
Je songe que j’ai oublié de réserver pour le restaurant du lendemain avec B. Je m’y emploie en récupérant ma valise et en connectant mon ordinateur dans l’escalier tout près de l’appartement où j’ai passé la semaine.
Après-midi
Je vois plus de gens masqués encore dans cet aéroport que dans le métro les jours précédents. Si au moins ils entendaient, ce faisant, protéger les autres ; mais je doute que ce soit là leur véritable intention.
Vue de très haut dans l’avion, la mer est plate et sans vagues, ridée de mêmes plis inexpressifs, ourlée d’une terre indifférente, très peu spectaculaire à contempler. Le soleil à grands jets traverse le hublot comme pour m’empêcher de lire.Cela seul m’indispose. Le reste est sans désir, sinon celui des gens que je rejoins, à qui j’aimerais donner davantage, ainsi que toujours quand je reviens de voyage, puisque ce sont eux avant tout que je rejoins.Car je ne consigne que cela, au long de ces carnets : des gens, des voyages, des lieux, des gens, ne sachant guère désormais comment m’étreindre, moi.Car je ne m’étreins guère, de même que guère je n’ai étrenné de corps au long des longs derniers mois, voire des derniers semestres passés.
J’ai moins songé durant mon voyage à J.-M. que je n’aurais cru. Mais je fuyais sa mort (déjà la fois précédente !), et ma fuite était, a été réussie, d’une fois l’autre. Moins fortement, durant ce séjour-ci, Naples s’est donnée autrement — mais non sans bonheurs. Pourquoi pourtant n’ai-je eu de nuit pleine qu’une seule nuit, les autres, entrecoupées d’inquiétudes et de mauvais rêves ?J’ai moins pensé à J.-M., mais je n’ai pas moins pensé à J.-M. que tous les autres jours. M.-C. et T. désormais conjoignent à leur façon, mais séparément, ce que J.-M. unissait souvent (et si bien) : la confidence (T.) et l’engagement (M.-C.) — ce qui ne veut pas dire que je ne prête pas à T. d’intelligence politique. D’ailleurs, nous serions plus d’accord lui et moi si n’était si forte mon obédience à tel homme politique, qu’il admire parfois sans distance critique.Pourtant, nous sommes devenus de plus en plus proches, T. et moi, tant et si bien qu’il me paraît bien lointain, et comme distancié encore en esprit, ce jour où nous nous sommes retrouvés Gare Saint-Lazare.Il me semble quelquefois dommageable que T. ne quitte plus ****. Nous pourrions nous retrouver avec plaisir à Paris… en Bretagne … qui sait ? en Irlande… ailleurs… Mais il demeure arrimé désormais à sa ville du fait du son chat, que ne peut plus garder sa mère…
Comme l’avion va vers l’ouest, le soleil met plus longtemps à se coucher. Ecrirais-je seulement si je n’avais pas achevé mon livre ? Cela me plaît pourtant de sortir des notations plates et de déborder des linéaments jetés sur le papier. Souvent j’accompagnais d’un murmure — « c’est beau ! » — l’impulsion qui m’amenait à photographier l’œuvre devant laquelle j’étais demeuré en arrêt, en m’irritant de ne pas trouver d’autre commentaire, mais m’irriguant de ce beau-là. Les voyages m’ont fait aimer la peinture, désormais plus habituellement que la musique, à quoi elle s’oppose d’ailleurs de bien de façons — plus en tout cas qu’à la littérature. Il faudra, cependant, que, disposant bientôt de plus de temps, je reconquiers ce territoire que j’ai trop recouvert, trop négligé.
Des gens. De la lecture. De la lecture. — Si ne s’y mêlait le vieillir, l’on ne saurait guère vivre mieux…