1336 - Mars à Paris (8)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Mars à PARIS/ MARCH in Paris

[Journal extime, 15-22 mars 2022]

 

Work in progress

 

8

 

Samedi 19 mars 2022

Toute une matinée s’offre à moi.

J’écris à François après avoir cherché un restaurant pour lui fixer un rendez-vous, à Aymeric pour avancer d’une demi-heure le moment où nous avions prévu de nous retrouver, à Judith pour arrêter une heure. Je retranscris ces notes et télécharge quelques photographies parmi celles que j’ai prises.

 

Après-midi

J’attends Judith devant la Fondation Cartier où nous devons visiter l’exposition consacrée à Graciela Iturbide.

Au rez-de-chaussée, les photographies ont été prises à divers endroits du monde que nous arrivons pas toujours à localiser en l’absence de cartels, avant de nous apercevoir qu’une indication de date et de lieu figure au sol. Ces “Naturata” sont — et pour cause — étrangement désincarnés. Les seuls humains qui y figurent sont tronqués et sans visage. Les clichés de nuées d’oiseaux provoquent la répulsion de Judith.

Au sous-sol, les humains, nombreux, qui figurent cette fois sur les photographies sont tous — ou presque — inexpressifs. Ce sont essentiellement des clichés de rituels, carnavals, marchés. Paysannes, travestis, voire animaux apparaissent comme curieusement figés. Je prends quelques clichés, dont celui de cette femme au “couvre-chef” composé d’iguanes (vivants).

1336 - Mars à Paris (8)
Graciela Iturbide, Angelito mexico, Chalma, Mexique, 1984

Graciela Iturbide, Angelito mexico, Chalma, Mexique, 1984

Graciela Iturbide, Muerte novia, Chama, Mexique, 1990

Graciela Iturbide, Muerte novia, Chama, Mexique, 1990

 

Puis nous parcourons le jardin, planté de fleurs saisonnières — hellébores, jonquilles, narcisses, crocus… —, fleurs simples qui donnent l’illusion, dans leur savant désordre, d’avoir poussé librement…

 

Le soleil nous incite à nous trouver une terrasse où nous poser. Nous nous installons non loin de chez Judith Boulevard Edgar-Quinet. Il fait vraiment beau.

Judith me demande à quoi j’ai employé les jours précédents. Nous parlons à peine de N., qui s’était froissé que nous ayons décidé de faire des expositions qui le tentaient.

Je retrace les circonstances de la mort de Marthe et — surtout — les conséquences de ce décès pour Paul. J’évoque le moment où nous nous sommes retrouvés dans leur appartement, M.-C. et moi.

Judith parle du syndrome de Diogène dont est affectée sa sœur — ce dont nous avons déjà dévisé à diverses reprises.

Un locataire négligent dans un studio meublé à Arcueil a ruiné les lieux en quelques mois du fait de l’absence de chauffage. Il faut dire aussi que l’architecte auquel Judith avait recouru a utilisé un crépi extérieur pour l’intérieur de l’endroit…

Elle me l’a déjà dit, par ailleurs, au téléphone : son neveu s’est engagé sur un coup de tête comme volontaire en Ukraine, laissant femme et enfants. Celui-ci flirte avec l’extrême-droite.

Un demi-frère de N., plus âgé que lui d’une vingtaine d’années et qui s’était occupé de lui à la mort des parents de N., vient de mourir d’un cancer. La cérémonie funéraire a lieu lundi.

Ainsi roule la conversation, malgré ensoleillée... Judith donne une leçon à 18 heures. J’envisage moi-même de me délasser une demi-heure dans l’appartement avant de rejoindre François.

 

Sur le chemin que nous faisons ensemble, Judith me raconte s’être brouillée avec Francis. Elle craint de le rencontrer inopportunément dans le quartier puisqu’il s’y rend souvent pour aller dans un sauna gay.

Je me trompe de ligne, puis d’arrêt, tant et si bien qu’il ne resterait plus qu’une vingtaine de minutes pour une halte avant de retrouver François : j’y renonce donc.

Soirée

J’attends François dans un bistrot près de la rue Faidherbe, quartier qu’affectionne François. Je suis donc exceptionnellement en avance.

Il a beaucoup grossi. Il est devenu massif au point de paraître devoir se mouvoir précautionneusement.

 Il ne boit toujours pas — et raconte s’être mortellement ennuyé la veille dans une compagnie tout avinée : ses compagnons tenaient des propos « absurdes », tandis que lui souquait dans un ennui épais. Je raconte en retour comment il m’arrive de m’absenter de conversations courantes quand je me trouve dans une assistance de plus de trois personnes… Nous évoquons aussi des différences de rythme lors de visites de musées ou d’expositions. Il est allé au musée d’art moderne de Vitry-sur-Seine avec des amis, se morfondant alors qu’eux s’abîmaient dans leur contemplation respectueuse d’œuvres qui lui semblaient dépourvues de tout intérêt. 

J’évoque à grands traits mes visites des jours précédents, notamment celles avec Claude, nos différences de rythmes et nos divergences d’intérêts.

Je raconte, plus brièvement qu’avec Judith, la mort de Marthe. Quelques fantômes de notre passé commun de lycéen ressurgissent aussi à nos mémoires.

Nous nous rendons ensuite dans un restaurant où j’ai réservé. Nous sommes les premiers, accueillis par un jeune garçon vraisemblablement eurasien (et gay), tout menu et petit et souriant. Nous commandons un peu au jugé des plats d’inspiration thaïe, qui s’avèreront fraîchement mis en œuvre — et plutôt bons.

François a reçu durant trois semaines sa fille aînée, revenue du Cameroun, qu’il n’avait pas vue depuis quelque deux ans. Elle a décroché un poste dans une O.N.G. à New Delhi — et s’y trouve déjà.

L’autre de ses filles est en Amérique du Sud. François s’était inquiété de cette destination (j’ai oublié exactement laquelle), réputée la plus dangereuse du continent, et s’en était ouvert à elle.

Il se demande comment ses filles ont « vécu » le divorce de leurs parents. Elles étaient déjà adultes alors, et je rétorque qu’il pourrait aborder assez bien la question et le leur demander…

Nous parlons aussi de connaissances communes, ou de personnes qu’il croit que je connais : Danièle (qu’il n’a pas vue depuis un certain temps), Raphaël (je raconte mon déjeuner récent avec lui), Didier, un dénommé Henri G., qui fut un temps l’amant de Carine, son frère…

Par deux fois, il dit n’avoir pas grand-chose à raconter. Je ne relève évidemment pas l’assertion.

Le repas est assez rapide, et nous avons suffisamment mangé pour ne pas prendre de dessert.

Il désire prendre un café. Je ne comprends pas tout de suite qu’il entend le boire sur place. Il est vrai que rentrer dans sa banlieue lui prendra du temps et en différerait le moment. Je commande un autre verre de vin.

Je le raccompagne jusque la Place de la Bastille. Nous descendons la rue de Charonne, parcourons la rue de Lappe — et nous quittons à l’entrée la plus proche de la ligne 5, tout en nous adressant un ultime signe depuis le quai opposé.

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article