1333 - Mars à Paris (6)
Mars à PARIS/ MARCH in Paris
[Journal extime, 15-22 mars 2022]
Work in progress
6
18 mars 2022
[Ma mère aurait eu quatre-vingt-cinq ans aujourd’hui. Je n’y ai pas pensé le jour même, mais la veille. Le 17, c’était l’anniversaire des vingt ans de la rencontre de Claude et Jean-Paul. Ils avaient fêté “l’événement” le samedi précédent.]
Matin
Les mises en route de Claude sont lentes, et longues ses ablutions. Heureusement, à 10 heures, devant le Musée d’Orsay, il n’y a aucune file d’attente.
Nous nous rendons à l’exposition de la collection Frick des huiles sur toile, pastels et eaux-fortes de Whistler. Les œuvres y sont peu nombreuses. Un lien s’établit d’emblée avec l’exposition consacrée à Marcel Proust de la veille par l’intermédiaire d’un portrait de Montesquiou. Claude prétend préférer le tableau de La Gandara. Je lui concède que le personnage prend moins la pose.
James Abbott McNeill Whistler, Arrangement en noir et or : comte Robert de Montesquiou-Fezensac, 1891-1892, Huile sur toile, New York, The Frick Collection
James Abbott McNeill Whistler, Deux Porches, 1880, Eau-forte et pointe sèche sur papier vélin, Inclus dans Venice, A Series of Twelve Etchings (First Venice Set), New York, The Frick Collection
Le Cimetière : Venise, 1879, Pastel et traces de dessin au crayon graphite sur papier teinté brun, New York, The Frick Collection
The Riva, N° 1, Eau-forte et pointe sèche sur papier vélin, 1880, Inclus dans Venice, A Series of Twelve Etchings (First Venice Set), New York, The Frick Collection
Symphonie en couleur chair et rose : Portrait de Mme Frances Leyland, New York, The Frick Collection
Arrangement en brun et noir : portrait de Miss Rosa Corder, 1876-1878 Huile sur toile, New York, The Frick Collection
La Piazzetta, 1880, Eau-forte et pointe sèche sur papier vélin, Inclus dans Venice, A Series of Twelve Etchings (First Venice Set), New York, The Frick Collection
Arrangement en gris et noir ou Portrait de ma mère, dit aussi Arrangement en gris et noir n°1: portrait de la mère de l'artiste, 1871, Huile sur toile, Paris, musée d'Orsay
Nos pas nous portent ensuite vers d’autres salles
Pierre Bonnard (Fontenay-aux-Roses 1867 - Le Cannet 1947), Le Boxeur, dit aussi Portrait de l'artiste, 1931, Huile sur toile
Paul Cézanne (Aix-en-Provence 1839 - Aix-en-Provence 1906), Cinq baigneurs, 1900-1904, Huile sur toile
Maurice de Vlaminck (Paris 1876 - Rueil-la-Gadelière 1958), Restaurant de la Machine à Bougival, 1905, Huile sur toile
— et nous nous attardons dans celles où Sophie Calle expose textes, photographies et objets retraçant les jours qu’elle a passés en 1978-1979 dans le Grand Hôtel d’Orsay attenant à la gare, avant sa destruction et l'intégration de ses murs dans le musée.
Le prétexte en est intéressant. Assez bavarde, en revanche, la littérature qui l’accompagne. Je pratique quelques coupes claires.
Auparavant, hasard objectif que désigne Claude (pas toujours redondant !) : en déambulant dans les couloirs, nous étions quelques instants demeurés en arrêt devant une toile de Cunio Amiet, Grand Paysage de neige, laquelle fournit, entre autres toiles, à Sophie Calle sa prosopée autour de la disparition — celle des chambres de l’hôtel, celle de ses protagonistes, celle de figures qui hantent l’artiste (je me montre sensible à de tels revenants…).
Cuno Amiet (Soleure, Suisse 1868 - Oschwand, Suisse 1961), Schneelandschaft, dit aussi Grand paysage de neige, 1904, Huile sur toile
Ainsi de ce texte dont les mots ont disparu, se re-composant de manière plutôt facétieuse à gauche, plus dramatique ou tragique à droite.
Les photographies sont d’ailleurs intéressantes elles aussi, notamment leur mise en nuit (en fait, j’apprendrai en écoutant France culture (réparant ainsi les accrocs de mes coupes claires) que Sophie Calle a parcouru, durant le premier confinement, le musée à la recherche de ses fantômes dans une absence totale d’éclairages, la lumière se faisant spectrale de toutes les façons…)
Nous cherchons également l’exposition consacrée à Zola photographe et aux portraits réalisés de sa fille Denise, accessoirement de son fils Jacques. Il me revient que Jacques est le prénom du fils de Claude dans l’Œuvre, lequel meurt — puisque devait avorter toute forme d’amour entre le protagoniste et sa compagne Christine la bien-nommée. Inconscient étrange, parfois, que celui des romanciers assassinant leurs personnages…
Au dernier étage, se trouvent exposés, enfin, quelques croquis d’Yves Saint-Laurent, qui ne retiennent guère notre attention.
Claude, en revanche, prend de nombreux photographies dans les salles consacrées à la période tahitienne de Gauguin. Il m’explique les liens qui courent entre le peintre et les poètes Victor Segalen et Saint-Pol Roux — ceux-ci ayant acquis les bas reliefs de la Maison du jouir —, entre la presqu’île du Crozon et l’île de Hiva Oa (auxquels je serais tenté, dans ce jeu de piste en forme de jeu de l’oye, d’ajouter les noms de Jacques Brel et de Barbara…)
Dans le village d'Atuona, à Hiva Oa, en Polynésie française, le petit avion de Jacques Brel devant la reconstitution de la Maison du jouir, construite par Paul Gauguin © Internet
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Barbara - Gauguin / Lettre à Jacques Brel (Live Mogador 90)
Barbara chante Gauguin en hommage à Jacques Brel, chanson enregistrée en live au Théâtre Mogador à Paris en 1990
Sur ce sujet, Claude se montre par instants légèrement pédant. De mon côté, j’en rajoute, peut-être lourdement, dans la cuistrerie. Encore ne lui-je dis pas que j’apprécie peu les sculptures de Gauguin…
(Durant nos discussions, plus ou moins interrompues en fonction de nos propres déambulations, Claude ironise sur les “blogs” des particuliers qui rendent compte de leurs visites dans les musées et expositions et renseignent assez mal — quand il ne commettent pas des erreurs grossières… — les œuvres qu’ils ont photographiées. Comment lui donner tort ? Je me souviens d’une internaute qui m’avait chaleureusement remercié d’avoir précisé la date (approximative) d’un tableau de Max Ernst, Qui est ce grand malade… Claude ajoute qu’il manque cruellement presque toujours les dimensions des peintures, sculptures ou objets. En vérité, rares s’avèrent les indications à ce sujet. Or — je rejoins tout à fait le point de vue Claude —, la taille surdétermine assez souvent la réussite esthétique de l’œuvre, ou, à tout le moins, permet de s’en faire une représentation assez précise, et je les mentionne toujours quand je les trouve…)
Tandis qu’il mitraille, je prends, en amont et aval de ces salles, quelques autres photographies.
Roderic O'Conor (Milton, Irlande 1860 - Nueil-sur-Layon 1940), Garçon breton de profil, 1893, Huile sur bois, H. 31,1 ; L. 44,5 cm, Musée d’Orsay
(à suivre)