1168 - LE VOYAGE À CHARLEVILLE, Lettre à J.-M. (2)
[in memoriam J.-M.]
LE VOYAGE
À CHARLEVILLE
(8-9 avril 1987)
2
Résumé : que fais-je ici ?… que fais-je à Charleville ?… — Et ne me demandez pas non plus pourquoi je vous écris !
Mercredi 8 avril 1987 [suite]
Ne concluez pas trop vite à un instant de déprime de ma part. Au fond, tout ceci m’est bien égal. On vit très bien, mieux peut-être, en étant dépassionné. D’ailleurs, tout ceci ressemble de très près à la vieillesse. A la douce vieillesse de votre première jeunesse, au tout petit début de la vieillesse qui vous attend. L’herpès est mort avec le Capes (ô ! la rime intérieure !), mais j’ai tout de même conservé les cheveux blancs…
Voilà que l’envie vient de foutre le camp. Ou d’écouter Britten. Le choix est difficile, et lent. Je n’aurai pas le cœur de laisser couler ici le temps jusqu’à quinze heures… Même sous l’impulsion de cet autre rythme qu’est la Musique. (Je deviens infernal. Je traque sur France Musique, au fond des programmes, les morceaux qui m’intéressent, pour les enregistrer. De Bach à Britten. Frénétiquement. C’est la Musique qui reste quand on a tout oublié !)
* * *
Tout ceci ressemble de très près à un jeu de piste. J’ai peur qu’il y manque le bon participant. Lindsay. Ou Rimbaud.
Il n’est que quatorze heures, et je m’ennuie atrocement.
Et, comme pour tout maudire, voici que perce un rayon de soleil, lumineusement Si les jeunes gens étaient beaux, ce serait tout à fait le printemps !
* * *
Allez, au coin de Charlatroce, je vous laisse ! Avec une bonne pensée de ma part. Je vais marcher dans ces rues inconnues.
Romain
(à suivre)