1266 - Précoce vendange, vendange tardive (journaux parisiens parallèles) (6)
Précoce vendange,
vendange tardive
Journaux parisiens parallèles
(Journal extime)
Work in progress
6
Mardi 7septembre 2021
Matin
Judith me prévient de son retard, très habituel.
Mon père, qui a oublié ce rendez-vous à 10 heures 30 dont je lui avais pourtant parlé, me téléphone. Le menuisier qu’il a contacté ne s’occupe pas de portes palières. Il a failli n’être pas admis ce matin à l’hôpital du fait d’un médicament qu’il n’a pas pris, médicament dont il n’avait pas été informé. Il a fallu batailler par l’intermédiaire de la secrétaire du chirurgien, venue à la rescousse.
Un message d’Aymeric me parvient aussitôt ensuite, qui me remercie de la soirée de la veille.
Je reçois un appel de Judith. Elle est arrivée dans les parages du musée Carnavalet, mais n’est pas certaine de retrouver son chemin.
Il est presque 11 heures lorsque, après que j’ai guidé ses pas, nous parvenons au seuil de l’exposition, Revoir Paris, faite autour de photographies d’Henri Cartier-Bresson.
La presse est importante. Nous louvoyons avec et contre elle.
Toutes les photographies, ou presque, sont sous vitre ou vitrine, et je ne hasarde que quelques clichés (m'amusant de ce négrillon — puisque présenté et mis en scène de cette façon — qui, parmi bien des clichés d'époque, « boxe le piano »…).
J’achèterai à la sortie une carte représentant — à nouveau ! — le Square du Vert-Galant.
Et je remets à plus tard le soin de sélectionner quelques clichés sur la toile, spécialement la jolie gueule de Le Clézio en 1965, laquelle a aimanté mes regards avant même que je reconnaisse l’écrivain.
Je propose de parcourir les autres parties du musée (c’en est la troisième ou quatrième occasion, la première étant quelque vingt années plus tôt avec M.-C., mais la “scénographie” en a récemment été rénovée). Judith s’y montre indolente — elle fera malgré tout une photographie rapprochée de cette magnifique porte de l'Hôtel de ville du XVIIe épargnée par les flammes lors de la Commune en 1871, tandis que je 'emploierai à la prendre sous un angle plus frontal et général,
— et nous ne nous attardons pas.
(Avant de parcourir l'exposition, j'aurai pris également quelques clichés, notamment d'enseignes parisiennes — en particulier d'une plaque de la rue des Mauvais garçons, me rappelant tout à trac l'hôtel vétuste et bon marché où nous dormions, R. et moi, lors de nos premiers séjours parisiens : le simple vitrage n'assurait guère une bonne qualité de sommeil, et je garde un souvenir cuisant de la nuit où, en 1998, l'équipe française de football avait gagné la coupe du monde : non seulement le match était retransmis sur un écran géant sur la Place de l'Hôtel de la ville, mais toute la nuit un festival de klaxons et de vociférations déchaînés avait déferlé continûment rue de Rivoli pour fêter l'événement, nous empêchant tout à fait de dormir…)
Au cerf, Enseigne de marchand de vin, anciennement 120 rue Saint-Martin, Xe arr., 1745, Bois peint. Au chat qui dort, Enseigne de marchand de vin, anciennement 52 rue Mouffetard, Ve arr., XVIIIe siècle, Fer forgé, toile peinte
À la pensée, Enseigne de la maison Henry, magasin de nouveautés, 5, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 8e arr. Adolphe Willette (Châlons-sur-Marne, 1857 - Paris, 1926), Vers 1900, Huile sur toile
Alors que je l’avais invitée à un déjeuner improvisé chez F. et Pascal, à peine engagée dans la rue Sévigné, Judith alentit le pas et propose de nous rendre plutôt rue des Rosiers en arguant que ses chaussures ne sont pas faites encore à son pied et qu’elle ne saurait marcher si loin.
Sur place, nous constatons que les boutiques de vêtements de luxe ont remplacé la plupart des échoppes traditionnelles ; et, après avoir hésité à plusieurs reprises sur un endroit où nous poser, nous nous installons sur la terrasse d’un restaurant qui propose des falafels.
Nous parlons de choses et d’autres tout en mangeant, notamment de ce à quoi je me suis occupé au cours des jours derniers.
