1212 - Si tant est que ce ne soit pas une maladie… (8)
Si tant est que ce ne soit pas une maladie…
Carnets d'un convalescent
(Journal extime)
Work in progress
8
1er juillet 2020
Je m’interroge : comment cet homme pourrait-il être le père de R**** ?
Certes, il a sa petite taille, le même gabarit, cette étroitesse d’épaules…
Il faut, me dis-je, que la mère ait corrigé chez le fils certains traits disgracieux.
Cet homme-là, ventripotent, a une calvitie bien prononcée — ce que je savais déjà par Justine, qui s’en était amusée un jour, en l’évoquant et en plaisantant Romain de ce qui pouvait l’attendre —, mais cet homme-là n’a nullement ces yeux en amande ourlés de longs cils, ni cette nuque pour laquelle j’étais tombé en arrêt la première fois que je l’avais reconnue, ni cette jolie gueule qu’avait Keanu Reeves dans ses premiers films
— la douceur et je ne sais de quelle malice en plus…
J’avais donc rendez-vous chez le cardiologue que m’avait conseillé G., mon médecin traitant, praticien en vérité le plus proche de chez moi, le hasard faisant le reste…
Rendez-vous est pris notamment pour la pose d’un holster durant vingt-quatre heures, ainsi que pour un test d’effort, deux semaines plus tard.
2 juillet
Je fais le trajet à pied de chez moi jusqu’à l’hôpital…
C’est une infirmière que j’appréciais particulièrement qui me fait une prise de sang.
Je me retrouve ensuite dans le bureau du neurologue qui m’a opéré. C’est un autre corps dont je m’étonne, des bras démesurément longs et maigres, glabres, un buste plat comme sans relief ni aspérité.
Il n’a rien, à mes yeux, du professeur de médecine qui (aurait dit ma mère) « se monte du col » — et m’a acquis ma sympathie.
A un moment, il se cure les oreilles. La main gauche saisit l’oreille droite de temps en temps alors qu’il dicte un bilan à sa secrétaire.
Il me refait une ordonnance. Selon lui, le Prozac aurait des bienfaits (inexpliqués) sur les troubles phasiques (je m’aperçois alors que mon emploi du terme « aphasique » était jusqu’alors demeuré impropre…).
4 juillet
Soirée
Je dîne chez Valérie et Didier quand je suis saisi d’un malaise.
J’en ressens les prémices et m’assois alors dans le canapé du salon.
Alors que je me relève, je tombe, perds un instant connaissance et heurte le chambranle de la porte — m’a-t-on raconté depuis.
Assis dans un fauteuil, ayant recouvré mes esprits, une seule pensée m’obsède : j’espère qu’il ne s’agit pas d’une récidive, que je n’ai pas affaire à un nouvel accident vasculaire cérébral. Je vérifie que je parle. Sylvie, accroupie près de moi, se montre attentive et prévenante, tandis que Valérie prévient ma sœur et qu’on appelle les secours.
Les pompiers sont bientôt là. Celui qui m’accompagne durant le trajet jusqu’aux urgences sur le siège latéral de l’ambulance est agréable à regarder, du moins pour la partie du visage que ne dissimule pas le masque : mes esprits, semble-t-il, me dis-je alors, me sont revenus assez entièrement…
On me prévient toutefois à deux heures du matin que je devrai rester jusqu’au lendemain.
Nuit
On m’installe dans une grande salle à l’entrée des urgences, au milieu d’allées et venues incessantes, de conversations menées à forte voix.
Je réclame des bouchons d’oreille, puis de l’eau.
Matin
J’ai l’impression de n’avoir pas du tout dormi. Pourtant, tandis que j’attends le retour d’une femme partie aux toilettes attenantes, je dois me rendre à l’évidence : la femme, au bout d’une attente que j’estime à une quinzaine de minutes, et que je m’aventure dans les sanitaires, ne s’y trouve plus, attestant que je m’étais entre-temps rendormi !
Je fais couper la télévision qui tonitrue dans la salle alors même que j’en suis le seul spectateur.
Puis — plus tard… (peut-être ai-je encore dormi) —, un nocher très beau de type asiatique répondant au prénom caressant de Gaëlle m'emmène passer un scanner.
Celui-ci dure moins de dix minutes. La tête seule est engagée, en outre, tant et si bien que l’on subit moins d’agressions sonores que dans les caissons dans lesquels j’ai séjourné le double du temps très récemment…
Cet examen accompli, je suis en mesure de partir. J’appelle ma sœur pour qu’elle vienne me chercher et que je puisse rentrer chez moi.
5 juillet
Après-midi
Nous déjeunons chez mon père. L’un et l’autre m’exhortent — chacun à sa façon — à me ménager.
Je dis attribuer le malaise à la prise excessive d’alcool, champagne, vins blanc et rouge, inhabituelle depuis la sortie de l’hôpital un mois plus tôt.
* * *
Je compose un message rapide pour Valérie, Denis, J. et Sylvie en vue de les rassurer.
Je fais une sieste ensuite.
Puis j’appelle Simone pour différer la séance Feldenkrais du lendemain.