1426 - Et en attendant d’autres Espagnes… (6)
Et en attendant d’autres Espagnes…
(Paris - Madrid - Tolède - Madrid - Paris)
Journal extime
(10 mai - 22 mai 2022)
6
14 mai 2022
Matin
Impossible de faire imprimer le ticket de train retenu sur Internet au guichet automatique de la Gare d’Atocha. La jeune femme que je sollicite ensuire au bureau des renseignements en ignore la raison. Elle me désigne un autre bureau auquel m’adresser. Regardant de plus près le billet que j’ai payé auprès du site de la SNCF, je m’aperçois alors que j’aurais dû l’imprimer en France — alors même que j’étais déjà en Espagne quand je l'ai acheté ! Je me le fais rembourser aussitôt (perdant 15 % à l’opération).
J’essaie de m’en procurer un autre à une borne automatique. Il faudrait — m’expliquent mes voisins de borne — rentrer le numéro de la carte d’identité (outre un numéro de téléphone et un adresse électronique) selon un protocole auquel je ne comprends rien.
Maudissant ces obstacles et songeant à l’Italie où ne pose aucune difficulté de se faire délivrer en gare un quelconque titre de transport, je me résous donc à faire la queue durant vingt-cinq minutes.
De la gare, je me rends au très proche Museo National Centro de Arte Reina Sofia — que j’avais vu auparavant et dont j’avais conservé le souvenir de davantage de Miró que je n’en verrai durant ma visite (mais peut-être y avait-il alors une exposition de l’artiste).
Le niveau 2 est — à nouveau ! — interdit à la photographie. On se presse devant Guernica.
Heureusement, la foule est moins nombreuse, voire clairsemée, aux autres niveaux.
Et je prendrai quelques clichés, sans que personne n’y trouve à redire à l’étage supérieur.
L’heure a tourné, et je ne veux pas rater le train dont le billet m’a été si difficilement bien acquis ¡ — d’autant qu’il me faut encore reprendre mes bagages…
Après une très belle exposition de gravures, notamment d'Otto Dix sur la guerre, qui me vaut aussi de découvrir l'œuvre de Kathë Kollwitz, je me hâte de prendre encore quelques clichés de la terrasse et sacrifie une ultime exposition, n’ayant vraiment plus de temps.
Otto Dix, Lens sous les bombes / Lens wird mit Bomben belegt, 1924. Eau-forte, pointe sèche et aquatinte. Cycle de La Guerre / Der Krieg. Dimensions de la feuille 48 x 35 cm.
Otto Dix, Bataillon d'assaut à l'attaque sous les gaz / Sturmtruppe geht unter Gas vor, 1924. Eau-forte, pointe sèche et aquatinte. Cycle de La Guerre / Der Krieg. Dimensions de la feuille 35 x 48 cm
Il est 13 heures 30 quand je ressors de l’endroit, l’estomac criant de faim, tout au contraire de mes yeux rassasiés de tout ce que j’ai contemplé.
Après-midi
L’appartement que j’ai loué à Tolède est petit, mais agréable — plus agréable et plus grand que l’était celui de Madrid où un vrombissement, comme enfoui, se faisait entendre de temps à autre — peut-être s’agissait-il du métro, peu éloigné, dont me parvenait le bruit sourd.
Je fais des courses sommaires dans un « supermarché » que m’a indiqué ma logeuse — supermarché paraît impropre, en effet, tant la surface en est réduite, mais, comme on est samedi, je m’emploie à quelques achats de première et seconde nécessité dans cette « supérette », afin d’organiser les repas — petit-déjeuner et dîner — du lendemain.
Je choisis ensuite dans le guide un restaurant qui constituera de premiers et roboratifs prolégomènes à la ville…
Et, passé le premier « pont historique » qui mène à l’une [?] — il doit y avoir d’autres si j’en crois les remparts et escarpements qui s'offrent à ma vue — des portes de la ville (tout aussi « historique »), la montée jusqu’à l’Alcazar s’avère un peu rude, et ce, sur quelque deux cents mètres au moins. La suite est moins raide, heureusement.
Après cartographié un premier quartier, je constate que le restaurant se trouve dans une ruelle étroite assez peu éloignée de la place principale (et touristique), les distances, malgré les dos d’âne, s’avérant courtes, et les ruelles, quasi constantes dans leur lacis. A presque trois quarts heures du repas, la faim me taraude déjà et, m’exprimant un frenglish tout approximatif, je demande s’il est possible d’anticiper le moment de la réservation et de me mettre à table dès à présent. Je souffre d’ainsi malaxer les syllabes, mais me fais comprendre (et admettre) malgré tout — à l’image d’ailleurs d’une transcription « castaphrique » [pour catastrophique, naturellement ¡] que je risque dans l’instant du désarroi linguistique dont je suis saisi en attendant le premier plat. A l’instar deux heures auparavant de ma logeuse, je mets à l’ouvrage le traducteur intégré de mon téléphone pour commander à mesure deux verres de vin.
Les plats sont bons, mais un tantinet trop chers. Le désir l’emporte, malgré tout, d’un bon repas. Ce que je me suis acheté dans le magasin près duquel je loge a toutes chances, en effet, d’être assez mauvais. Le vin rouge — comme bien des vins espagnols — a des accents de vanille qui parlent à mon palais… Hormis le dessert, ce chaud et froid devenu un standard européen paresseusement servi tant ici qu’ailleurs qui anesthésie et écœure la bouche dans son arrière-goût chocolaté et pâteux — autant que chocolateux et pâté — dont je n’ai pas compris la composition, croyant à un savoureux gâteau fondant et fort en cacao, l’ensemble emporte mon adhésion…
A travers la mezzanine vitrée de l’endroit, j’aperçois des hirondelles en quête effrénée d’insectes.