1398 - Si bien que… ? (27)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Si bien que… ?

 

(Journal extime)

Work in progress

 

27

 

17 novembre 2021

[mardi 9 novembre]

Je vois à nouveau le notaire afin de faire établir un « mandat de protection future » dont, en cas de besoin, — j’aurais préféré mon père, mais il n’a pas voulu, arguant, non sans raison, qu’il devrait me précéder dans la déchéance ou la maladie, sinon la mort — ma sœur serait la mandataire. Rendez-vous est pris pour la signature de l’acte définitif le 22 novembre prochain.

 

[vendredi 12 novembre]

Je me suis invité chez Claudie. Puisqu’elle se vantait à diverses reprises de faire si bien la cuisine et que je l’avais invité chez moi un certain nombre de fois sans que jamais elle le fasse en retour ces dernières années, je n’ai pas hésité à faire valoir ces talents culinaires — que je lui connaissais déjà d’ailleurs — pour qu’elle veuille m’honorer d’un repas.

Je vais donc chez elle pour la première fois depuis une douzaine d’années. J’avais appris que l’espace de la salle à manger — où nous avons si souvent dîné, où elle mangeait avec Florence si souvent aussi — est resté taboué depuis sa rupture avec Florence, que dorénavant elle mange devant la table basse de son salon qui lui sert aussi de bureau. Quand j’arrive, elle a enfermé le chat dans ladite salle à manger.

Faute d’une cuisine somptuaire, elle a préparé une excellente quiche aux poireaux, lardons et endives. De mon côté, j’ai apporté un dessert. Nous dînons donc, elle sur un tabouret bas, moi dans le canapé, sur la petite table du salon.

 

Je vérifie à nouveau l’excellente mémoire de Claudie. J’avais oublié, en effet, ce qu’elle me raconte : visitant ensemble l’appartement où elle habite aujourd’hui, j’aurais proposé au propriétaire d’alors de lui vendre également la cour et la transformer en un espace privatif, afin d’éviter des allées et venues des autres propriétaires, voire qu’ils s’y installent… (J’avais projeté — de cela, je me souviens bien en revanche — l’aménagement d’une porte-fenêtre qui ouvrirait sur ladite cour au moyen de deux ou trois marches depuis la cuisine, travaux qu’elle n’a jamais entrepris entre-temps…)

Elle me montre la cuisine intégrée qu’elle a « conçue sur mesure » et qu’a élaborée un menuisier dont elle vante les compétences hors-pair, ainsi que, installés par un autre artisan tout aussi hautement recommandable, les doubles-vitrages et crémones de fenêtres blanches et dorées, que, pour ma part, je trouve assez laides et prétentieuses.

Elle libère le chat après que nous avons terminé le dessert. L’animal, tout jeune et, me semble-t-il, aucunement farouche, vient, de fait, frotter sa tête contre moi, en quête de caresses.

Ce sont presque trois heures et demie que nous avons passées ensemble, agréables, d’autant que nous n’avons que peu remué le passé…

 

[samedi 13 novembre]

Rien de saillant en ces jours de novembre humide où sévit parfois un brouillard poisseux.

Je croise par hasard A***, le frère de Khadija, dans le bar où travaille Dimitri : leur mère se laisse tout doucement glisser mais obstinément dans l’impotence et le silence. Il faudrait que j’appelle Khadija, quand bien même je pourrais la déranger dans le sacerdoce dont elle accompagne pareille pente inexorable presque à tout moment.

 

[17 novembre]

Ce journal qui enjambe des jours sans relief me ravit : je n’aurai pas à consigner pareille vacuité dans son détail — et peux, par conséquent, me consacrer à dactylographier, à une distance temporelle de près d’une année encore, le récit, alors souvent journalier, des jours anciens demeurés sous forme de notes. Non d’ailleurs qu’ils soient passionnants à retracer ¡ Mais [ajout du 14 septembre 2022] je souscris tout à fait à cette épigraphe d’Annie Ernaux qui ouvre son récit le jeune Homme :

     Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu’à leur terme, elles ont été seulement vécues.

Annie Ernaux en 2008 (© Internet)

Annie Ernaux en 2008 (© Internet)

 

 

 

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