1215 - Si tant est que ce ne soit pas une maladie… (11)
Si tant est que ce ne soit pas une maladie…
Carnets d'un convalescent
(Journal extime)
Work in progress
11
26 août
Matin
Benoîte appelle. Mon message datait de cinq jours, et je me demandais si elle était toujours en vacances, ou avait négligé de me répondre. Au vrai, je ne la connais pas très bien — bénéfice indirect de mon accident, elle avait écrit une très gentille carte représentant le Mont Fuji par Hokusai — en me laissant mon numéro de téléphone.
J’avais répliqué par une carte de l’Agneau mystique, et nous nous étions ensuite téléphoné afin de prendre un verre ensemble sur une terrasse de la vieille ville, en face de chez T. J’ai toujours trouvé Benoîte particulièrement sympathique — sa douceur et sa sensibilité me plaisant beaucoup en particulier. J’avais noté combien aussi elle semblait radieuse au moment d’exécuter une chorégraphie durant une manifestation ; le plaisir à danser illuminait ses traits. J’avais apprécié la pertinence de ses interventions, également, d’une occasion l’autre. Nous avions d'ailleurs travaillé ensemble sur un texte, elle et moi, pour la venue des ministres Blanquer et Philippe et j’avais apprécié notre collaboration, Benoît s'avérant fine et prompte à saisir la pensée de l’autre.
T. aussi apprécie Benoîte. Qui plus est, Benoîte est une jolie femme, plus âgée qu’il n’y paraît au premier abord.
Elle me fixe un rendez-vous le lendemain — à 9 heures ! — avec Amélie.
* * *
Je vais chez l’orthophoniste.
J’enchaîne des pataga badaga gadaba fassacha chassafa manawa layara de plus en plus rapides jusqu’à m’emmêler tout à fait dans les syllabes.
Après-midi
Je me livre à une de ces siestes qui me sont devenues nécessaires en milieu de journée.
Pour ce faire, je débranche tout, ordinateur et téléphone, le portable demeurant à l’étage, à l’autre bout de l’appartement.
* * *
J’ai reçu une carte de Judith, assortie d'un courrier de la poste…
Qu’est-il arrivé ? Je ne crois pas à une plaisanterie de la part de Judith. Je m’amuse de cet incident de parcours — autant que je me sens frustré de n’avoir reçu que le contenant, et non l’objet qui m’avait été adressé.
* * *
T. a proposé de prendre un verre avec Paul et Marthe.
Il nous montre les cadeaux qu’il s’est procurés grâce à un chèque-livre conséquent de la part de ses collègues offert pour son départ de mon ancien établissement.
Je les quitte parce que j’ai rendez-vous avec Neil. Lui est — comme à son habitude — en avance. Quand je commande un bière, il demande un café, comme à son habitude. Comme à son habitude, enfin, il me quitte au bout d’une heure.
Soir
Je ne sais pas si j’oserais jouer encore le petit Nègre. Le titre changé — me dis-je plaisamment —, la musique s’en trouverait-elle altérée ?
27 août
Matin
Amélie est en retard à notre rendez-vous, et je me sentirai frustré de l’avoir vue si peu.
Avant qu’elle n’arrive, nous parlons musique, Benoîte et moi.
Emilie a fait quasiment un demi tour de la France avec le camping-car familial : Vosges, Jura, Morvan, Bretagne, Normandie, pour finir dans un camping à Versailles. Enzo, six [?] ans, passionné d’égyptologie, voulait visiter au Louvre le département consacré à l’Egypte ancienne.
Monna, trois [?] ans, voulait m’envoyer des cartes postales tous les deux jours.
Elle a du mal — autant que moi ? — à prononcer le mot « absurde », dont elle semble avoir une assez bonne compréhension
Soir
Je passe la soirée avec M.-C.
J’ai fait à dîner, plutôt bien, je crois (ce dont je suis content).
Je retrace à gros traits les soucis du moment — alors que M.-C. dit me trouver « zen » et regrette de ne pas savoir m’imiter ! Comment la détromper ? comment dissiper ce malentendu, d’ailleurs bénin ?
28 août
Matin
Je me laisse prendre — après quelques réticences — au jeu du roman policier que j'écoute (sous les espèces d’un audiolivre prêté par Khadija).
E*** et Laurent m’ont adressé des courriers de sympathie.
Je choisis deux cartes postales, l’une pour la petite Monna, l’autre pour son frère, Enzo.
Je me livre aussi à du ménage, du repassage : je poursuis mon grand rangement.
Après-midi
Réponse de Judith, après mon message concernant son courrier, le contenant étant une tablette de chocolat éventrée par un indélicat :
Bonjour Romain, bon c’est raté ! Désolée. Le risque était réel. C’était une plaque d’un très bon chocolatier de Belle île. J’avais trouvé l’idée d’enveloppe sympa mais ça ne marche pas. Un gourmand a intercepté !! Ils fabriquent des plaques épaisses spéciales pour résister au tri postal mais pas au brigandage... Je t’en enverrai une autre dans un emballage plus discret. […]
J’ai aussi reçu une réponse de la mutuelle à propos d’un complément de salaire.
* * *
Je passe — c’est très paradoxal, et je m’en veux un peu d’y songer — avec mon père une partie d’après-midi reposante auprès de ma mère.
J’aimerais retracer l’inénarrable conversation que mon père a presque seul avec elle.
Soir
Restaurant avec M.-C., Marthe, Paul et T.
T. se montre tendu, préoccupé par la rentrée, perturbé d’avance par le changement d’habitudes. Nous rions tout de même beaucoup par instants.
Notre plaisir d’être là est en partie gâché par des gamins insupportables amenés par une adulte sans aucune autorité ainsi que par le vacarme du sèche-mains, puisque nous avons été installés autour d’une table ronde, pourtant agréable mais toute proche des toilettes, que déclenche le passage des clients.
Je n’ai pris aucun médicament aujourd’hui. Je m’en suis rendu compte le matin pour les deux premiers, mais ai tout bonnement oublié les trois autres le midi et le soir.
* * *
Je me le demande tout à coup (quoique l’idée m’ait quelquefois traversé l’esprit déjà) : qu’est-ce que ce journal qui n’a d’importance que pour moi ?