1171 - Journal de l'hôpital (4)

Publié le par 1rΩm1

 

 

 

Journal de l’hôpital

(25 mai - 5 juin 2020)

Journal d'un rescapé

 

Work in progress

 

4

 

1171 - Journal de l'hôpital (4)

 

26 [ou 27 ? / et 28 ?] mai 2020  / 1er mars 2021 sq.

1171 - Journal de l'hôpital (4)

Le[s ?] premier [ ? —s ?] matin[s ?], lorsque le neurologue qui a procédé à l’opération la veille [ou l’avant-veille ?] effectue ses visites, je suis bouleversé. En vérité, c’est ma tête entière qui est bouleversée. Lui, affiche un air satisfait, use d’un ton presque guilleret, content, dit-il, de voir que je suis en mesure de communiquer, même approximativement, à l’oral.

Le décalage entre son contentement et mes propres impressions de faillite est tel que je pleure, sans réussir à endiguer mes larmes — non plus que je n’avais pu réfréner le flot de considérations négatives au cours de l’intense activité nocturne précédente, laquelle — je l’ai déjà raconté — avait consisté à extraire des noms de la gangue qui les tenait prisonniers, activité à l’issue de laquelle je n'avais pu que conclure que le moindre individu sain du corps et d’esprit — à mon rebours ! — se détournerait logiquement ab/ horrere de ce que, en quelques heures, j’étais devenu. (Je songeais déjà à ma mère, mon principal repère en la matière, et qui l’est resté au fil de mon séjour à l’hôpital, et plus tard encore — ma mère délaissée par ses amies, à l’exception de quelques-unes bien trop rares, parce que la maladie et le déficit de paroles font peur aux individus « normalement constitués » — ces individus toujours, même (ou souvent) pour de mauvaises raisons, du côté de la parole et de la vie…)

Ces larmes qui sourdent, je le sens, agacent l’homme de l’art.

Les deux personnes qui l’accompagnent — sa secrétaire (ainsi que je l’ai appris assez vite) ainsi qu’un interne paraissent sensibles — la première, surtout — à ma détresse.

« Mettons-le sous Prozac » assène le chirurgien (c’était peut-être le deuxième jour, après une récidive de larmes, par conséquent — un médecin étant, lui, toujours du côté de la santé et de la vie).

* * *

Ce n’était pas la moindre de mes épreuves…

Je n’ai pas de souvenir exact du moment où l’on a mis en place — depuis le début (la première nuit) peut-être ? — une sonde urinaire ; je demeurais en permanence harnaché — d’une perfusion à gauche et à droite d’un tensiomètre —, autant dire cloué sur ma couche et dans l’incapacité de subvenir à en toute autonomie à n’importe lequel de mes besoins, sinon d'uriner sans en avoir même la volonté…

La sonde, une fois mise en place, n’occasionnait pas de véritable douleur — s’il semble que l’introduire n’a pas été agréable.

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Elle n’en a pas non plus provoqué quand est venu le moment de la retirer — quand on m’a débarrassé de la potence supportant les oripeaux qui encombrait l’être défaillant que j’étais devenu.

 

J’ai appris, de ce fait, à dormir à plat dos. Je dormais mal alors ; et pourtant je dormais, parfois en journée n’ayant de toute façon que peu à faire. Je me demande si, depuis, ce n’est pas la position que je rejoins plutôt sur le ventre durant mes nuits, empêché, depuis des mois désormais, de stationner trop longtemps sur le côté droit, mon épaule devenant douloureuse en cas de station prolongée.

Moi qui fais preuve en toute circonstance d’une pudeur qui — selon ce que me disait en persifflant D*** lorsque j’étais adolescent — confine à la pudibonderie (?), j’ai souvent mis violemment été mis à mal durant ce séjour à l’hôpital. Il fallait bien — et ce n’était pas une moindre difficulté — se mettre proprement à nu, être lavé — et même rasé —, les premiers jours au moins.

J’ai donc vécu comme un véritable allègement le fait d’être débarrassé de la machine sur roulettes qui entravait mes mouvements — et, dès lors que j’ai recouvré toute liberté de mouvement, j'en ai usé, abusé en fanatique capable sinon d’extravaguer (aucun couloir d’hôpital n’autorise cela…), mais de me déplacer sans harnais — et sans qu’on y trouve (ou presque) à redire.

* * *

C’est bien entendu cependant dès la première nuit, le 26 mai, que je me suis pareillement retrouvé harnaché et caparaçonné, cheval lourd et quatre fers en l’air, dans ma couche.

En revanche, je n’entends dorénavant rien à cette notation où il est question du neurochirurgien qui m’a opéré et d’un énigmatique « liquide infesté ». Qui a pu donc ainsi médire ou méduser — ou je ne sais —, et qu’a pu me dire ce professeur qui m’a rendu (à) la vie, sans plus me faire pleurer que les deux ou trois premiers jours ?

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(Toutefois, puisque je parviens, après bien des difficultés, dorénavant à finalement lire « protocole », sans doute est-il question de l'injection d'un liquide destiné à fluidifier le sang qui m'a été administrée lors de l'opération en vue d'éliminer le caillot responsable de l'accident vasculaire — laquelle opération aurait pleinement réussi, ce qui pourrait expliquer aussi le contentement du neurochirurgien de me voir, sinon tiré d'affaire, du moins rescapé et en état de me faire bon accueil…)

 

 

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