Nous prenons un café ensuite. Je montre le cliché du bouddha que m’a légué mon père. Et, comme à Aymeric la veille, je raconte comment a été occulté par mes parents un secret que je croyais pourtant de Polichinelle — secret qui, à mes yeux, ne devait qu’être éventé, ne serait-ce que par ma tranquille incurie à ce qu’il soit révélé… Et pourtant !
Judith se passionne pour mon récit, et commente. Elle-même se demande si Laure n’est pas lesbienne, en ajoutant qu’elle s’y est prise très maladroitement avec elle à diverses reprises. Elle n’a pourtant jamais mystère de ses sept ans de sa relation avec une femme, S*** — avec laquelle elle vivait quand je l’ai connue.
Je dis alors que la pensée que Laure était peut-être gay m’a parfois effleuré, notamment quand Judith, N. et elle avaient séjourné quelques jours chez moi six ans auparavant.
Selon Judith, presque tous les amis de Laure, filles ou garçons, sont gays aussi, et elle raconte comment elle a commis à diverses reprises des maladresses, que Laure a accueillies avec un évident agacement.
Judith devient songeuse : non plus ne s’est jamais ouverte de ses soupçons avec N., voire : elle dit se demander s’il y a jamais songé — et déclare qu’il serait sans doute opportun d’aborder avec lui ce sujet.
Je me dis avoir peut-être ainsi semé quelque ferment de concorde, ce qui me console de toutes les méprises qui ont eu pu avoir lieu avec mes propres parents, contre la volonté vraisemblable des uns et des autres.
-=-=-=-=--=-
21 octobre 2021
Matin
Déphasé dans mes éveils. Absence de bruits ds la rue. Jour se lève plus tard qu’à ****. Ne parviens pas à évaluer quelle h il pt ê. Ainsi si la veille je croyais/ auj il n’est q 6h 1/2 qd je me lève.
Réception mitigée de l’expo Ilya [Répine, au Petit Palais, qu’Aymeric avait évoquée la veille]
Technique impeccable, mais impress° de plusieurs artistes ≠ [qui cohabitent en un seul] selon les tableaux, sujets ou portraits [et autoportraits, certains très beaux, voire d’autant plus émouvants qu’ils cadrent à leur façon des souvenirs littéraires ou musicaux] [Connaissais celui de/ Modeste Moussorgski/ souvenir de classe de musique au collège, vraisemblablement]
Le dernier tableau [exposé], un Golgotha, interdit [de photographie — et sous vigilance étroite —, que je trouve particulièrement saisissant avec ses corps promis aux chiens]
Alors que nous déambulons [par la suite] dans les galeries de l’exposition permanente, Judith, qui échange des SMS avec N. et Laure, aborde, douloureusement, la situation familiale, laquelle a sans conteste empiré. Elle essaie de jouer les intermédiaires, sans y parvenir. Elle a reçu un message furibond de N. : à midi, Laure était encore au lit (sèche absolument les cours, en attendant que sa demande [de changement en psycho] soit examiné en novembre) ; envoie un msg pour sortir du lit ; entre-temps, N. est intervenu de manière musclée\ Laure a envoyé, elle, [un nouveau SMS] s’ouvrant sur la détestation qu’elle a de son père.
Ce que propose la cafeteria des lieux nous semble cher et chiche.
La conversation se poursuit sur [le] thème [familial] alors que nous marchons en direction de la Place de la Concorde
Je ne sais que [dire]/ sinon que N. devrait « jeter du lest »
Judith insinue qu’il rentrerait de la jalousie de la part de N. envers sa relation avec ses propres enfants. Il s’accuserait ou jouerait de /son étiquette de mauvais père
Je laisse parler Judith (que pourrais-je dire ?) alors que nous déjeunons chez Smith & son [rue de Rivoli], où nous nous restaurons d'un parmentier de canard et écrasée de p. de terre et purée de patates douces.
Il pleut fort au sortir de la librairie. Sous mon parapluie, les flaques, larges et profondes, nous séparent parfois, Judith et moi.
Chefs d’œ photographiques du MoMA [au musée du Jeu de Paume]
George Hoyningen-Huene (1900-1968), Henri Cartier-Bresson, 1935, Épreuve gélatino-argentique The Museum of Modern Art, New York. Collection Thomas Walther
Je passe pfs un peu rapidement devant les photographies.
[Judith aussi, à nv indolente.] Se dit fatiguée à l’issue de notre visite à l’expo. Va rentrer.